jeudi 21 mai 2009

Ndidi O - Rencontre avec une Wicked Lady

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On entre parfois difficilement dans certains albums, dont le rédacteur dira alors d’un air faussement pénétré qu’ils « ne se laissent pas apprivoiser », que ce sont « des albums exigeants ». Sous-entendu : pour l’auditeur. Dans d’autres, plus rares qu’on pourrait le croire, on entre de suite et sans réserves tant ils paraissent accueillants et chaleureux. C’est le cas de Move Together, premier album européen de Ndidi Onukwulu (en fait une compile de ses deux disques parus sur le label canadien Jericho Beach) dont la séduction immédiate sur l’auditeur devrait sous peu lui garantir un franc succès. Sensuel, remarquablement écrit et porté par une voix lumineuse, Move Together n’a qu’un seul véritable défaut : il est extrêmement difficile à classer. Est-ce de la soul ? Du R&B – comme le prétendent les sites anglo-saxons ? Du jazz ? De la pop ? Du blues ? De la folk ? Un peu tout ça ? Rien de tout ça, peut-être ?… Perdue, la presse ne sait plus à quels saints se vouer. D’aucuns voient déjà en elle la nouvelle Norah Jones, ce qui étonne un peu compte-tenu de la richesse et de la noirceur manifeste de son univers. D’autres vont chercher encore plus loin des Winehouse et autres Duffy, comparaisons qu’elle ne récuse pas même si elle tient à préciser qu’« elles sont bien plus jeunes ». Certes. Elles sont surtout bien moins blues, et bien trop anglaises pour être si parfaitement rompues à l’art délicat du storytelling.


Car de storytelling il est bien question sur Move Together, intuition que la jeune femme confirme avant même qu’on ait songé à lui poser la question : « J’aime vraiment énormément d’artistes, mais je suis plus inspirée par les gens – par exemple cette famille juste dernière nous – que par la musique des autres ». On jette un coup d’œil à ladite famille, tranquillement installée en terrasse (tout comme nous). Plus tard Ndidi nous demandera intriguée ce que ces gens boivent (a priori un genre de Monaco), et l’on se dira qu’elle a peut-être déjà commencé à écrire mentalement sur le sujet. Qui peut savoir, avec ce genre d’artistes qui malaxent méthodiquement la vie et le quotidien pour leur donner exactement la forme (poétique, forcément poétique…) qui convient ?

Pour cette raison sans doute, ce goût des autres dont elle a fait la base de son travail, Ndidi semble plus intéressée à l’idée de parler d’à peu près tout… sauf d’elle et de sa musique. Lorsqu’on lui fait remarquer qu’avant de la rencontrer on a trouvé une mine d’infos à son sujet à l’exception pour le moins notable de… ses principales références en matière musicale, elle ne semble pas très surprise, et en dépit de nos efforts on n’en saura pas beaucoup plus sur ce point. Quelques noms seront prononcés au cours de la discussion, les monument nationaux pour tout canadien folkeux qui se respecte (Neil Young et Leonard Cohen, bien entendu) ainsi que quelques classiques du rock (Led Zeppelin, Black Sabbath) seront évoqués, mais ainsi qu’elle le dit elle-même « [ses] disques favoris changent énormément selon les jours » – tout comme ses films favoris et contrairement à ses shows tv cultes. True-Blood en tête bien sûr, à cause de ces cimetières qu’elle adore (« les endroit les plus calmes et apaisants qui soient, alors même qu’ils grouillent de monde »), même si elle reconnaît que le « so hot » Vampire Bill n’y est pas pour rien4.

Aussi intarissable que votre serviteur dès lors qu’est abordée (même pour rire) la question des séries, Ndidi finit pourtant, tout en énumérant ses préférences, par en dire beaucoup plus qu’elle ne croit à son propre sujet ; impossible de ne pas noter que le principal (pour ne pas dire le seul) point commun entre True-Blood ou The Wire est d’être l’une et l’autre des séries télévisées extrêmement écrites et littéraires, narrant, dans des styles (très) différents mais en usant de la même dramaturgie classique, les aventures d’individus simples confrontés à la découverte aussi souvent douloureuse que drôle du monde qui les entoure. Impossible de ne pas faire le lien avec les nouvelles musicales dévoilées par Move Together, d’autant qu’on y retrouve les deux principales inspirations musicales de l’album : True-Blood se déroule en Louisiane, et The Wire est gorgée de soul-music. "Wicked Lady" pourrait illustrer la première (jusque dans son titre), "Maybe the Last Time, I Don’t Know", la seconde. Jazz New-Orleans et gospel habité, folk old-school et pop aérienne… ce sont autant de couleurs d’une même vie entre lesquelles Ndidi refuse de choisir. À l’écoute de son très bel album, difficile de lui donner tort.


👍 Move Together 
Ndidi O | Naïve, 2009