[Article précédemment publié sur Culturofil] Xavier Plumas, Elvis Perkins, The Delano Orchestra. Trois artistes, trois albums. Trois visions différentes et complémentaires de la folk. Pour trois évènements musicaux considérables de ce début d’année 2009. Ajoutez à cela l’excellent dernier opus de Wille Nelson & Asleep At The Wheels, soit quatre disques du genre parmi les dix meilleurs du moment, et cela ne fait plus aucun doute : si le rock n’a jamais été autant à la mode que ces derniers mois, c’est surtout la folk qui ne s’était plus portée si bien depuis très longtemps. Et encore s’arrêtera-t-on ici aux albums exceptionnels, oubliant d’évoquer ceux qui sont « juste » très bons, ceux des Marissa Nadler, Felice Brother, Howard Eliott Payne et autres Jeffrey Lewis. Même Chris Isaak vient de publier un de ses meilleurs disques depuis longtemps ! Et Dylan qui revient…
Tonalité générale de l’année 2009 ou simple hasard des calendriers, il est trop tôt pour le dire. Mais il n’est pas interdit d’y voir la continuité logique d’années 2006, 2007 et 2008 ayant témoigné d’un retour progressif de la folk au premier plan. Car il ne s’agit pas uniquement d’un effet de mode : l’époque où les folkeux à guitares gémissaient leur dernière rupture sur des accords mineurs qui faisaient pleurer de plaisir les auditeurs de RFM semble aujourd’hui préhistorique. Chacun des quatre artistes évoqués en introduction à cet article a apporté sa propre vision et développé sa propre esthétique, c’est folk et acoustique soit - c’est surtout à chaque fois étonnant et singulier.
Inutile de dire que dans un tel contexte, Akron/Family vient de frapper un grand coup. Au milieu de ces sorties abondantes et souvent passionnantes, il manquait un chef-d’œuvre absolu pour mettre tout le monde d’accord. On soupçonnait le quatuor de Brooklyn d’en être capable depuis son premier album éponyme, il y a quatre ans. On l’en avait senti très proche en 2007, alors que paraissait le superbe Love Is Simple. C’est désormais chose faite. Et qu’il s’agisse d’une coïncidence ou non (l’histoire nous le dira dans quelques temps), le fait que ce Set ‘em Wild, Set ‘em Free changeant le drapeau américain en banière barbouillée sorte maintenant et pas dans un an a des allures de symbole fort. La folk n’appartient plus aux seuls Américains, semble dire la pochette. Et de fait : on entend depuis deux ans un nombre considérable d’excellents albums folk-rock publiés par des Anglais, des Français… etc.
Qu’on ne s’y trompe cependant pas : si vous voulez entendre de jolies comptines acoustiques aux mélodies immédiatement mémorisables et solubles dans l’eau de votre douche, ce disque n’est pas pour vous. La principale raison pour laquelle on adore Akron/Family depuis des années, c’est justement parce que le groupe ne fera jamais ce genre de disque. Classés par certains dans la catégorie folk expérimentale, ces quatre multi-instrumentistes ont toujours cherché à faire exploser les schémas et autres carcans, plus influencés par le psychédélisme des Byrds ou du Band que par le seul Bob Dylan. Et cela n’a jamais été aussi vrai que sur Set ‘em Wild, Set ‘em Free, qui les voit asseoir leur statut de groupe majeur et s’accaparer le titre ô combien envié de « Radiohead folk ».
La comparaison est loin d’être abusive tant ce quatrième album propulse la Family (pour les intimes) dans des sphères jusqu’ici inconnues. De la folk, oui, bien sûr. Des guitares acoustiques, évidemment. Mais aussi un rock psychédélique des plus singuliers, incomparable et donc par extension difficilement classable. Dès les premières notes de l’entêtant "Everyone Is Guilty" on est littéralement renversé par la rythmique syncopée ou la folie furieuse s’emparant des chœurs. Funky, tribale, explosive… cette introduction ahurissante, peut-être la meilleure chanson qu’on ait pour l’instant entendue en 2009, est un parfait résumé de la suite. Une suite qui, de la luxuriante "River" à la quasi gospel "Last Year", en passant par l’electro-folk "Creatures" ou l’époustouflante "Many Ghosts", laisse l’auditeur K.O. debout. L’adjectif « splendide » vient assez vite à l’esprit. Dans tous les sens du terme : « splendide » parce que Set ‘em Wild, Set ‘em Free a des allures de performance tant Akron/Family s’y affranchit des influences et des étiquettes, proposant l’un des disques les plus originaux de ces dernières années… mais aussi « splendide » dans l’absolu, « splendide » parce que c’est toujours très, très beau. Commencer l’article en évoquant la folk est d’ailleurs à la fois juste et trompeur : à la première écoute, Akron/Family semble n’avoir plus grand-chose de folk. Mis à part l’essentiel : un background et un état d’esprit suffisamment affirmés par le passé pour convaincre l’auditeur que l’idée est bien, désormais, de mettre en pièces les schémas habituels du genre. La diluvienne "MBF" l’atteste : le quatuor de Brooklyn n’a désormais plus peur de brasser les héritages traditionnels d’où qu’ils viennent, qu’il s’agisse de ses États-Unis d’origine comme des îles ou de l’Afrique. Son nouvel album est bien plus qu’un disque : c’est une invitation au voyage, à une étonnante odyssée psychédélique traversant les âges et les styles musicaux. Après tout c’est vrai : à quoi bon se limiter à un disque acoustique, ou électrique, ou électronique… si l’on est capable de faire tout cela à la fois ?
C’est peu dire qu’Akron/Family en est capable. Jamais groupe n’a paru aussi libre et enthousiaste (d’où le titre ?). Cette créativité débridée a-t-elle encore des limites ? La suite nous le dira. D’ici là on ne pourra qu’encourager nos lecteurs à faire un véritable triomphe à cet album - histoire de confirmer ce que l’on devine déjà : que ce Set ‘em Wild, Set ‘em Free (*) va marquer son temps.
(*) Sans aucun doute le meilleur album que j'aie jamais chroniqué sur Culturofil...
Tonalité générale de l’année 2009 ou simple hasard des calendriers, il est trop tôt pour le dire. Mais il n’est pas interdit d’y voir la continuité logique d’années 2006, 2007 et 2008 ayant témoigné d’un retour progressif de la folk au premier plan. Car il ne s’agit pas uniquement d’un effet de mode : l’époque où les folkeux à guitares gémissaient leur dernière rupture sur des accords mineurs qui faisaient pleurer de plaisir les auditeurs de RFM semble aujourd’hui préhistorique. Chacun des quatre artistes évoqués en introduction à cet article a apporté sa propre vision et développé sa propre esthétique, c’est folk et acoustique soit - c’est surtout à chaque fois étonnant et singulier.
Inutile de dire que dans un tel contexte, Akron/Family vient de frapper un grand coup. Au milieu de ces sorties abondantes et souvent passionnantes, il manquait un chef-d’œuvre absolu pour mettre tout le monde d’accord. On soupçonnait le quatuor de Brooklyn d’en être capable depuis son premier album éponyme, il y a quatre ans. On l’en avait senti très proche en 2007, alors que paraissait le superbe Love Is Simple. C’est désormais chose faite. Et qu’il s’agisse d’une coïncidence ou non (l’histoire nous le dira dans quelques temps), le fait que ce Set ‘em Wild, Set ‘em Free changeant le drapeau américain en banière barbouillée sorte maintenant et pas dans un an a des allures de symbole fort. La folk n’appartient plus aux seuls Américains, semble dire la pochette. Et de fait : on entend depuis deux ans un nombre considérable d’excellents albums folk-rock publiés par des Anglais, des Français… etc.
Qu’on ne s’y trompe cependant pas : si vous voulez entendre de jolies comptines acoustiques aux mélodies immédiatement mémorisables et solubles dans l’eau de votre douche, ce disque n’est pas pour vous. La principale raison pour laquelle on adore Akron/Family depuis des années, c’est justement parce que le groupe ne fera jamais ce genre de disque. Classés par certains dans la catégorie folk expérimentale, ces quatre multi-instrumentistes ont toujours cherché à faire exploser les schémas et autres carcans, plus influencés par le psychédélisme des Byrds ou du Band que par le seul Bob Dylan. Et cela n’a jamais été aussi vrai que sur Set ‘em Wild, Set ‘em Free, qui les voit asseoir leur statut de groupe majeur et s’accaparer le titre ô combien envié de « Radiohead folk ».
La comparaison est loin d’être abusive tant ce quatrième album propulse la Family (pour les intimes) dans des sphères jusqu’ici inconnues. De la folk, oui, bien sûr. Des guitares acoustiques, évidemment. Mais aussi un rock psychédélique des plus singuliers, incomparable et donc par extension difficilement classable. Dès les premières notes de l’entêtant "Everyone Is Guilty" on est littéralement renversé par la rythmique syncopée ou la folie furieuse s’emparant des chœurs. Funky, tribale, explosive… cette introduction ahurissante, peut-être la meilleure chanson qu’on ait pour l’instant entendue en 2009, est un parfait résumé de la suite. Une suite qui, de la luxuriante "River" à la quasi gospel "Last Year", en passant par l’electro-folk "Creatures" ou l’époustouflante "Many Ghosts", laisse l’auditeur K.O. debout. L’adjectif « splendide » vient assez vite à l’esprit. Dans tous les sens du terme : « splendide » parce que Set ‘em Wild, Set ‘em Free a des allures de performance tant Akron/Family s’y affranchit des influences et des étiquettes, proposant l’un des disques les plus originaux de ces dernières années… mais aussi « splendide » dans l’absolu, « splendide » parce que c’est toujours très, très beau. Commencer l’article en évoquant la folk est d’ailleurs à la fois juste et trompeur : à la première écoute, Akron/Family semble n’avoir plus grand-chose de folk. Mis à part l’essentiel : un background et un état d’esprit suffisamment affirmés par le passé pour convaincre l’auditeur que l’idée est bien, désormais, de mettre en pièces les schémas habituels du genre. La diluvienne "MBF" l’atteste : le quatuor de Brooklyn n’a désormais plus peur de brasser les héritages traditionnels d’où qu’ils viennent, qu’il s’agisse de ses États-Unis d’origine comme des îles ou de l’Afrique. Son nouvel album est bien plus qu’un disque : c’est une invitation au voyage, à une étonnante odyssée psychédélique traversant les âges et les styles musicaux. Après tout c’est vrai : à quoi bon se limiter à un disque acoustique, ou électrique, ou électronique… si l’on est capable de faire tout cela à la fois ?
C’est peu dire qu’Akron/Family en est capable. Jamais groupe n’a paru aussi libre et enthousiaste (d’où le titre ?). Cette créativité débridée a-t-elle encore des limites ? La suite nous le dira. D’ici là on ne pourra qu’encourager nos lecteurs à faire un véritable triomphe à cet album - histoire de confirmer ce que l’on devine déjà : que ce Set ‘em Wild, Set ‘em Free (*) va marquer son temps.
👑 Set ‘em Wild, Set ‘em Free
Akron/Family | Crammed Discs, 2009
(*) Sans aucun doute le meilleur album que j'aie jamais chroniqué sur Culturofil...
Tout est dit ...
RépondreSupprimerProbablement mon disque de l'année depuis déjà ... quelques mois. Pourquoi s'en cacher !? Francis L. est là pour nous soutenir.
Un autre (juste) très bon album de "folk", bien plus classique :
georgias horse - the mammoth sessions
(tu sais où le trouver)
Zut, on ne peut pas écouter le Georgia's Horse avant le 9 juin. A moins que Francis L. ...
RépondreSupprimerALBUM GENIAL !
RépondreSupprimerQue dire d'autre ?
Je sais : ARTICLE EXCELLENT (de rien)
RépondreSupprimerQuand je pense que je ne l'ai pas encore écouté...
RépondreSupprimerPour moi, Akron/Family est ce qu'il y ait d'arrivé de mieux au rock lors de cette 2e partie de la décennie. Rien que ça ! Il y a une énergie, une créativité incroyable qui émane de ces gens.
RépondreSupprimerPar contre, leur chef d'oeuvre est tout de même "love is simple" : je trouve que c'est le plus ambitieux, celui qui à les mélodies les plus poignantes. Mais je trouve ce dernier album énorme aussi. Disons que je le mettrais au niveau de "meek warrior, ce qui suffit à écraser toute concurrence.
De toute façon, tous leurs albums (à part le 1er) sont indispensable (j inclus bien évidemment le dantesque split album avec les Angels Of Light)
Thierry >>> Francis, Président ! Francis, Président !
RépondreSupprimerKMS >>> mais que se passe-t-il ? Je te sens un peu à la traine sur les sorties, cette année, par rapport aux précédentes...?
nyko >>> je ne trouve pas que Love Is Simple soit absolument parfait, il y a quelques passages que je trouve un tout petit barbants en fait... mais sinon je suis à peu près d'accord sur tout le reste. Akron/Family est vraiment un des meilleurs groupes que nous aient offert cette décennie, ils sont plus aventureux à eux seuls que 90 % des autres réunis !
Moi je l'aime beaucoup le premier Akron... même s'il est un peu en dessous de Love is simple.
RépondreSupprimerLe nouveau j'attend sa sortie pour l'écouter...
Live, ils font très très très mal aux oreilles par contre...
Je n'avais pas aimé Love is simple alors que j'aimais les autres alors du coup...
RépondreSupprimerSinon j'écoute des nouveautés si, même s'il y en a plein qui sont passées directement à la poubelle mais d'autres non. Tiens d'ailleurs il y en a une chez moi de nouveauté, un très beau disque d'ailleurs.
J'ai dû en mettre une liste chez GT comme d'hab' dans son classement.
Pour une fois, on est pas du tout d'accord... et pour une fois, je ne suis pas du tout d'accord avec Nyko, aussi...
RépondreSupprimerParce que je l'ai écouté 2-3 fois, et, vraiment, je n'accroche pas... j'avais trouvé Love is simple pas mal, le Angels of Light vraiment très bon... mais celui-là me laisse de marbre... "splendide" est le dernier mot quaquel j'aurais pensé pour cet album. Enfin, je vais le réécouter, sait-on jamais...
Autre point, aussi, avec lequel je suis pas du tout d'accord... ce que tu dis sur le nouveau Chris Isaak... que j'ai trouvé vraiment très mauvais, du rock FM mièvre et racoleur, alors qu'il a fait de bonnes choses par le passé (et je ne parle pas que de son rôle dans Twin peaks ou de l'utilisation de ses morceaux chez Lynch et Kubrick^^)
Lyle >>> tiens, sur mon mien il sortait la semaine dernière... :-/
RépondreSupprimerKMS >>> pas mal du tout d'ailleurs (Jeniferever). Ca change de Simple Minds :-)
G.T. >>> c'est parce que tu oublies de compter toutes les fois où je ne suis pas d'accord et où je ne dis rien... par exemple sur les Felice Brothers, pas de quoi se taper le c... sur les table, mais 8,5 sur Art-Rock, alors qu'Elvis Perkins s'est fait jeter sous un fallacieux prétexte... manifestement, ton artère folk s'est bouchée ces derniers mois :-)
Plus sérieusement... ton artère folk s'est bouchée ces derniers mois ^^. Je trouve vraiment ce disque absolument exceptionnel, plus qu'au-dessus de la moyenne, plus créatif que 90 % du CDB tel qu'il est à l'heure actuelle. Quant à Chris Isaak... allez arrête, n'essaie pas de me faire croire que tu as un jour aimé Chris Isaak autrement qu'au détour d'une bande-annonce de film (ou en tant qu'acteur) je ne te croirai pas une seconde :-D
Bien sûr qu'il y a plein d'albums sur lesquels on n'est pas vraiment d'accord... mais c'est très rare que je lise un article du Golb sur une nouveauté en me disant "on n'a pas du tout écouté le même album"...
RépondreSupprimerEt bien sûr que j'ai aimé certains albums de Chris Isaak... mais le dernier, non, je le trouve vraiment sans intérêt et beaucoup trop FM...
"c'est très rare que je lise un article du Golb sur une nouveauté en me disant "on n'a pas du tout écouté le même album"
RépondreSupprimerTu veux dire sans compter Perkins, The Pains Of Being Pure At Hearts, River Cuomo, Les Wampas... pour en citer quelques uns qui figurent dans le Top 20 du Golb (au même titre, certes, qu'Apse, Dälek ou DJ Signify... d'ailleur merci de m'avoir fait (re)découvrir Lhasa... :-)
(allez, un bisou, on oublie tout ^^)
Que cet album est difficile d'accès!! autant sur Love Is Simple, il y avait des points d'accroche qui donnaient envie d'aller plus loin, d'insister pour finalement adhérer à l'ensemble; Autant là, je suis découragé devant la montagne à gravir, et pas vraiment certain du panorama final. Vraiment je doute fort que cet album soit splendide, et le titre introductif me ferait plutot passer mon chemin, meme si de jolies choses s'en suivent.
RépondreSupprimer"à quoi bon se limiter à un disque acoustique, ou électrique, ou électronique… si l’on est capable de faire tout cela à la fois ?" la question reste posée, et pour ma part je ne suis pas sur de répondre par l'affirmative...