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En ces temps de crise du disque rabâchée jusqu’à l’écœurement, de lois anti-téléchargement et de révolte historique d’une poignée de passionnés de musique à l’encontre de l’industrie qui la régit, il est possible que d’aucuns s’interrogent sur la défiance des esthètes vis-à-vis de major companies se voulant garantes d’un système de plus en plus décrié. Pourquoi tellement détester le music-business, alors que, précisément, le rock n’a jamais été qu’une musique commerciale et assumée comme telle (mieux encore : à l’origine, le rock’n'roll est né de l’envie de vendre plein de disques à plein de gens) ? À cette question légitime, et si toutefois les nombreux articles parus ces derniers mois n’ont pas suffi, Faith No More vient de fournir une réponse aussi involontaire qu’éclatante… Faith No More ?
Faith No More (FNM pour les intimes et - ne nous voilons pas la face - les vieux), c’est bien sûr ce grand groupe des années 80 et 90, ce collectif considérable emmené par Billy Gould, Jim Martin et (à partir de 1989) Mike Patton, qui révolutionna au moins autant le rock que le show-business en imposant sur les ondes de MTV une insolence créative jamais remise en question, un véritable ovni musical pour lequel l’adjectif « inclassable », souvent employé à tort et à travers, semble avoir été inventé. Faith No More qui a (très bien) vécu, distillant durant quinze ans des albums fantastiques avant de séparer en 1998. Faith No More qui a annoncé une prévisible reformation il y a quelques mois, sans véritablement provoquer d’engouement tant sur leur dernière tournée, les musiciens donnaient l’impression de monter sur scène comme d’autres vont au bureau. Il n’empêche : nous ne saurions que trop conseiller aux plus jeunes de se pencher au plus vite sur ses trois chefs-d’œuvre : The Real Thing (1989), Angel Dust (1992) et King for a Day… Fool for a Lifetime (1995). Faith No More s’y montre aussi à l’aise dans la fusion ("Epic") que dans la soul-pop (indispensable reprise d’"Easy"), dans le metal ("Digging the Grave", "Ashes to Ashes") que dans l’électronique planante ("Stripsearch"), inventif, sans complexe et – ce qui ne gâte rien – pourvu d’un humour souvent imparable ("We Care a Lot", "Be Agressive"… et toutes les autres, en fait). Des titres cultes, souvent doublés de tubes, qui figurent bien entendu tous sans exception au menu du best of qui paraît ces jours-ci.
Car oui, Faith No More publie cette semaine un best of. Un de plus. Un de trop, pour ne pas dire « un de plus de trop », puisque c’est rien moins que la sixième compilation publiée par le groupe depuis 1998. « Par le groupe » étant bien entendu une façon de parler ; on peut légitimement s’interroger sur la part réelle de Mike Patton et de ses camarades dans la réalisation de cet objet copieux (deux CDs), quand bien même celui-ci (contrairement aux autres) porte un de ces titres goguenards typique du collectif : The Very Best Definitive Ultimate Greatest Hits Collection. Au moins la couleur est-elle annoncée d’entrée de jeu, même si en l’occurrence on est sans doute plus proche du cynisme le plus irritant que d’un véritable sens de l’humour. On avait connu Faith No More plus inspiré, notamment lorsqu’il intitulait son greatest hits de fin de contrat Who Cares a Lot?, renvoyant subtilement dans les cordes son label de l’époque, qui lui avait forcé la main concernant la publication hâtive de cette compilation plutôt inégale (litote).
Il est vrai que si le best of est un exercice toujours fastidieux et très souvent absurde, son ineptie est poussée au paroxysme dès lors qu’il concerne un groupe comme Faith No More, dont aucun album (voire souvent aucune chanson) ne ressemble aux autres. Mis à part leurs intitulés sarcastiques il y a si peu de points communs entre un We Care a Lot (premier LP en 1985) et un Album of the Year (le dernier, douze ans plus tard) que l’idée de compiler FNM a quelque chose de profondément risible. A plus forte raison en 2009, à l’heure où, sans même aller jusqu’à télécharger illégalement, il est déconcertant de facilité de se procurer tous les albums du groupe pour une somme encore inférieure au prix de cette Very Best Definitive Ultimate Greatest Hits Collection. Dont le seul pauvre titre de gloire, en dehors du fait de compiler pour la sixième fois en dix ans les mêmes dix-huit chansons, sera donc de proposer sur le second CD une poignée de morceaux scandaleusement présentés comme inédits, ce qu’aucun d’entre eux n’est vraiment – pas étonnant : à force de se fendre d’une poignée de raretés à chaque nouvelle compile, il ne reste plus des masses de matériau frais. Et quand bien même : là encore, en 2009, le concept de raretés semble très relatif tant le Net a rendu tout disponible pour tout le monde. On peut trouver cela bien ou mal, formidable ou regrettable… peu importe : les faits sont là. Faut-il que le label éditant cet objet soit crédule pour oser penser qu’un fan (synonyme en langage libéral de « vache à lait ») mettra la main au porte-feuille pour acheter un album dont il connaît déjà quasiment tous les titres à l’exception d’un ou deux qu’il pourra tout aussi bien se procurer autrement. Si encore le groupe, puisqu’il vient de se reformer, avait eu la politesse minimale de nous offrir ne serait-ce qu’un nouveau titre… mais non, c’était sans doute bien trop demander en pleine période de crise économique et alors que les stars ont tant de mal à payer leurs impôts…
Bref. Ce n’était probablement pas son but, il n’empêche : The Very Best Definitive Ultimate Greatest Hits Collection, peu importe la qualité (forcément) excellente de son contenu, symbolise typiquement le genre de procédé commercial d’un autre temps que l’explosion du Web a rendu totalement caduque. Signe du progrès, sans doute : il y a dix ans, le principe d’une sixième compile de suite nous aurait révolté. Aujourd’hui, il nous fait surtout rire.
En ces temps de crise du disque rabâchée jusqu’à l’écœurement, de lois anti-téléchargement et de révolte historique d’une poignée de passionnés de musique à l’encontre de l’industrie qui la régit, il est possible que d’aucuns s’interrogent sur la défiance des esthètes vis-à-vis de major companies se voulant garantes d’un système de plus en plus décrié. Pourquoi tellement détester le music-business, alors que, précisément, le rock n’a jamais été qu’une musique commerciale et assumée comme telle (mieux encore : à l’origine, le rock’n'roll est né de l’envie de vendre plein de disques à plein de gens) ? À cette question légitime, et si toutefois les nombreux articles parus ces derniers mois n’ont pas suffi, Faith No More vient de fournir une réponse aussi involontaire qu’éclatante… Faith No More ?
Faith No More (FNM pour les intimes et - ne nous voilons pas la face - les vieux), c’est bien sûr ce grand groupe des années 80 et 90, ce collectif considérable emmené par Billy Gould, Jim Martin et (à partir de 1989) Mike Patton, qui révolutionna au moins autant le rock que le show-business en imposant sur les ondes de MTV une insolence créative jamais remise en question, un véritable ovni musical pour lequel l’adjectif « inclassable », souvent employé à tort et à travers, semble avoir été inventé. Faith No More qui a (très bien) vécu, distillant durant quinze ans des albums fantastiques avant de séparer en 1998. Faith No More qui a annoncé une prévisible reformation il y a quelques mois, sans véritablement provoquer d’engouement tant sur leur dernière tournée, les musiciens donnaient l’impression de monter sur scène comme d’autres vont au bureau. Il n’empêche : nous ne saurions que trop conseiller aux plus jeunes de se pencher au plus vite sur ses trois chefs-d’œuvre : The Real Thing (1989), Angel Dust (1992) et King for a Day… Fool for a Lifetime (1995). Faith No More s’y montre aussi à l’aise dans la fusion ("Epic") que dans la soul-pop (indispensable reprise d’"Easy"), dans le metal ("Digging the Grave", "Ashes to Ashes") que dans l’électronique planante ("Stripsearch"), inventif, sans complexe et – ce qui ne gâte rien – pourvu d’un humour souvent imparable ("We Care a Lot", "Be Agressive"… et toutes les autres, en fait). Des titres cultes, souvent doublés de tubes, qui figurent bien entendu tous sans exception au menu du best of qui paraît ces jours-ci.
Car oui, Faith No More publie cette semaine un best of. Un de plus. Un de trop, pour ne pas dire « un de plus de trop », puisque c’est rien moins que la sixième compilation publiée par le groupe depuis 1998. « Par le groupe » étant bien entendu une façon de parler ; on peut légitimement s’interroger sur la part réelle de Mike Patton et de ses camarades dans la réalisation de cet objet copieux (deux CDs), quand bien même celui-ci (contrairement aux autres) porte un de ces titres goguenards typique du collectif : The Very Best Definitive Ultimate Greatest Hits Collection. Au moins la couleur est-elle annoncée d’entrée de jeu, même si en l’occurrence on est sans doute plus proche du cynisme le plus irritant que d’un véritable sens de l’humour. On avait connu Faith No More plus inspiré, notamment lorsqu’il intitulait son greatest hits de fin de contrat Who Cares a Lot?, renvoyant subtilement dans les cordes son label de l’époque, qui lui avait forcé la main concernant la publication hâtive de cette compilation plutôt inégale (litote).
Il est vrai que si le best of est un exercice toujours fastidieux et très souvent absurde, son ineptie est poussée au paroxysme dès lors qu’il concerne un groupe comme Faith No More, dont aucun album (voire souvent aucune chanson) ne ressemble aux autres. Mis à part leurs intitulés sarcastiques il y a si peu de points communs entre un We Care a Lot (premier LP en 1985) et un Album of the Year (le dernier, douze ans plus tard) que l’idée de compiler FNM a quelque chose de profondément risible. A plus forte raison en 2009, à l’heure où, sans même aller jusqu’à télécharger illégalement, il est déconcertant de facilité de se procurer tous les albums du groupe pour une somme encore inférieure au prix de cette Very Best Definitive Ultimate Greatest Hits Collection. Dont le seul pauvre titre de gloire, en dehors du fait de compiler pour la sixième fois en dix ans les mêmes dix-huit chansons, sera donc de proposer sur le second CD une poignée de morceaux scandaleusement présentés comme inédits, ce qu’aucun d’entre eux n’est vraiment – pas étonnant : à force de se fendre d’une poignée de raretés à chaque nouvelle compile, il ne reste plus des masses de matériau frais. Et quand bien même : là encore, en 2009, le concept de raretés semble très relatif tant le Net a rendu tout disponible pour tout le monde. On peut trouver cela bien ou mal, formidable ou regrettable… peu importe : les faits sont là. Faut-il que le label éditant cet objet soit crédule pour oser penser qu’un fan (synonyme en langage libéral de « vache à lait ») mettra la main au porte-feuille pour acheter un album dont il connaît déjà quasiment tous les titres à l’exception d’un ou deux qu’il pourra tout aussi bien se procurer autrement. Si encore le groupe, puisqu’il vient de se reformer, avait eu la politesse minimale de nous offrir ne serait-ce qu’un nouveau titre… mais non, c’était sans doute bien trop demander en pleine période de crise économique et alors que les stars ont tant de mal à payer leurs impôts…
Bref. Ce n’était probablement pas son but, il n’empêche : The Very Best Definitive Ultimate Greatest Hits Collection, peu importe la qualité (forcément) excellente de son contenu, symbolise typiquement le genre de procédé commercial d’un autre temps que l’explosion du Web a rendu totalement caduque. Signe du progrès, sans doute : il y a dix ans, le principe d’une sixième compile de suite nous aurait révolté. Aujourd’hui, il nous fait surtout rire.
👎👎 The Very Best Definitive Ultimate Greatest Hits Collection
Faith No More | Rhino, 2009