Antoine Bello - La Vérité est ailleurs (la plupart du temps)

Si la théorie du complot vit un nouvel Age d'Or depuis le 11 Septembre, force est de noter qu'à part 24 elle n'a pas débouché sur grand-chose de palpitant. Quelques films anxiogènes dispensables, quelques séries un peu branlantes (plus ersatz de 24 que vraiment marquées par les théories du complot du reste), les bouquins de Harlan Coben... pas quoi de grimper aux rideaux (ni au plafond ni nulle part).

Au milieu de tout ça, les romans d'Antoine Bello ne peuvent sembler que salvateurs : enfin du nerf, de l'intrigue tordue, du complot gouvernemental (on suppose), du faux-semblant... le tout livré dans un emballage des plus séduisants, le style étant tout à fait réjouissant. On en attendait pas moins de l'auteur d’Éloge de la pièce manquante (polar mettant en scène des pros du puzzle !), un véritable bâtisseur d'univers doublé d'un styliste doué... avouons que ça ne court pas les rues. Et Les Falsicateurs enfonce le clou planté par son prédécesseur : en suivant les méfaits du Consortium de Falsification du Réel à travers le regard de Sliv, un de ses jeunes nouveaux membres, Bello dresse une ode aux plus délirantes théories du complot jamais prononcées, avec juste ce qu'il faut de second degré pour qu'on ne le croit pas évadé d'un quelconque groupuscule thierrymessianique. Cinq-cent pages et puis s'en va, pour un résultat paranoïaque comme du Dick (en bien plus fluide), rythmé comme les meilleurs thrillers (en bien plus complexe), ne donnant qu'une envie : lire la suite de toute urgence.

Là, le bât blesse. Les Éclaireurs ne tient malheureusement pas les promesses du premier volet. En intensifiant la narration, Bello a perdu en efficacité ce qu'il a gagné en richesse. Surtout, quand Les Falsicateurs brillait par son ingéniosité et (donc) par sa subtilité, ce tome-ci réussit la regrettable prouesse d'être à la fois bien plus tordu et bien plus plat : l'intrigue principale ne décolle jamais, en revanche les digressions fusent, parfois passionnantes (l'analyse de la démocratie américaine est impressionnante de finesse et de lucidité), toujours inutiles. L'idée d'un article conjoint tombe du coup totalement à la flotte : le premier volet est excellent, le second totalement dispensable. Et si le premier pourrait éventuellement se suffire à lui-même, impossible de ne pas préciser que beaucoup de ses questions trouvent leurs réponses dans le second.

Preuve s'il en étant besoin que le mystère est toujours plus captivant que sa résolution...

👍👍 Les Falsificateurs

👎 Les Éclaireurs

Antoine Bello | Gallimard, 2007-09