...
Rose Bonbon.
Voilà, c'est dit. Non parce qu'en jetant un œil aux commentaires sur le dernier livre de Nicolas Jones-Gorlin, Mérovée, j'ai lu tellement fois le nom de son précédent que j'en ai déduis que contractuellement j'étais obligé de le glisser dans mon propre commentaire. Rose Bonbon dont je ne piperai mot, parce que par contre j'ai constaté de la même manière que l'essentiel était de rappeler que le livre avait fait un raffut pas possible en raison d'un sujet supposé sulfureux (c'était le récit fictif d'un pédophile avec pas mal de second degré dans le lot, en plus), mais qu'on n'était pas tenu de dire quoique ce soit à propos de son contenu (que j'avais personnellement trouvé plutôt sage - je m'arrête-là : j'ai déjà largement dépassé les bornes), juste qu'on l'a lu, même si c'est pas vrai (on ne peut pas avoir lu Rose Bonbon et l'avoir trouvé subversif ou dérangeant, encore mois choquant... c'est totalement impossible, il n'est même pas fait pour ça... merde, j'en reparle).
Ce qui nous amène bon an mal an (surtout mal an, en fait) à Mérovée, roman pour le moins étonnant narrant l'histoire d'amour évidemment impossible (on est dans un roman, je vous le rappelle) entre deux hommes, l'un flic, l'autre jeune de la téci. Et là normalement, vous vous dites ce que n'importe qui se dirait à votre place : Ah oui quand même, il a un peu chargé la barque, le Jones-Gorlin. Eh bien détrompez-vous : il l'a énormément chargée. Au point qu'on la sente proche de craquer à tout moment. C'est ce qui rend le livre étonnant, bien plus que son sujet : qu'on puisse ainsi en faire des caisses et des caisses sans avoir peur de se faire réduire en bouillie par la critique (ou pire : le lecteur). Et, encore mieux : qu'on en ressorte avec un livre tout à fait lisible et cohérent, pas forcément parfait mais acceptable... quand sur le papier il ressemble juste à une grosse blague (ou à l'idée complètement crétine et surchargée d'un lycéen rédigeant son premier manuscrit). Rien que pour ça, pour cette folie, l'auteur mérite le respect.
Il le mérite aussi (mais c'est accessoire, de nos jours), pour les qualités narratives qu'il déploie tout au long de son Mérovée, qui impressionne par sa mécanique terriblement ciselée : le tourbillon de la violence, marque déposée et revendiquée par beaucoup, est ici palpable du début à la fin. Principalement composé de coups de lattes bien sentis, auxquels viennent s'ajouter quelques baffes dans la gueule et deux ou trois coups de boule bien dosés (le dosage est essentiel dans le coup de boule, surtout dans le coup de boule stylistique - exercice délicat s'il en est), le roman est parcouru par une rage et une indignation comme en croise rarement dans la littérature française. Mérovée, c'est un peu un tir de mortier post-émeute de 2005. Au risque de faire, c'était prévisible, quelques victimes collatérales. En l'occurrence on ne peut que regretter que Jones-Gorlin n'use pas de la même finesse pour ses caractères que pour la construction de son récit. Jean et Rachid, les deux protagonistes, ne sont finalement que des archétypes, des rouages d'une entreprise romanesque plus vaste (la destruction massive du cliché). Un flic homo tombant amoureux d'un jeune reubeu, c'est une caractéristique effectivement singulière, c'est peu courant... mais ça ne suffit pas à nuancer un personnage, et la platitude des deux héros (comme de leur histoire d'amour en règle générale) constitue indiscutablement le point faible de Mérovée.
Reste que de par son existence même, ce livre a quelque chose de rassurant. Les émeutes de 2005, évènement pourtant capital dans l'histoire récente de ce pays, ont engendré si peu de littérature qu'un tel roman, qui plus est pourvu d'une telle force de frappe, ne peut-être que salubre. Surtout lorsqu'il témoigne a fortiori de la naissance d'un écrivain de talent, ce qui n'était pas forcément une évidence en 2002. Manque certes un peu maturité encore, parfois... mais s'il continue d'évoluer à ce rythme, il faudra assurément compter sur Nicolas Jones-Gorlin dans les années à venir.
Rose Bonbon.
Voilà, c'est dit. Non parce qu'en jetant un œil aux commentaires sur le dernier livre de Nicolas Jones-Gorlin, Mérovée, j'ai lu tellement fois le nom de son précédent que j'en ai déduis que contractuellement j'étais obligé de le glisser dans mon propre commentaire. Rose Bonbon dont je ne piperai mot, parce que par contre j'ai constaté de la même manière que l'essentiel était de rappeler que le livre avait fait un raffut pas possible en raison d'un sujet supposé sulfureux (c'était le récit fictif d'un pédophile avec pas mal de second degré dans le lot, en plus), mais qu'on n'était pas tenu de dire quoique ce soit à propos de son contenu (que j'avais personnellement trouvé plutôt sage - je m'arrête-là : j'ai déjà largement dépassé les bornes), juste qu'on l'a lu, même si c'est pas vrai (on ne peut pas avoir lu Rose Bonbon et l'avoir trouvé subversif ou dérangeant, encore mois choquant... c'est totalement impossible, il n'est même pas fait pour ça... merde, j'en reparle).
Ce qui nous amène bon an mal an (surtout mal an, en fait) à Mérovée, roman pour le moins étonnant narrant l'histoire d'amour évidemment impossible (on est dans un roman, je vous le rappelle) entre deux hommes, l'un flic, l'autre jeune de la téci. Et là normalement, vous vous dites ce que n'importe qui se dirait à votre place : Ah oui quand même, il a un peu chargé la barque, le Jones-Gorlin. Eh bien détrompez-vous : il l'a énormément chargée. Au point qu'on la sente proche de craquer à tout moment. C'est ce qui rend le livre étonnant, bien plus que son sujet : qu'on puisse ainsi en faire des caisses et des caisses sans avoir peur de se faire réduire en bouillie par la critique (ou pire : le lecteur). Et, encore mieux : qu'on en ressorte avec un livre tout à fait lisible et cohérent, pas forcément parfait mais acceptable... quand sur le papier il ressemble juste à une grosse blague (ou à l'idée complètement crétine et surchargée d'un lycéen rédigeant son premier manuscrit). Rien que pour ça, pour cette folie, l'auteur mérite le respect.
Il le mérite aussi (mais c'est accessoire, de nos jours), pour les qualités narratives qu'il déploie tout au long de son Mérovée, qui impressionne par sa mécanique terriblement ciselée : le tourbillon de la violence, marque déposée et revendiquée par beaucoup, est ici palpable du début à la fin. Principalement composé de coups de lattes bien sentis, auxquels viennent s'ajouter quelques baffes dans la gueule et deux ou trois coups de boule bien dosés (le dosage est essentiel dans le coup de boule, surtout dans le coup de boule stylistique - exercice délicat s'il en est), le roman est parcouru par une rage et une indignation comme en croise rarement dans la littérature française. Mérovée, c'est un peu un tir de mortier post-émeute de 2005. Au risque de faire, c'était prévisible, quelques victimes collatérales. En l'occurrence on ne peut que regretter que Jones-Gorlin n'use pas de la même finesse pour ses caractères que pour la construction de son récit. Jean et Rachid, les deux protagonistes, ne sont finalement que des archétypes, des rouages d'une entreprise romanesque plus vaste (la destruction massive du cliché). Un flic homo tombant amoureux d'un jeune reubeu, c'est une caractéristique effectivement singulière, c'est peu courant... mais ça ne suffit pas à nuancer un personnage, et la platitude des deux héros (comme de leur histoire d'amour en règle générale) constitue indiscutablement le point faible de Mérovée.
Reste que de par son existence même, ce livre a quelque chose de rassurant. Les émeutes de 2005, évènement pourtant capital dans l'histoire récente de ce pays, ont engendré si peu de littérature qu'un tel roman, qui plus est pourvu d'une telle force de frappe, ne peut-être que salubre. Surtout lorsqu'il témoigne a fortiori de la naissance d'un écrivain de talent, ce qui n'était pas forcément une évidence en 2002. Manque certes un peu maturité encore, parfois... mais s'il continue d'évoluer à ce rythme, il faudra assurément compter sur Nicolas Jones-Gorlin dans les années à venir.
👍 Mérovée
Nicolas Jones-Gorlin | Léo Scheer, 2008
J'avais lu pas mal de choses dessus à sa sortie, mais dit comme ça, cela me donne bien plus envie. Je vais me procurer ce livre (les romans français contemporains s'attaquant de front à la société sont trop rares, ce qui est étonnant d'ailleurs). Merci. H.
RépondreSupprimer(étonnant je ne sais pas, agaçant sûrement)
RépondreSupprimer"Etonnant" dans la mesure où le cinéma français, pour sa part, fait beaucoup dans le social, alors que la littérature, pas du tout. H.
RépondreSupprimerJe ne sais pas si le cinéma français fait à ce point dans le social ( Ska ???!!!), mais effectivement il semble avoir moins de problème que la littérature à tout simplement "parler de son époque", la critiquer ou tenter de la dépeindre. J'ignore pourquoi.
RépondreSupprimerSuis encuriosée. (zut, ça fait deux fois que j'emploie ce non-mot aujourd'hui. J'ai attrapé un bug, c'est ça ?)
RépondreSupprimerNon, sérieux. Envie de feuilleter ce truc.
Je confirme sur le fait que Rose bonbon est tout à fait dispensable... Parce que littérairement, c'est très pauvre.
RépondreSupprimerMérovée par contre, c'est effectivement un très beau retour à la vie littéraire :)
Pageàpages >>> ce n'est certainement pas ici qu'on condamnera l'encuriositation ;-)
RépondreSupprimerDahlia >>> très pauvre ? c'est le souvenir que j'en avais, mais bon, j'avoue qu'en réalité je ne m'en rappelle que parce que déjà à l'époque je prenais des notes sur mes lectures.
"Je ne sais pas si le cinéma français fait à ce point dans le social"
RépondreSupprimerDisons que je vois peu d'équivalents littéraires à "Holy Lola" ou "Welcome" (peu importe leur qualité d'ailleurs). H.
Je suis quand même un peu étonnée de ce que je lis dans cet article.
RépondreSupprimerEnfin non : quand tu utilises le champ lexical de la baston tu es parfaitement dedans. Mais je ne trouve pas que ce soit une qualité. C'est de la critique sociale à la truelle, Jones Gorlin a des sabots énormes, on croirait qu'il n'a jamais entendu les mots "finesse" et "subtilité". Je ne vois vraiment pas quelles sont les qualités de ce livre et si tu trouves que ROSE BONBON est bien pire, mon piti Thom, je ne veux même pas voir à quoi il ressemble : parce que Mérovée je trouve tout de même ça très très médiocre et manichéen et bas de plafond!
H.V. >>> disons que s'ils existent, ils ne bénéficient pas d'une même exposition.
RépondreSupprimerLil' >>> je trouve tout ce que tu dis là très excessif. Oui, Mérovée ne fait pas dans la dentelle (je l'ai écrit, je crois). Mais ce genre de déflagration n'est pas conçu pour faire dans la dentelle. Quand tu mets un disque de Mötörhead sur la platine ce n'est pour louer la délicatesse de ses harmonies ou la finesse des ses arrangements... mais pour te faire vite et proprement exploser la tronche :-)
Je maintiens. Je te trouve très gentil avec un livre plein de bonnes intentions (sûrement), mais maladroit et parfois carrément bête.
RépondreSupprimerNon, là je suis désolé mais tu racontes vraiment n'importe quoi...
RépondreSupprimerSi tu le dis :(
RépondreSupprimer