Quand paraît Poets & Murder (connu également sous le titre, moins efficace mais sans doute plus juste du point de vue de l'intrigue, de The Fox-Magic Murders), en 1968, Robert Van Gulik est déjà décédé depuis presque un an (la légende veut qu'il ait rendu son dernier soupir le surlendemain du jour où il mit le point final à cet ultime roman), et à l'époque, beaucoup s'attendent à ce que la prolificité de l'auteur néerlandais donne lieu à une multitude de retours de la revanche des nouvelles aventures du Juge Ti en vacances. Ceux-là en seront pour leurs frais : aussi étrange que cela puisse quand on connaît les habitudes de travail pour le moins chaotiques de Van Gulik, Poets & Murder est toujours, plus de quarante ans après, le dernier roman du créateur du Juge Ti et le seul à être paru après sa mort (des suites d'un cancer du poumon, si cela vous intéresse...). Pas de manuscrit oublié retrouvé dans un grenier et complété par un vague cousin, pas de version alternative... mais il est vrai aussi qu'en réalité, en dehors de l'Angleterre et des Pays-Bas, la plupart des enquêtes du Juge Ti ont paru bien longtemps après la mort de leur auteur.
On pourrait s'attendre du coup à ce que ce Poets & Murder rédigé dans une quasi agonie soit un roman monumental et crépusculaire, hanté par le fantôme de la mort, le regret, la nostalgie... etc. Et pourtant... pas vraiment. Moins en tout cas que le dernier volume "sériel" (Murder in Canton, paru deux ans plus tôt). S'il s'agit bien d'une pièce maîtresse dans la bibliographie du sinologue-écrivain et s'il se conclut par une phrase hautement symbolique, Poets & Murder est plutôt un livre drôle et chaleureux, au ton particulièrement enlevé comme tout épisode mettant en scène soit le Juge Lo, soit des poètes... or là, on a les deux pour le prix d'un. L'enquête est certes l'une des plus complexes que Ti ait eu à affronter (il ne la résout d'ailleurs pas tout à fait), l'opposant à un assassin particulièrement brillant (à l'instar de tous les suspects-convives), mais c'est un avant tout l'amour de la langue et de la poésie qui ressort d'un épisode proposant des dialogues plus ciselés que jamais - les interrogatoires sont de véritables joutes verbales. Comme souvent dans la série, hédonisme semble être le maître-mot, rien d'étonnant à cela lorsqu'on sait que Van Gulik était un authentique dandy ressemblant plus au magistrat Lo qu'à Ti lui-même (il est d'ailleurs amusant de noter que son héros le plus célèbre soit un type peu loquace et souvent austère - presque son double inversé).
Alors quoi ? Un adieu en fanfare ? Il y a de cela, oui. Sans conteste un des tous meilleurs romans de Van Gulik, écrit dans une langue riche et limpide et parfaitement maîtrisé de bout en bout, Poets & Murder aurait pu (ironie du sort) avoir deux ou trois suites si Van Gulik le graphomane avait vécu seulement une année de plus. Quelque part, c'est peut-être mieux comme ça : en l'état, Poets & Murder est un peu le livre-somme que tout écrivain aimerait publier avant de mourir. Gavé d'idées plus inventives les unes que les autres, de bons mots réjouissants et de morceaux d'anthologie. Le sinistre Murder in Canton est sans doute l'épilogue (tragique) idéal à la série ; mais on préfèrera cent fois se rappeler que le vrai dernier, c'est ce roman pétillant de malice parfaitement raccord avec l'esprit du Juge Ti.
On pourrait s'attendre du coup à ce que ce Poets & Murder rédigé dans une quasi agonie soit un roman monumental et crépusculaire, hanté par le fantôme de la mort, le regret, la nostalgie... etc. Et pourtant... pas vraiment. Moins en tout cas que le dernier volume "sériel" (Murder in Canton, paru deux ans plus tôt). S'il s'agit bien d'une pièce maîtresse dans la bibliographie du sinologue-écrivain et s'il se conclut par une phrase hautement symbolique, Poets & Murder est plutôt un livre drôle et chaleureux, au ton particulièrement enlevé comme tout épisode mettant en scène soit le Juge Lo, soit des poètes... or là, on a les deux pour le prix d'un. L'enquête est certes l'une des plus complexes que Ti ait eu à affronter (il ne la résout d'ailleurs pas tout à fait), l'opposant à un assassin particulièrement brillant (à l'instar de tous les suspects-convives), mais c'est un avant tout l'amour de la langue et de la poésie qui ressort d'un épisode proposant des dialogues plus ciselés que jamais - les interrogatoires sont de véritables joutes verbales. Comme souvent dans la série, hédonisme semble être le maître-mot, rien d'étonnant à cela lorsqu'on sait que Van Gulik était un authentique dandy ressemblant plus au magistrat Lo qu'à Ti lui-même (il est d'ailleurs amusant de noter que son héros le plus célèbre soit un type peu loquace et souvent austère - presque son double inversé).
Alors quoi ? Un adieu en fanfare ? Il y a de cela, oui. Sans conteste un des tous meilleurs romans de Van Gulik, écrit dans une langue riche et limpide et parfaitement maîtrisé de bout en bout, Poets & Murder aurait pu (ironie du sort) avoir deux ou trois suites si Van Gulik le graphomane avait vécu seulement une année de plus. Quelque part, c'est peut-être mieux comme ça : en l'état, Poets & Murder est un peu le livre-somme que tout écrivain aimerait publier avant de mourir. Gavé d'idées plus inventives les unes que les autres, de bons mots réjouissants et de morceaux d'anthologie. Le sinistre Murder in Canton est sans doute l'épilogue (tragique) idéal à la série ; mais on préfèrera cent fois se rappeler que le vrai dernier, c'est ce roman pétillant de malice parfaitement raccord avec l'esprit du Juge Ti.
👑 Poets & Murder [Assassins & Poètes]
Robert Van Gulik | University of Chicago Press, 1968
l'insignifiant gratouilleur de cordes qui se tient devant vous n'a pas vu dans cette épisode autant de richesse que vous. il faut dire qu'il n'est pas lettré, ignorait que ce fut là le dernier livre de Gulik, et ne sait meme pas ce que veut dire hédonisme... Des personnages, oui, des ambiances diverses (mystérieuse avec le coup des renards, bourgeoise avec la maison de Lo mais aussi crasseuse avec certains épisodes en ville) et de l'humour, certes mais l'intrigue, trop complexe et tirée par la moustache! (sutout la fin)
RépondreSupprimerAh voilà donc ! Le jeune freluquet se sent pousser des ailes ! Il ose contredire non pas un, mais deux des plus grands spécialistes du Juge Ti sur le Ouebb (car ce livre est le favori de Soeur Yueyin). Comment ose-t-il ? Quel sera son châtiment ? La réponse dans le prochain JDC...
RépondreSupprimerle misérable commentateur ici présent, qui en l'espace d'un épisode passa de guest star à freluquet, prie les frère et soeur juges de bien vouloir noter, avant d'envoyer les sbires lui caresser le dos à l'aide de lanières de cuirs cloutées, qu'il a bien lu l'article de yueyin, et qu'il n'est guère étonné de l'attachement qu'elle porte à poets & murder, en admiratrice de vers romantiques et personnages féminins marquants qui y sont foisons. mais que son esprit hélas plus scientifique eut égard à sa formation ne peut que noter la moindre intelligence de l'énigme par rapport à d'autres enquete du bien aimé Juge Ti.
RépondreSupprimerAttends... maintenant qu'on sait ce que tu vaux vraiment en tant que critique du Juge Ti, plus question d'accepter que tu te répandes en commentaires. On veut des articles et on fera tout pour ça ;-)
RépondreSupprimerpffff je ne commenterai même pas les commentaires désobligeants de certain sur mon intellect soi disant non scientifique :-p - Elle m'a paru bien retorse mais plutôt solide cette intrigue...
RépondreSupprimerEt sinon il y a eu des suites quand même mais biennnn plus tard, celles de frederic Lenormand. J'en ai lu une qui était sympa mais ce n'était pas van gulik :-)
Ah oui oui, bien sûr il y en a eu... mais je parlais des textes de Van Gulik (Lenormand... c'est pas mauvais, mais c'est pas pareil, je ne veux même pas comparer)
RépondreSupprimerAh oui je vois, non je ne crois aps qu'on puisse retrouver des inachevés, Van Gulim a décrit comment il écrivait, c'était très organisé, très rigoureux, avec des tableaux pour les heures et les lieux... pas le genre à se lancer dans un récit pour le laisser inachevé... il prétendait que ça le délassait entre deux occupations plus absorbantes pfff... quel type quand même !
RépondreSupprimer:-)
RépondreSupprimerUn peu comme Volaire, qui écrivait Candide et compagnie pour se changer les idées entre deux tragédies :-)
C'est cela même :-D
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