Un an avant de novéliser le fabuleux eXistenZ, Christopher Priest publiait ce roman faisant passer le suivant pour un amusant retour à l'envoyeur. Comment s'étonner en effet, après avoir lu The Extremes, que Cronenberg ait tenu à embaucher justement Christopher Priest pour littératuriser son film... puisque celui-ci semble largement influencé par l'oeuvre de Priest lui-même, à la différence notable - mais quelle différence ! - que dans The Extremes le but n'est en aucun cas d'embrouiller le lecteur dans sa perception de la réalité et du virtuel - juste de suggérer l'idée d'une interdépendance entre l'une et l'autre.
Mais que sont donc ces Extremes donnant leur nom au roman ? A l'origine, des exercices d'entrainement pour les agents du FBI, surnommés ExEx (Extreme Exercises) et se popularisant progressivement de par le monde. Pur produit de cette génération d'agents parfaitement rompus à ces exercices de réalité virtuelle les plaçant des situations de crise ayant déjà eu lieu afin de leur apprendre le terrain, Teresa débarque dans le petit patelin de Bulverton ravagée par la paranoïa inhérente à ceux qui ont perdu un proche dans des circonstances tragiques. En l'occurrence son mari, abattu un an plus tôt au cours d'un massacre au Texas. Massacre simultané à un autre, en Angleterre. A Bulverton. Mêmes circonstances, même citoyen lambda prenant subitement son fusil et tirant sur tout ce qui se bouge. Teresa croit-elle réellement à un lien entre ces deux affaires ? Ou tout cela n'est-il pour elle qu'un prétexte pour se replonger dans les ExEx, avec en filigrane l'hypothèse, si tentante, si irrépressible... d'entrer dans le scénario du massacre pour tenter une fois, deux fois, trois fois... éternellement, peut-être, de sauver l'homme qu'elle aime ?
Il y a énormément de choses dans The Extremes... c'est à la fois sa force et sa faiblesse (en fait c'est à la fois la force et la faiblesse de la plupart des romans de Christopher Priest).
A la fois thriller oppressant et roman cyberpunk, il propose en vrac et dans le désordre : une réflexion poignante sur le souvenir, une satire sociale mordante, une plongée souvent amère dans les affres de la fiction, pour se conclure enfin sur une boucle temporelle (presque) parfaite. On serait tenté de dire qu'un peu comme Teresa elle-même lorsqu'elle pénètre dans les ExEx, Priest peine parfois à explorer tous les recoins du scénario. Que de zones d'ombre au final, que de mystères que la fin délibérément ouverte ne résout aucunement. The Extremes fait quatre cents pages ; on se dit arrivé à la dernière qu'il aurait aussi bien pu en faire six cents. Ce n'est pas un roman : c'est un gouffre sans fond, exactement à l'image des scénarios aux possibilités infinies qu'il (ré)invente pour l'occasion. A cause de cela, mais plus encore à cause de cette ambiance mélancolique tellement peu esseffe, difficile - impossible - de le lâcher en cours de route. Comme tout livre de l'auteur de The Prestige, il absorbe totalement l'attention du lecteur jusqu'à la dernière page, propose une construction millimétrée et donne autant à jubiler qu'à réfléchir. Plaisir de lecture et curseur artistique poussé au maximum n'étant que rarement conjugués de nos jours, il serait stupide de passer à côté.
Mais que sont donc ces Extremes donnant leur nom au roman ? A l'origine, des exercices d'entrainement pour les agents du FBI, surnommés ExEx (Extreme Exercises) et se popularisant progressivement de par le monde. Pur produit de cette génération d'agents parfaitement rompus à ces exercices de réalité virtuelle les plaçant des situations de crise ayant déjà eu lieu afin de leur apprendre le terrain, Teresa débarque dans le petit patelin de Bulverton ravagée par la paranoïa inhérente à ceux qui ont perdu un proche dans des circonstances tragiques. En l'occurrence son mari, abattu un an plus tôt au cours d'un massacre au Texas. Massacre simultané à un autre, en Angleterre. A Bulverton. Mêmes circonstances, même citoyen lambda prenant subitement son fusil et tirant sur tout ce qui se bouge. Teresa croit-elle réellement à un lien entre ces deux affaires ? Ou tout cela n'est-il pour elle qu'un prétexte pour se replonger dans les ExEx, avec en filigrane l'hypothèse, si tentante, si irrépressible... d'entrer dans le scénario du massacre pour tenter une fois, deux fois, trois fois... éternellement, peut-être, de sauver l'homme qu'elle aime ?
Il y a énormément de choses dans The Extremes... c'est à la fois sa force et sa faiblesse (en fait c'est à la fois la force et la faiblesse de la plupart des romans de Christopher Priest).
A la fois thriller oppressant et roman cyberpunk, il propose en vrac et dans le désordre : une réflexion poignante sur le souvenir, une satire sociale mordante, une plongée souvent amère dans les affres de la fiction, pour se conclure enfin sur une boucle temporelle (presque) parfaite. On serait tenté de dire qu'un peu comme Teresa elle-même lorsqu'elle pénètre dans les ExEx, Priest peine parfois à explorer tous les recoins du scénario. Que de zones d'ombre au final, que de mystères que la fin délibérément ouverte ne résout aucunement. The Extremes fait quatre cents pages ; on se dit arrivé à la dernière qu'il aurait aussi bien pu en faire six cents. Ce n'est pas un roman : c'est un gouffre sans fond, exactement à l'image des scénarios aux possibilités infinies qu'il (ré)invente pour l'occasion. A cause de cela, mais plus encore à cause de cette ambiance mélancolique tellement peu esseffe, difficile - impossible - de le lâcher en cours de route. Comme tout livre de l'auteur de The Prestige, il absorbe totalement l'attention du lecteur jusqu'à la dernière page, propose une construction millimétrée et donne autant à jubiler qu'à réfléchir. Plaisir de lecture et curseur artistique poussé au maximum n'étant que rarement conjugués de nos jours, il serait stupide de passer à côté.
👍👍👍 The Extremes [Les Extrêmes]
Christopher Priest | Simon & Schuster, 1998
Super bouquin (comme tout livre de Priest). Je ne le trouve pas du tout surchargé, moi. Au contraire il est parfaitement limpide et ça, ça relève de la performance vu la complexité de l'intrigue.
RépondreSupprimerTiens, ça donne envie... mais un mot dans ton billet me perturbe... esseffe ??
RépondreSupprimerun des Priest que je n'ai pas lu, mais ça ne serait tarder. A quand une critique de l'Archipel du rêve/An Infinite Summer? mon préféré de lui?
RépondreSupprimerSerious Moon >>> je n'ai pas dit qu'il n'était pas limpide, relis bien. J'ai dit qu'il était particulièrement dense (ou du moins c'est ce que j'ai voulu dire).
RépondreSupprimerEmma >>> esseffe, c'est un peu comme cédé ou dévédé, si tu veux :-)
Boebis >>> euh... je ne sais pas, je n'ai pas prévu de le relire prochainement. Mais si tu veux passer commande n'hésite pas (je peux te proposer différents modes de paiements, tu peux même commander maintenant et régler en 2010 :-D)
Aha, je croyais que "the extremes" était du même tonneau que "existenz", c'est pourquoi je ne l'ai jamais lu. Grave erreur, semble-t-il !
RépondreSupprimerSinon, Priest est génial ; un de mes écrivains préférés ! :)
Disons qu'il y a à peu près autant de points communs entre les deux qu'entre deux histoires de serial-killer :-)
RépondreSupprimerAh, la honte :-) et le pire c'est que j'y ai réfléchi un bon moment !
RépondreSupprimerC'est pourquoi je recommande toujours de lire Le Golb à voix haute :-D
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