Les Inséparables - Tout n'est pas parfait, mais tout sonne juste...

Il en aura fallu du temps à Marie Nimier pour nous revenir. Quatre ans. Presque cinq, pour être exact. Le temps sans doute de se remettre du succès inattendu de sa Reine du Silence, succès colossal même - au regard de celui (relatif et toujours d'estime) de tous ses précédents romans.

Presque cinq ans plus tard, et enfin : Les Inséparables. Et tout de suite : une évidence. La Reine du Silence, récit autobiographique tout d'ellipses et de faux-semblants, roman d'amour poignant destiné au père, aura ouvert un nouveau chapitre dans son œuvre. Plus autobiographique, plus intime... appelez ça comme vous voudrez. L'important est de s'y attarder, car Les Inséparables, tout comme son prédécesseur, est un texte fort et singulier, porté par une plume remarquable.

Oh bien sûr, tout n'est pas parfait dans cette longue fresque sur l'amitié indéfectible que nourrissent deux jeunes femmes destinées à connaitre des trajectoires radicalement opposées, l'une écrivain, l'autre droguée et prostituée. Tout n'est pas parfait, mais tout sonne juste, jusque dans les virgules. La figure de cette amie, déjà. Léa. Elle prend chair sous nos yeux. Naturelle, émouvante, irrésistible jusque dans sa chute. L'auteure la croque dans ses moindres détails, la fait exister même dans le secret de ses silences. A cette écriture poétique et piquante qu'on lui connaissait déjà, elle ajoute cette rigueur quasi documentaire qui faisait de la Reine du Silence bien plus qu'un récit autobiographique. D'ailleurs autobiographie... c'est un bien grand mot. Que dire d'un ouvrage autobiographique qui parle si peu de son auteure ? Tout au plus s'agit-il d'autobiographie en creux, procédé que Marie Nimier connait bien ; elle continue ici de se dévoiler sans jamais se mettre en lumière, comme si elle s'éffeuillait livre après livre au travers de ceux qu'elle aime, de ceux qui ont compté. Sans calcul et sans cynisme : il y a un monde entre un travail comme celui-ci et les livres d'une Angot, suffocants de colère et de mépris. Si Les inséparables rayonne de quelque chose, c'est d'un indéfectible un amour pour Léa - ce serait faire injure à l'auteure que d'y voir autre chose.

Alors oui, bien sûr : tout n'est pas parfait. On trouve quelques longueurs, quelques digressions. Peu importe : Marie Nimier a inventé un genre littéraire nouveau - l'autofiction pudique. Manquait plus que ça...

👍 Les Inséparables 

Marie Nimier | Gallimard, 2008