[Article publié sur Culturofil début mai] Une fois n’est pas coutume, commençons par les reproches : quelle curieuse idée de publier un album comme le dernier Patrick Watson au mois de mai. On aurait adoré pouvoir le savourer durant les longues soirées d’hiver, pas nécessairement au coin du feu mais au moins dans une atmosphère humide et feutrée permettant de se délecter parfaitement de sa délicatesse et de son élégante sophistication.
Car dans « pop de chambre » il y a bien « chambre », même si le terme peut écorcher quelques oreilles1. Aussi pas de vitres ouvertes sur un beau soleil ; le lecteur est prié de fermer ses volets et d’allumer une bougie s’il souhaite nous accompagner au bout de la n… de l’article.
Avant Wooden Arms, il y eut Close to Paradise. Le bien nommé. Un de ces disques racés comme en croise parfois (mais pas souvent), affirmant Patrick Watson comme une entité (car c’est un groupe) des plus prometteuses, un peu polymorphe sur les bords mais chassant toujours sur les terres des plus raffinés barons pop. Patrick Watson sur Close to Paradise, c’était la classe indie des voisins Dears qui rencontrait l’artistocratie britpop de The Divine Comedy. Wooden Arms ne propose pas autre chose : une succession de morceaux exquis baignés dans une production de très haute tenue, et illuminée par une voix à la Nick Drake — soit donc le plus sûr moyen pour faire fondre le rédacteur de (au pif) Culturofil (surtout si ce rédacteur... c'est moi).
Aussi après une ouverture presque sobre ("Firewood") Wooden Arms commence-t-il à gravir les échelons séparant ses auteurs de l’Olympe — la métaphore n’a rien d’abusif tant la construction de l’ouvrage donne réellement l’impression d’un orchestre se réveillant progressivement au fil des plages, pour finir par se libérer totalement dans les dernières minutes de l’album. La spongieuse "Tracy’s Water" évoque immanquablement le Radiohead de Kid A (ou même, pour être exact, la PJ Harvey de White Chalk), "Beijing" et sa partition presque bachienne ne peuvent qu’invoquer le souvenir de Neil Hannon… l’entrée en matière est très réussie ; c’est cependant sur la seconde moitié de l’album qu’on trouvera les plages les plus exceptionnelles. D’abord lorsque Patrick Watson retrouve à mi-parcours le post-rock pour faire de son "Traveling Salesman" la B.O. d’un carnaval évidemment étrange ; ensuite le temps d’une pépite folk-pop à deux voix tout simplement superbe ("Big Bird in a Small Cage") qui, placée en septième position sur le disque, annonce - volontairement ou non - une fin d’album en tout point remarquable. Cordes hypnotiques ("Down at the Beach"), folk psychédélique ("Man Like You")… jusqu’à un final ébouriffant ("Machinery of the Heavens") orchestrant la rencontre inattendue entre Death Cab For Cutie et Floatation Toy Warning… un final nerveux tranchant étonnamment avec le reste, et qui résonne encore longtemps après la fin du disque.
Est-il nécessaire d’en dire beaucoup plus ? La grande et rutilante orfèvrerie pop, en 2009, ne nous a pour l’heure rien offert d’aussi délicieux. Le succès mérité suivra-t-il ? Dans une époque où le plus grand groupe du monde se nomme Radiohead et où le comble de la hype est de se pâmer devant les vocalises affectées d’Antony et de ses Johnsons, gageons qu’il existe une place confortable pour Patrick Watson. Plus qu’à la lui offrir, ce qui n’est somme toute pas cher payé pour une telle parure.
👍 Wooden Arms
Patrick Watson | Secret City/Tôt ou Tard, 2009
Je ne connais pas du tout mais le morceau en écoute est vraiment très joli.
RépondreSupprimerLa hype indé se pâme aussi sur Patrick Watson.
RépondreSupprimerQu'est-ce que je m'en cogne de la hype... je ne lis pas la presse, tu devrais le savoir depuis le temps.
RépondreSupprimerDe plus je ne me pâme pas vraiment... 4/6, ce n'est pas ce que j'appelle se pâmer. C'est un bel album, bien écrit, bien produit. Point barre.
Tss tss tss quel est cet énervement soudain? Ai-je formulé l'esquisse de la moindre critique que ce soit?
RépondreSupprimerAi-je dit que tu te pâmais?
Ai-je remis en cause ta critique?
Je dis juste ce que je vois que les blogs et webzine d'une manière générale un peu partout.
Voyons voyons il faut raison garder.
C'est ton "aussi" qui m'a induit en erreur ;-)
RépondreSupprimerMoi je trouve ça un peu chiant (ça n'engage que moi).
RépondreSupprimerJe suis en train de découvrir ça. En effet c'est terrible (et vive les conseils du golb!!)
RépondreSupprimerMerde, je parlais pas de Patrick Watson mais de Profit :(
RépondreSupprimerJe me disais aussi "tiens, il aime Patrick Watson, lui ???" :-)
RépondreSupprimerJe n'aime pas tout, sur cet album. Il y a des passages que je trove très beaux (Fireweed, Big Bird) et donc de très mauvais goût...difficile de faire plus inégal que ça (je trouve).
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