C'était en 1989, autant dire il y a un siècle. Les vêtements étaient à vômir, mais moins que les coiffures. L'Amérique était toujours triomphante, le libéralisme était censé sauver le monde, Kurt Cobain était encore un jeune inconnu et de manière plus générale la plupart des choses que les gens de ma génération connaissent aujourd'hui n'existaient pas. Surtout, la télé ne ressemblait à rien de ce qu'elle est en 2009 (ce qui est somme toute assez logique). D'une certaine manière, tout était encore possible. Par exemple il était imaginable que deux potes, à partir d'un décor en carton et de trois bouts de ficelle, réussissent à créer la série la plus populaire de son temps. Car c'est bien ainsi qu'est née Seinfeld : de l'envie de deux copains de s'amuser en faisant, littéralement, n'importe quoi avec rien.
Si Twin Peaks, lancée seulement quelques mois plus tard sur la grande chaîne rivale de NBC (ABC), est la matrice de toutes les séries modernes, Seinfeld est a priori celle de toutes les sitcoms contemporaines (1). Tout comme il y eut un avant et un après Twin Peaks il y eut un avant et un après Seinfeld, de manière peut-être encore plus évidente tant le genre, avant que le grand Jerry s'en mêle, était proche de l'encéphalogramme plat. La sitcom US des années quatre-vingt ? C'était le Cosby Show et Roseanne. Seinfeld triomphe et là, en quelques années, la sitcom devient le genre numéro un aux Etats-Unis...
(en en France aussi vous me direz, mais allons, soyons sérieux)
... vingt-cinq millions de spectateurs chaque semaine, c'est pas compliqué : on n'a jamais fait mieux à la télé (2). Ce pendant neuf ans. Et surtout : ce à partir de... rien, sinon des vannes ciselées, des situations burlesques, un humour à la fois caustique et lettré sur lequel quasiment personne n'aurait misé deux ans plus tôt, porté par quatre acteurs quasi inconnus, y compris le héros éponyme. Cas unique dans l'histoire des séries, il faudra attendre la saison quatre pour y trouver une histoire ! Rien que le titre est un pari : Seinfeld porte le nom de son auteur-créateur-auteur-personnage... mais en 1989, Jerry Seinfeld n'est quasiment personne.
Vingt ans plus tard la série a visuellement pris quelques rides, mais elle n'a rien perdu de son mordant et s'avère toujours aussi pertinente. Revendiquant sa capacité (il est vrai prodigieuse) à faire rire à partir du moindre détail, Seinfeld y démontre en cent-quatre-vingt épisodes l'absurdité d'une American Way of Life que, secrètement, il exècre. Faux gentil mais vrai moraliste, il tire à vue au gré de chroniques dans lequel il est tout à a fois le héros et le narrateur (elles sont entrecoupées d'extraits de son spectacle), la victime et le bourreau. Aussi ironique que cela puisse sembler de la part du maître absolu du stand-up, c'est bien à la télé, c'est-à-dire au dernier endroit pour lequel il était fait, qu'il est parvenu à affiner son écriture, allant jusqu'à basculer régulièrement vers un existentialisme de moins en moins rigolard au fil des saisons (les quatre héros sont des individus assez odieux que Seinfeld-auteur se plaît à humilier régulièrement dans les dernières années (3)). Capable de dégager une considération métaphysique du détail le plus grotesque (un tube de dentifrice ? Un curage de nez ?), c'est peu dire que Seinfeld a laissé une marque indélébile sur toute une génération d'auteurs. Je pense notamment à ce jeune gars, là, qui écrivait des Chroniques du dépressif sur son blog... vous voyez de qui je parle ? Eh bien voilà : si vous voulez découvrir l'influence majeure de ces chroniques, jetez un coup d'oeil à celles de Seinfeld. Vous comprendrez.
(1) Notons d'ailleurs que Seinfeld a en quelque sorte inventé le concept de sitcom racontant le quotidien d'une bande de potes, qui a depuis plus que fait école, puisqu'il est devenu le style dominant en la matière.
(2) A titre de comparaison Friends n'a fait mieux qu'une fois (à l'époque de la seconde saison). Globalement, l'une et l'autre ont eu des scores similaires, mais les aventures de Chandler & Co. ont cependant connu des audiences plus fluctuantes ; et à titre de comparaison toujours, la sitcom la plus populaire des dernières années, Two & Half Men, carbure à... quinze millions.
(3) Après le départ de Larry David au terme de la septième saison, Seinfeld se retrouve en effet seul aux manettes et, loin de rentrer dans le rang, va laisser libre-cours à toute sa mégalomanie, signant une suite d'épisodes particulièrement inventifs au risque de relativement trahir l'esprit originel de la série... ce qui ne choquera pas spécialement le public, toujours plus massif chaque semaine, au point que l'épisode final sera suivi par rien moins que quatre-vingt millions spectateurs !
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Si Twin Peaks, lancée seulement quelques mois plus tard sur la grande chaîne rivale de NBC (ABC), est la matrice de toutes les séries modernes, Seinfeld est a priori celle de toutes les sitcoms contemporaines (1). Tout comme il y eut un avant et un après Twin Peaks il y eut un avant et un après Seinfeld, de manière peut-être encore plus évidente tant le genre, avant que le grand Jerry s'en mêle, était proche de l'encéphalogramme plat. La sitcom US des années quatre-vingt ? C'était le Cosby Show et Roseanne. Seinfeld triomphe et là, en quelques années, la sitcom devient le genre numéro un aux Etats-Unis...
(en en France aussi vous me direz, mais allons, soyons sérieux)
... vingt-cinq millions de spectateurs chaque semaine, c'est pas compliqué : on n'a jamais fait mieux à la télé (2). Ce pendant neuf ans. Et surtout : ce à partir de... rien, sinon des vannes ciselées, des situations burlesques, un humour à la fois caustique et lettré sur lequel quasiment personne n'aurait misé deux ans plus tôt, porté par quatre acteurs quasi inconnus, y compris le héros éponyme. Cas unique dans l'histoire des séries, il faudra attendre la saison quatre pour y trouver une histoire ! Rien que le titre est un pari : Seinfeld porte le nom de son auteur-créateur-auteur-personnage... mais en 1989, Jerry Seinfeld n'est quasiment personne.
Vingt ans plus tard la série a visuellement pris quelques rides, mais elle n'a rien perdu de son mordant et s'avère toujours aussi pertinente. Revendiquant sa capacité (il est vrai prodigieuse) à faire rire à partir du moindre détail, Seinfeld y démontre en cent-quatre-vingt épisodes l'absurdité d'une American Way of Life que, secrètement, il exècre. Faux gentil mais vrai moraliste, il tire à vue au gré de chroniques dans lequel il est tout à a fois le héros et le narrateur (elles sont entrecoupées d'extraits de son spectacle), la victime et le bourreau. Aussi ironique que cela puisse sembler de la part du maître absolu du stand-up, c'est bien à la télé, c'est-à-dire au dernier endroit pour lequel il était fait, qu'il est parvenu à affiner son écriture, allant jusqu'à basculer régulièrement vers un existentialisme de moins en moins rigolard au fil des saisons (les quatre héros sont des individus assez odieux que Seinfeld-auteur se plaît à humilier régulièrement dans les dernières années (3)). Capable de dégager une considération métaphysique du détail le plus grotesque (un tube de dentifrice ? Un curage de nez ?), c'est peu dire que Seinfeld a laissé une marque indélébile sur toute une génération d'auteurs. Je pense notamment à ce jeune gars, là, qui écrivait des Chroniques du dépressif sur son blog... vous voyez de qui je parle ? Eh bien voilà : si vous voulez découvrir l'influence majeure de ces chroniques, jetez un coup d'oeil à celles de Seinfeld. Vous comprendrez.
👑 Seinfeld (saisons 1 - 9)
créée par Jerry Seinfeld & Larry David
NBC, 1989-98
(1) Notons d'ailleurs que Seinfeld a en quelque sorte inventé le concept de sitcom racontant le quotidien d'une bande de potes, qui a depuis plus que fait école, puisqu'il est devenu le style dominant en la matière.
(2) A titre de comparaison Friends n'a fait mieux qu'une fois (à l'époque de la seconde saison). Globalement, l'une et l'autre ont eu des scores similaires, mais les aventures de Chandler & Co. ont cependant connu des audiences plus fluctuantes ; et à titre de comparaison toujours, la sitcom la plus populaire des dernières années, Two & Half Men, carbure à... quinze millions.
(3) Après le départ de Larry David au terme de la septième saison, Seinfeld se retrouve en effet seul aux manettes et, loin de rentrer dans le rang, va laisser libre-cours à toute sa mégalomanie, signant une suite d'épisodes particulièrement inventifs au risque de relativement trahir l'esprit originel de la série... ce qui ne choquera pas spécialement le public, toujours plus massif chaque semaine, au point que l'épisode final sera suivi par rien moins que quatre-vingt millions spectateurs !
Que dire ? Un classique d'entre les classiques ! Qui a certes pas mal vieilli (mais pas plus que Friends, que cela dit).
RépondreSupprimerBon dimanche.
J'en ai toujours entendu parler mais je ne l'ai jamais vu...
RépondreSupprimerCa fait longtemps que je n'ai pas regardé mais la vache, Seinfeld ce sont pour moi des souvenirs de fous rires... mais des fous rires... de malade !! A part The Office je ne crois qu'il y ait eu de meilleur série comique (et surement pas les surestimés Friends!)
RépondreSupprimerQue de souvenirs burlesques Jerry, George, Kramer et Elaine :)
RépondreSupprimerKramer qui nettoie ses légumes en prenant sa douche, Elaine qui mange un gâteau vieux comme Érode, Kramer qui va à l'ambassade de Cuba pour acheter des cigares, le porte-feuille de George, etc.
et puis les personnages secondaires tels que Newman ou Babu! :P
C'est quoi ça, Blood et Serious ? Une nouvelle fronde anti-Friends ???
RépondreSupprimerLil' >>> c'est sûr que ce n'est pas fastoche à trouver de nos jours, et ça n'a pas été multidiffusé à la télé comme d'autres...
Doc >>> et Maman Seinfeld (qui est aussi si ma mémoire est bonne la voisine d'Alf)... :D
> "Une nouvelle fronde anti-Friends ???"
RépondreSupprimerNon. Déjà à l'époque je trouvais Friends inférieur en tout point à Seinfeld :)
> "ça n'a pas été multidiffusé à la télé comme d'autres..."
Comme les super lourds Friends, tu peux le dire ;)
Puis il faut dire que la VF de Seinfeld est tellement catastrophique que c'est presque normal qu'elle soit passée à ce point inaperçue dans nos contrées...
RépondreSupprimergros regret à vous lire, d'avoir loupé cette série,
RépondreSupprimerles séries de ce type je me demande ce que ça donne de mles découvrir longtemps après, à la différence de feuilletons, qu'on a tendance à terminre de toute façon une fois qu'on a commencé.
Nulle fronde anti-Friends, Thomas.
RépondreSupprimerJe trouve simplement que Seinfeld, par son côté minimaliste et dépouillé, a moins vieilli. C'est tout, promis !
Cordialement.
Leroy Brown >>> je me demande si j'ai jamais vu Seinfeld en VF. Sur Canal + ils la passaient j'imagine, mais déjà à l'époque je l'enregistrais en VO. La VF a tué les sitcoms, quelles qu'elles soient...
RépondreSupprimerArbobo >>> je me demande aussi. Ma femme ne connaissait pas, je lui ai fait découvrir ces dernières semaines... il faudrait lui demander, mais je crois qu'elle a bien aimé sans toutefois prendre réellement la mesure de l'impact qu'a pu avoir la série en son temps, ce qui est somme toute assez normale. Cependant il faut quand même dire, comme le soulignaient les uns et les autres, que si Seinfeld a vieilli... elle n'a quasiment pas été surclassée depuis.
Seinfeld, une série injustement méconnue en France mais que tout un chacun devrait regarder au moins une fois dans sa vie en effet.
RépondreSupprimerLe hic, c'est que j'en ai été tellement imprégné que lorsque que je vois Jason ALEXANDER (aka George CONSTANZA) jouer un psycopathe dans Criminal Minds je ne peux m'empêcher de rire tout seul : son rôle de looser pathétique mais ô combien sympathique lui a trop collé à la peau pour qu'il s'en débarasse aussi facilement hélas... Enfin c'est mon humble avis
Je ne suis même pas sûr d'avoir revu Jason Alexander dans quelque chose, alors...
RépondreSupprimerChouette article, et juste analyse des personnages. En fait Seinfeld, c'est peut-être la série la plus violente de tous les temps. Jamais de douceur ni de tendresse, les personnages donnent l'impression de ne même pas vraiment être amis, l'humour et très, très noir... Je n'ai jamais compris que cette série ait eu autant de succès, alors qu'elle renvoyait au public occidental (et américain en particulier) une image négative, médiocre et détestable de lui-même.
RépondreSupprimerRien à ajouter... je suis parfaitement d'accord !
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