Le Commencement de la Suite...

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Le début de la fin des Red Hot, ce serait donc ici. C'est marrant comme certains disques peuvent être clivants, quand même... en 1999, la moitié de la planète a acquis Californication. En 2009, c'est devenu particulièrement difficile de trouver quelqu'un qui l'aime bien. Entre ceux qui n'ont jamais aimé le groupe et l'ont encore plus détesté à partir d'un succès tellement intergalactique qu'il finit par intituler un de ses albums Stadium Arcadium, et ceux qui l'ont planté parce que la direction musicale ne leur convenait plus... finalement qui aime bien, encore, Californication ? A part ma mère je veux dire ?

Bizarrement, je n'arrive pas à le trouver mauvais. Je vais même l'avouer ici : oui, j'adore les Red Hot pop qui explosent les charts depuis dix ans. Je les trouve fabuleux, inégaux peut-être, mais ils l'ont toujours été. Et en ce sens, quoiqu'on en ait dit alors, Californication est un pur album des Red Hot - la preuve : il est deux fois trop long.

Surtout, c'est l'album de la maturité, formule facile qu'on applique à chaque bêta baissant un peu le degré de disto, qui n'a jamais trouvé si parfaite illustration ici. Sur Californication, tout est bien plus mûr et pensé, soigné, écrit. Y compris dans les thèmes. Il est d'ailleurs étonnant que personne n'ait jamais noté à quel point c'est une oeuvre lugubre, hantée par la solitude et la perte. "Scar Tissue", le single morbide, trustant les ondes FM ? Il y a quelque chose de délicieusement pervers dans cette idée. Idem concernant "Californication", la ballade cynique et désabusée, qui donnera son titre à une série encore plus désolée.

Album aussi de la prise de contrôle totale de John Frusciante sur le reste du groupe, Californication donne une illustration assez fidèle de ses fantasmes musicaux, version aboutie en fait de Smile from the Streets You Hold, album méconnu et poignant enregistré par un guitariste au fond du trou dans le but de payer ses dettes de came (à moins qu'il ne s'agisse d'une ébauche de Two Record Only Water for Ten Days, sorti en 2001 ?). De toutes les hypocrisies que j'aie pu relever en matière de critique musicale, celle qui me hérisse le plus est sans doute celle consistant à mépriser les disques récents des Red Hot pour mieux trouver les albums solos de Frusciante sympathiques et attachants. Comme s'ils étaient si différents que ça, comme si la patte du poisson pilote poivro-chilien n'était pas omnisprésente sur (au hasard) By the Way. Qu'on ne s'y trompe pas : le seul membre du groupe qui ait jamais suffisamment été fan de new-wave pour avoir envie de s'y coller ("Parallel Universe"), c'est Frusciante. Les autres sont surtout des branquignols incapables de savoir où ils vont sans papa John, de fait force est d'admettre que :

- en dépit de la pose snob inhérente à tout amateur d'un groupe vieux de vingt-cinq ans, il n'y a quasiment RIEN à sauver sur les albums pré-Frusciante des RHCP.

- le seul album récent sans lui, One Hot Minute, montre un groupe totalement paumé qui, à défaut d'être capable de choisir une direction musicale, a décidé de les prendre toutes simultanément.

Bref : inutile d'insister trop longtemps, il est déjà évident pour tout le monde que même en 2009 et même dans la rubrique 10 Years After, je suis toujours incapable de cracher sur les Red Hot. L'objectivité à ses limites ! Je peux certes reconnaître que Californication a ses faiblesses, que certains titres sont poussifs ("Around the World", "Purple Stain"), qu'il aurait facilement pu être alléger de trois ou quatre chansons... mais ça, je pouvais déjà le dire en 1999 - pas besoin de laisser passer une décennie. Le seul morceau sur lequel mon avis a réellement changé, finalement, c'est "Other Side", que je trouve à présent insupportable. Le reste, les "Scar Tissue", "Easily", "Emit Remmus", "This Velvet Glove"... rien à dire, c'est de la belle ouvrage.

👍👍 Californication 

Red Hot Chili Peppers | Warner, 1999