On avait laissé Jarvis Cocker en lévitation pop, surfant avec majesté sur la sophistication des arrangements de son magistral Jarvis. Trois ans et un relatif succès d’estime (aux airs de véritable déshonneur pour une telle icône des nineties) plus tard, voilà que le dandy loufoque repointe le bout de son nez en nous annonçant quelques unes de ces surprises dont lui seul a le secret…
C’est qu’elle avait de quoi étonner, cette idée d’imaginer l’ex-leader de Pulp, si distingué et so british, piloté par Steve Albini, ancien meneur des hardcoreux de Big Black catapulté plus grand producteur de sa génération et (surtout) bâtisseurs de sons chez le tout venant du rock bruyant. Un simple coup d’oeil au CV d’Albini valant mieux qu’un long discours, difficile de ne pas noter que ses travaux (pour Nirvana, les Pixies, Jesus Lizard, PJ Harvey, Shannon Wright et même les Stooges !) semblent pour la plupart un brin rugueux et par conséquent très éloignés de l’univers délicat et raffiné de l’autre Cocker. La seule méthode de travail de l’ingénieur du son, dont la principale spécificité consiste à poser des micros dans tous les coins du studio pour ne rien louper (même pas – surtout pas ! – les pains) paraissait sur le papier totalement incompatible avec la sophistication un brin pédante de l’auteur de "Common People".
Comme quoi il ne faut jamais jurer de rien, puisque Further Complications enthousiasme dès la première écoute. Soutenu par un groupe cohérent, peut-être même plus cohérent que Pulp (dont les membres avaient tendance à gicler en moins de temps qu’il n’en faudrait pour dire que "Common People" est l’hymne de toute une génération), galvanisé par une production plus spontanée et (on l’imagine) plus décontractée… Jarvis Cocker vient tout simplement de se fendre de son meilleur album depuis très longtemps, un disque sans prétention et (presque) sans fioritures, et cela sans pour autant dénaturer son personnage élégant et lunaire. Further Complications, en fait, c’est un peu tout ce que le dernier album de Morrissey aurait voulu être sans toutefois y parvenir faute d’avoir réuni le casting idéal : un disque de glam-rock les deux pieds dans son époque, rétro dans l’esprit (le glam, par définition, est un style porté sur la nostalgie), mais soniquement en phase avec son temps. Ce qui revient à dire (vous l’aurez compris) que Further Complications est également ce qui se rapproche le plus, dans la démarche comme dans le répertoire, de ce que serait un album de Pulp publié en 2009. Avec assauts rockabilly ("Homewrecker!"), voix en apesanteur, rock puissant ("Angela") et fantôme de Bowie à tous les étages ("Leftlovers", "Hold Still"…).
Réussissant le pari de hausser le ton sans affadir le propos ni rien perdre de sa légendaire distinction, Cocker s’offre même quelques ballades en terres inconnues (de lui) comme ce "Caucasian Blues" évoquant "Hang on to Yourself" ou un "Slush" d’une noirceur abyssale à laquelle le crooner ne nous avait pas habitué. Assez loin, donc, des méditations parfois nombrilistes (mais toutefois séduisantes) de Jarvis, ce qui ne manquera pas de surprendre les fans… ni de les enchanter, le côté fantasque du bonhomme ayant trop souvent été remisé au placard ces dix dernières années. Ne le dit-il pas lui-même, dans une des envolées goguenardes qui l’ont rendu célèbre ? « I Never Said I Was Deep », scande-il sur le meilleur titre de ce cru 2009. Ce n’est pas tout à fait exact (la légèreté d’un Disco 2000 n’a jamais masqué sa tristesse ni sa profondeur, et Cocker a toujours été plus proche de Droopy ou de Chaplin que des Monty Pythons), mais n’est pas loin d’être vrai : en dépit de son image d’intello coincé, Jarvis Cocker n’a jamais été qu’un bouffon qu’une presse anglaise avide de stars jetables eut un jour le malheur de prendre au sérieux. Pour ceux qui en doutaient, ce Further Complications dominé par l’énergie et le second-degré devrait constituer une preuve irréfutable.
C’est qu’elle avait de quoi étonner, cette idée d’imaginer l’ex-leader de Pulp, si distingué et so british, piloté par Steve Albini, ancien meneur des hardcoreux de Big Black catapulté plus grand producteur de sa génération et (surtout) bâtisseurs de sons chez le tout venant du rock bruyant. Un simple coup d’oeil au CV d’Albini valant mieux qu’un long discours, difficile de ne pas noter que ses travaux (pour Nirvana, les Pixies, Jesus Lizard, PJ Harvey, Shannon Wright et même les Stooges !) semblent pour la plupart un brin rugueux et par conséquent très éloignés de l’univers délicat et raffiné de l’autre Cocker. La seule méthode de travail de l’ingénieur du son, dont la principale spécificité consiste à poser des micros dans tous les coins du studio pour ne rien louper (même pas – surtout pas ! – les pains) paraissait sur le papier totalement incompatible avec la sophistication un brin pédante de l’auteur de "Common People".
Comme quoi il ne faut jamais jurer de rien, puisque Further Complications enthousiasme dès la première écoute. Soutenu par un groupe cohérent, peut-être même plus cohérent que Pulp (dont les membres avaient tendance à gicler en moins de temps qu’il n’en faudrait pour dire que "Common People" est l’hymne de toute une génération), galvanisé par une production plus spontanée et (on l’imagine) plus décontractée… Jarvis Cocker vient tout simplement de se fendre de son meilleur album depuis très longtemps, un disque sans prétention et (presque) sans fioritures, et cela sans pour autant dénaturer son personnage élégant et lunaire. Further Complications, en fait, c’est un peu tout ce que le dernier album de Morrissey aurait voulu être sans toutefois y parvenir faute d’avoir réuni le casting idéal : un disque de glam-rock les deux pieds dans son époque, rétro dans l’esprit (le glam, par définition, est un style porté sur la nostalgie), mais soniquement en phase avec son temps. Ce qui revient à dire (vous l’aurez compris) que Further Complications est également ce qui se rapproche le plus, dans la démarche comme dans le répertoire, de ce que serait un album de Pulp publié en 2009. Avec assauts rockabilly ("Homewrecker!"), voix en apesanteur, rock puissant ("Angela") et fantôme de Bowie à tous les étages ("Leftlovers", "Hold Still"…).
Réussissant le pari de hausser le ton sans affadir le propos ni rien perdre de sa légendaire distinction, Cocker s’offre même quelques ballades en terres inconnues (de lui) comme ce "Caucasian Blues" évoquant "Hang on to Yourself" ou un "Slush" d’une noirceur abyssale à laquelle le crooner ne nous avait pas habitué. Assez loin, donc, des méditations parfois nombrilistes (mais toutefois séduisantes) de Jarvis, ce qui ne manquera pas de surprendre les fans… ni de les enchanter, le côté fantasque du bonhomme ayant trop souvent été remisé au placard ces dix dernières années. Ne le dit-il pas lui-même, dans une des envolées goguenardes qui l’ont rendu célèbre ? « I Never Said I Was Deep », scande-il sur le meilleur titre de ce cru 2009. Ce n’est pas tout à fait exact (la légèreté d’un Disco 2000 n’a jamais masqué sa tristesse ni sa profondeur, et Cocker a toujours été plus proche de Droopy ou de Chaplin que des Monty Pythons), mais n’est pas loin d’être vrai : en dépit de son image d’intello coincé, Jarvis Cocker n’a jamais été qu’un bouffon qu’une presse anglaise avide de stars jetables eut un jour le malheur de prendre au sérieux. Pour ceux qui en doutaient, ce Further Complications dominé par l’énergie et le second-degré devrait constituer une preuve irréfutable.
👍👍👍 Further Complications
Jarvis Cocker | Rough Trade, 2009
Eh oui, ce disque (dont je comptais parler aussi) compte déjà, pour moi, parmi les meilleurs de 2009. Le plus étonnant étant quand même (par rapport à l'album Jarvis en tous cas) la manière dont il s'éloigne doucement de Pulp en assumant totalement sa tentation de rock musclé (Angela, etc) et des divagations soul assez amusantes. Et ce concert ! Ce concert ! Comme c'était bon ! :-)
RépondreSupprimeroublier qu'Albini est aussi le producteur de Neurosis, bravo!!!
RépondreSupprimerJe ne vous félicite pas! ;-)
Je vais l'écouter, bientôt.
RépondreSupprimerJe n'ai pas encore eu le temps, mais j'aime beaucoup Jarvis Cocker, j'aimais beaucoup son album d'avant, donc je vais écouter cela.
Le titre, en plus, est très aguichant.
BBB.
Sans aucun doute un de mes albums de l'année !
RépondreSupprimerAh ! Vous me faites tous bien plaisir. Enfin sauf le Doc , bien sûr, qui comme d'habitude me fait chier ^^
RépondreSupprimerEn fait c'était à l'origine un article de Culturofil, site nettement plus grand public (si j'ose dire) que Le Golb comme chacun sait, ce qui explique que j'y aie été mollo sur les références. Pas sûr que le grand public ait la moindre idée de qui est Neurosis (ni Failure, ni Electrelane) ; l'idée était que ce soit éloquent pour tout le monde. Ce qui n'enlève évidemment rien au talent de Neurosis ;)
si on ncomence à lister tout ce qu'albini a produit (de bon ou de moins bon, d'aillerus), on n'a pas fini ;-)
RépondreSupprimer"(de bon ou de moins bon, d'ailleurs)"
RépondreSupprimerNon non non. Pas question. Jamais on en parlera sur Le Golb.
De Dionysos :-)
Culturofil site grand public MAIS SERIEUX. Attention. C'est important. SERIEUX.
RépondreSupprimer(chiant aussi) (mais bon)
T'es un peu rancunier, en fait, non ? :-)
RépondreSupprimer(en plus... je ne sais même pas exactement à quoi tu fais allusion, et s'il y a eu le moindre problème... ce n'était certainement pas sous un de mes articles, je ne l'aurais pas permis - non mais ^^)
Enfin toujours est-il qu'ils ne sont pas très intéressés, j'ai l'impression, par les commentaires des lecteurs, l'aspect "communautaire", etc. Personnellement je trouve ça tout à fait dommage, y compris du point de vue de la visibilité (l'animation des commentaires fait beaucoup pour la fidélisation du lectorat d'un webzine), mais bon... c'est comme ça, et ça se défend, ma foi.
Après écoute, je confirme : c'est très bon.
RépondreSupprimerJ'aime tout particulièrement "Leftlovers" et "I never said I was deep". Les deux plus "pulpeuses", cependant, ce qui ne corrobore pas vraiment votre hypothèse de l'évolution, ou de la prise de risque. Cocker reste meilleur, à mon sens du moins, sur le glam, plutôt que sur le rock musclé. "Angela" est un bon exemple. Entêtant, efficace à la première écoute, mais un peu lourd à la longue.
Je trouve d'ailleurs amusant que vous compariez avec le dernier Morrissey, tant il me paraît évident que Cocker a beaucoup écouté "Your arsenal". Il en reproduit hélas tous les travers (ne vous méprenez pas : j'aime beaucoup "Your arsenal", mais je ne peux me résoudre à le trouver parfait alors que, trop souvent, Morrissey s'y complait dans des trucs lourdauds, préfigurant de triste manière ses récents dérapages hard fm).
Et pourtant, je ne peux m'empêcher de l'aimer, ce "Further complications". Parfois, le charme défie la raison...
BBB.
Pas la peine de commencer par "je confirme" si vous tentez d'infirmer ^^
RépondreSupprimerJe ne suis pas vraiment d'accord avec vous ; déjà parce que je ne trouve pas Your Arsenal lourdingue, encore moins Further Complications. Mais il est vrai que l'un et l'autre ne sont pas dénués de ressemblances, je veux bien vous l'accorder.
Là où je suis encore moins d'accord c'est quand vous écrivez : "Cocker reste meilleur [...] sur le glam, plutôt que sur le rock musclé." D'une part parce que glam et rock musclé n'ont rien d'antinomique ; ensuite parce que les tentatives rockabilly de "Homewrecker!" n'ont pas grand-chose à voir avec l'expression "rock musclé" telle que vous l'employez (c'est-à-dire plutôt péjorativement si je ne m'abuse...).
Ai-je dit que glam et rock musclé étaient incompatibles ? Preuve que non : Cocker, sur ce disque, se livre successivement à l'un et l'autre ! Mais il est meilleur dans l'un, que dans l'autre. Les titres les plus costauds de "Further complications" sont souvent les moins bons, en général trop longs et répétitifs. Même "Homewrecker", sur la durée, lasse, faute d'une mélodie vraiment marquante. Enfin, peu importe, nous restons d'accord sur l'essentiel : c'est un très bon album. Cela n'interdit pas d'être lucide quant à ses faiblesses.
RépondreSupprimerBBB.
C'est vrai qu'il est pas mal ce nouveau Jarvis. Enfin, sauf que tu le trouves bien plus que "pas mal", mais, dans ce genre-là, un "pas mal" chez moi équivaut à un "excellent" chez toi.
RépondreSupprimerQuant au fantôme de Bowie (paix à son âme), c'est vrai qu'il est présent à tous les étages, et plus que sur Leftlovers et Hold Still, c'est sûr "You're in my eyes" que je le trouve particulièrement obsédant.
BBB. >>> arrêtez de dire qu'on est d'accord, on ne l'est manifestement pas ! Je sais que vous m'aimez, que vous voudriez me faire plaisir... mais bon, pas la peine d'en rajouter ;-)
RépondreSupprimerG.T. "bien plus" que "pas mal" je ne sais pas... mais plus que "pas mal", oui en tout cas ^^
"Your're in My Eyes" euh... je dois dire que c'est le titre que je n'écoute jamais sur l'album......