L'héroïne est à baffer. Si d'aventure vous deviez lui conseiller de faire un truc vous pourriez être sûrs que dans la seconde elle irait faire le contraire. Elle n'en fait qu'à sa tête, ne respecte rien (surtout pas les adultes), et dans ses meilleurs moments, c'est juste une chipie. Ok, elle a des circonstances atténuantes : sa mère est une méchante, son père n'est très clair non plus, et elle s'est retrouvée embarquée dans un conflit qui la dépasse. Il n'empêche : c'est pas une excuse pour être aussi infecte. Non mais.
L'incontournable trilogie de Philip Pullman pourrait être très bien résumée par le caractère de son héroïne : généreuse mais rebelle, irritante mais magnifique, rageuse et tendre à la fois. C'est que His Dark Materials (tristement traduit par A la croisée des mondes en V.F.) a la particularité d'avoir été entièrement écrite en contre, ce qui la place en marge d'à peu près n'importe quel autre cycle de fantasy. Contre la fantasy traditionnelle (que l'auteur goûte très peu), dont elle est difficilement rapprochable ; contre Lewis et Tolkien (qu'il méprise) ; contre la religion (le lien avec les deux auteurs susnommés est limpide) ; contre la morale, qui pullule dans les contes et légendes. Ce qui en ressort ? Les adultes sont des lâches et/ou des traitres, Dieu n'existe pas (et s'il existait ce serait une ordure) et le pouvoir corrompt tout (surtout l'être humain, mais les entités divines ne sont pas en reste).
On peut bien sûr dévorer les trois tomes au premier degrés en se pâmant devant l'un des imaginaires les plus riches de notre temps : Pullman y multiplie les trouvailles, brosse une galerie de personnages aussi complexes qu'attachants... de manière générale il réussit là où la plupart des auteurs de fantasy modernes ont échoué : il invente un univers de toutes pièces, puisant finalement extrêmement peu dans tout cet imaginaire moitié mythologique moitié judéo-chrétien qui peuple les ouvrages de ses concurrents. De ce point de vue His Dark Materials est un modèle du genre, le cycle fantasy préféré de ceux qui n'aiment pas la fantasy - on ne lasse d'ailleurs pas d'être étonné de constater qu'il ait eu finalement si peu de postérité.
On peut donc lire les aventures de Lyra de cette manière... mais on peut aussi le lire comme un ouvrage renouant avec la substantifique moelle des contes de fées, les angoisses de l'enfance comme la violence du passage à l'âge adulte. His Dark Materials souleva l'hire de certains parents conservateurs - le moins qu'on puisse dire est qu'on peut les comprendre. Par bien des aspects, ce cycle est un ouvrage pervers... non pas au sens du satyre bien sûr, mais au sens où il pervertit les codes du conte de fées, de la fantasy ou de l'oeuvre pour enfant, le meilleur exemple en étant les dæmons, petits êtres indissociables des humains pastichant les gentils compagnons des héros dans les films de Disney... pour symboliser rien moins que l'intimité de ces héros enfantins (le tabou suprême dans l'univers de Pullman étant d'ailleurs représenté par le fait de... toucher le dæmon de quelqu'un d'autre !) (1).
Rien d'étonnant donc à ce que l'adaptation cinématographique du premier tome (Nothern Lights, rebaptisé pour l'occasion The Golden Compass) n'ait pas convaincu grand-monde, les fans ayant été mortifiés par certains changements (pourtant validés par Pullman lui-même), les non-fans ne s'étant pas vraiment rués dans les salles, entrainant l'abandon de la production des tomes suivants (2). Certes, le film était plutôt bon... mais le dilemme se rapprochait trop de celui affronté par la Warner au moment où Tim Burton réalisait les deux premiers Batman : impossible de vendre du merchandising avec une histoire aussi sombre et des films interdits au moins de douze ans. En tentant de préserver l'équilibre entre le roman et sa noirceur initiale d'une part, et les exigences d'un film grand public d'autre part, Chris Weitz avait choisi d'emblée la pire voie qui soit, enterrant lui-même un projet sur le papier aussi magnifique que Le Seigneur des anneaux. Un mal pour un bien, peut-être : cela évitera le syndrome Harry Potter, ou que tant de gens se limitent à une série de films pour certains très moyens au lieu de se jeter sur une série de livres absolument incontournable. D'autant que Pullman, contrairement à J.K. Rowling ou même Tolkien, est un redoutable styliste.
Raison de plus pour ne pas bouder son plaisir et se plonger, voire se replonger, dans His Dark Materials.
👑 His Dark Materials (A la croisée des mondes)
Philip Pullman | Scholastic, 1995-99
L'incontournable trilogie de Philip Pullman pourrait être très bien résumée par le caractère de son héroïne : généreuse mais rebelle, irritante mais magnifique, rageuse et tendre à la fois. C'est que His Dark Materials (tristement traduit par A la croisée des mondes en V.F.) a la particularité d'avoir été entièrement écrite en contre, ce qui la place en marge d'à peu près n'importe quel autre cycle de fantasy. Contre la fantasy traditionnelle (que l'auteur goûte très peu), dont elle est difficilement rapprochable ; contre Lewis et Tolkien (qu'il méprise) ; contre la religion (le lien avec les deux auteurs susnommés est limpide) ; contre la morale, qui pullule dans les contes et légendes. Ce qui en ressort ? Les adultes sont des lâches et/ou des traitres, Dieu n'existe pas (et s'il existait ce serait une ordure) et le pouvoir corrompt tout (surtout l'être humain, mais les entités divines ne sont pas en reste).
On peut bien sûr dévorer les trois tomes au premier degrés en se pâmant devant l'un des imaginaires les plus riches de notre temps : Pullman y multiplie les trouvailles, brosse une galerie de personnages aussi complexes qu'attachants... de manière générale il réussit là où la plupart des auteurs de fantasy modernes ont échoué : il invente un univers de toutes pièces, puisant finalement extrêmement peu dans tout cet imaginaire moitié mythologique moitié judéo-chrétien qui peuple les ouvrages de ses concurrents. De ce point de vue His Dark Materials est un modèle du genre, le cycle fantasy préféré de ceux qui n'aiment pas la fantasy - on ne lasse d'ailleurs pas d'être étonné de constater qu'il ait eu finalement si peu de postérité.
On peut donc lire les aventures de Lyra de cette manière... mais on peut aussi le lire comme un ouvrage renouant avec la substantifique moelle des contes de fées, les angoisses de l'enfance comme la violence du passage à l'âge adulte. His Dark Materials souleva l'hire de certains parents conservateurs - le moins qu'on puisse dire est qu'on peut les comprendre. Par bien des aspects, ce cycle est un ouvrage pervers... non pas au sens du satyre bien sûr, mais au sens où il pervertit les codes du conte de fées, de la fantasy ou de l'oeuvre pour enfant, le meilleur exemple en étant les dæmons, petits êtres indissociables des humains pastichant les gentils compagnons des héros dans les films de Disney... pour symboliser rien moins que l'intimité de ces héros enfantins (le tabou suprême dans l'univers de Pullman étant d'ailleurs représenté par le fait de... toucher le dæmon de quelqu'un d'autre !) (1).
Rien d'étonnant donc à ce que l'adaptation cinématographique du premier tome (Nothern Lights, rebaptisé pour l'occasion The Golden Compass) n'ait pas convaincu grand-monde, les fans ayant été mortifiés par certains changements (pourtant validés par Pullman lui-même), les non-fans ne s'étant pas vraiment rués dans les salles, entrainant l'abandon de la production des tomes suivants (2). Certes, le film était plutôt bon... mais le dilemme se rapprochait trop de celui affronté par la Warner au moment où Tim Burton réalisait les deux premiers Batman : impossible de vendre du merchandising avec une histoire aussi sombre et des films interdits au moins de douze ans. En tentant de préserver l'équilibre entre le roman et sa noirceur initiale d'une part, et les exigences d'un film grand public d'autre part, Chris Weitz avait choisi d'emblée la pire voie qui soit, enterrant lui-même un projet sur le papier aussi magnifique que Le Seigneur des anneaux. Un mal pour un bien, peut-être : cela évitera le syndrome Harry Potter, ou que tant de gens se limitent à une série de films pour certains très moyens au lieu de se jeter sur une série de livres absolument incontournable. D'autant que Pullman, contrairement à J.K. Rowling ou même Tolkien, est un redoutable styliste.
Raison de plus pour ne pas bouder son plaisir et se plonger, voire se replonger, dans His Dark Materials.
👑 His Dark Materials (A la croisée des mondes)
Philip Pullman | Scholastic, 1995-99
A LIRE : les trois très bons articles de Lilly :
(1) Il n'est d'ailleurs pas inintéressant de noter que le dæmon tire bel et bien son nom de ce processus informatique s'exécutant automatiquement à l'arrière-plan en réponse à différentes requêtes réseaux... car c'est précisément la fonction des dæmons dans l'univers de la série.
(2) Autant dire qu'après ça, on craint le pire pour l'adaptation en six ou sept films de The Dark Tower, annoncée pour 2011...
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(2) Autant dire qu'après ça, on craint le pire pour l'adaptation en six ou sept films de The Dark Tower, annoncée pour 2011...
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JE l'ai lu d'une traite, mais maintenant ca fait un sacré bout de temps... J'en ai plus beaucoup de souvenir, mais je me souviens d'une sensation... de malaise. Un côté glauque assez marqué dans toute la série, que j'avais pas trop apprécié à l'époque.
RépondreSupprimerEn fait, dans Harry Potter ou Le Seigneur des anneaux, il y a certes du suspens, mais tu sais au fond de toi que ca ne peut que bien se passer. Là, par contre... tu te dis que ce serait pas étonnant si Pullman trucidait un de ses personnages à n'importe quel moment.
M'enfin... c'est loin dans mes souvenirs tout ça maintenant, donc un peu flou (j'ai du le lire il y a bien...7 ans maintenant.)
Je hais ton blog... il a bugué puis effacé mon commentaire !!
RépondreSupprimerDonc, je disais que j'ai justement conseillé cette trilogie à un ami hier soir, et qu'il devrait rapidement s'y mettre.
A propos du film, je le trouve très mauvais, même si le visionnage a été moins dur que prévu, tellement je m'attendais à une horreur absolue. La fin tronquée ou le fait de changer le personnage qui tente d'empoisonner Lord Asriel, modifient complètement la façon dont les faits jouent avec le lecteur/spectateur. Je sais que c'est la loi des adaptations, mais peut-être qu'ils auraient dû s'abstenir d'en faire une...
J'aimerais bien que Pullman nous serve une nouvelle série de cette importance. J'ai lu le tome 1 des Sally Lockhart, mais il fat reconnaître que ça n'a pas du tout la même saveur.
Une série formidable (qui en aurait d'ailleurs fait une très bonne, de série). Le film est sympa quoique kitsch, son gros problème étant Daniel Craig. Le pauvre est à peu près aussi crédible en Asriel qu'Obispo en rocker. On n'a d'ailleurs jamais compris ce qu'il foutait là, sûrement l'effet James Bond qui l'a rendu bankable parce que franchement, il y est complètement ridicule (alors que pourtant en général c'est un bon acteur)
RépondreSupprimerOoooh, arrêtez avec le film, il était quand même regardable. Il faut voir aussi que le premier tome de la série est sans doute le moins réussi, et que son côté très bavard le rend assez difficilement adaptable. Je trouve que Weitz a fait un travail honnête. Très honnête, même, pour un gros blockbuster hollywoodien...
RépondreSupprimerLilly >>> effacé ton com' ? Ah c'est bizarre, il ne m'a jamais fait un truc pareil (il ne me les valide pas, des fois, mais jamais ne me les efface)... désolé :-(
Ouais pareil j'avais lu ce truc ya 7-8 ans j'avais rien bité au début c'était vla compliqué mais j'avais kiffé c'était trop un-livre-fondateur-de-ma-jeunesse. Ensuite je l'ai prêté à un crevard qui me l'a jamais rendu.
RépondreSupprimerJ'ose pas regarder le film, Nicole Kidman m'effraie.
Elle t'effraie ?
RépondreSupprimerTu aurais dû nous dire que tu étais amoureux de Weitz, on se serait retenus ;o)
RépondreSupprimerEn fait, je ne peux pas ouvrir ton blog trois fois sur quatre, il me met un message d'erreur très souvent...
Laisse-moi deviner : tu utilises cette merdouille d'Internet Explorer ? :-)
RépondreSupprimerAh enfin, quelqu'un qui se plaint de problèmes, c'était à croire qu'il y avait un bug anti Xavier pour m'empecher de mettre mes commentaires à la con (alors que, je le rappelle, j'ai une Golb Card). Perso je doit copier chaque commentaire, mettre mon prénom, faire bugger, revenir en arrière, coller mon commentaire et réécrire mon prénom!
RépondreSupprimerquand je pense que le maitre de céans a osé critiquer ma plateforme !!
Jamais eu le moindre bug pour ma part (mais promis je fais gaffe :)
RépondreSupprimerMoi ça m'arrive de temps à autre (c'est rare), ici et aussi sur le blog des chats.
RépondreSupprimerDe toutes façons à partir du moment où il n'y pas un bug généralisé, mais des bugs différents (ou pas de bug du tout) selon les personnes, on ne peut rien à y faire à part râler, c'est probablement une question de navigateurs et de configurations plus ou moins compatibles avec blogspot.
Bonne nuit à tous ;)
mais enfin laisse Tolkien tranquille... bn j'ai aimé le film mais je n'ai pas encore lu la trilogie (j'ai le premier tome quelquepart il me semble :-))) enfin bref c'est prévu quoi ;-)
RépondreSupprimerHum... c'est quoi, ça ? Une fronde ? :)
RépondreSupprimerBlogspot s'affiche mieux (bugue moins) avec Firefox (et encore, ça dépend de la version, de la config... etc.), ça ne date pas d'hier. Je ne peux pas faire grand-chose, comme le dit Lil' , sans quoi rassurez-vous, ce serait fait depuis des lustres (ma propre femme a des bugs sur cette page !).
De toute façon c'est malheureusement la rançon du succès : plus il y a de commentaires et d'affluence, plus les blogs buguent, ce quelle que soit la plateforme. Je prends donc ces histoires de bug comme un compliment, et vous remercie tous pour votre fidélité qui met la plateforme à rude épreuve :-D
yueyin >>> :-)
RépondreSupprimerTolkien a ses qualités. Il a aussi ses défauts ;-)
Au passage, pour ceux qui ne l'ont pas vu, le hasard faisant bien les choses... le film passe sur Canal cette semaine.