lundi 20 avril 2009

Le Paradis des chiens - Crimes of Love in the First Degree

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On entre dans Le Paradis des chiens comme dans un de ces rêves d'été... il faut chaud, vous peinez à vous endormir, sûrement vous transpirez... vous vous assoupissez progressivement mais pas complètement, votre esprit divague, vos draps sont moites et votre corps aussi, et le rêve qui vient bien sûr ne peut-être que mauvais, poisseux, peut-être glauque même.

Pourquoi je pense à ça au moment d'évoquer ce livre ? Aucune idée, mais c'est exactement l'effet qu'il fait. Un roman moitié rêve moitié puzzle, inclassable et plus fascinant que passionnant, puisque somme toute il s'y passe peu de choses... mais que ces rares choses ont le don de faire jaillir l'angoisse, l'inquiétude, et le rire aussi. Parfois.

Complètement paumé, plaqué par sa copine et passablement dépressif, le narrateur accepte de devenir gardien de nuit dans un hôtel. Dans un mauvais thriller il s'y passerait des choses terriblement sordides ; ici il s'y passe surtout des choses étranges, burlesques, quoique la plupart du temps à vrai dire il ne s'y passe rien. L'ennui total, rien à foutre sinon regarder Délia D. à la télé, cette animatrice d'une chaîne musicale dont le sex appeal contamine progressivement Christian jusqu'à l'obsession. Et puis soudain : fondu enchainé. A peine s'est-on familiarisé avec l'endroit, ce Monde Modern, ses résidents burlesques, que Christian s'auto-mute dans un autre hôtel - high-tech et suradministré celui-ci. Au Niklaüse c'est un nouveau roman qui commence, une excroissance du premier, entre vidéo-surveillance et toujours l'ennui et la solitudes - fils conducteurs du Paradis des chiens. Avec bien sûr Délia D., toujours là (que serait-il sans elle ?), présence chaleureuse et sexuée dans un univers qui n'est ni l'un ni l'autre (c'est le moins qu'on puisse dire).

Sinueux comme l'hôtel Niklaüs et obsédant comme Délia D., Le Paradis des chiens réussit un quasi sans faute, en cela que son auteur parvient (chose rarissime) à concilier angoisse et dérision, satire sociale et comédie burlesque. Entre le Paul Auster d'il y a des siècles (celui qui écrivait des fables aux sens de lecture multiples et à la puissance comique insoupçonnée), le Cronenberg de Videodrome et le Lynch de Lost Highway, Louis-Stéphane Ulysse se taille une place inattendue... mais justifiée. Car vraiment, son roman au(x) sujet(s) pourtant casses-gueule est épatant de maîtrise et d'efficacité. Plus qu'une chouette découverte.


👍👍 Le Paradis des chiens 
Louis-Stéphane Ulysse | Flammarion, 1999

7 commentaires:

  1. Avec des réfs pareilles en ce qui me concerne c'est vendu!

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  2. Tant mieux. Il gagne à être découvert.

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  3. justement en lisant la chro avant de tomber sur les références finales, je me disais, tiens ça pourrait rappeler les futurs délires des personnages de James Woods et de Debbie Harry dans "Videodrome": "come to Nicki!"

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  4. En tout cas, cela fait très envie.

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  5. Doc >>> ç'a aussi été ma première pensée rien qu'en lisant le quatrième de couverture.

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  6. Je tombe par hasard sur ce billet. Voilà absolument le genre de livre que j'avais envie de lire. Merci pour le tuyau (je repasserai dire ce que j'en pense).

    Amitiés.

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  7. j'avais bien aimé "le paradis" à l'époque mais me semblait que c'était en-dessous de son premier "soleil sale" que j'avais lu quelques mois plus tôt et qui était encore plus dans l'esprit cronenberg.
    thomas

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