[Mes livres à moi (et rien qu'à moi) - N°27]
The Chinese Maze Murders [Le Mystère du Labyrinthe] - Robert Van Gulik
Ici commença une histoire d'amour aujourd'hui vieille de quinze ans. Au coeur de Lan Fang, petit patelin chinois des plus anxiogènes, dans un yamen désert et une province ravagée par la violence et l'anarchie.
Je me souviens encore aujourd'hui de ma lecture fascinée de ce roman, planqué sous la couette et la veilleuse crachant au pied de mon lit. Je n'étais pourtant plus vraiment un gosse, mais The Chinese Maze Murders, son mystérieux labyrinthe comme son climat étouffant, me terrifiaient au plus haut point. On n'a pas assez dit, durant ce Judge Dee Golden Challenge, à quel point les romans de Robert Van Gulik pouvaient parfois filer la frousse. Dans le genre, celui-ci est exceptionnel, saisissant de la première à la dernière page, avec cette révélation finale vertigineuse (et il faut bien le dire un brin prévisible - pour un peu que vous soyez pourvus d'yeux adultes).
La légende (jamais vérifiée) raconte qu'Agatha Christie avait lu et aimer ce second roman de Van Gulik, ce qui n'a rien d'une surprise tant il paraît évident que l'auteur s'est inspiré de ses récits les plus angoissants pour accoucher d'une intrigue oscillant entre roman à énigme à l'ancienne et thriller visionnaire, au sein d'un univers plus souvent gothique que médiéval. L'affaire du testament du Gouverneur Yu évoque immanquablement les énigmes chères à l'auteure de Roger Ackroyd ; celle de la chambre close ne peut que rappeler à notre bon souvenir quelques enquêtes de Sherlock Holmes (grand spécialiste de ce genre de mystère).
Ce qui est étonnant, c'est qu'en puisant uniquement dans l'inspiration chinoise et dans le roman policier anglais traditionnel, Van Gulik arrive à ce point à dépasser tous les cadres pour écrire un texte particulièrement riche et moderne. La plume, déjà, est d'une rare élégance, tandis que le langage, pour antique qu'il soit, semble bien plus vivant que dans beaucoup de polars historiques contemporains. Et les personnages, bien sûr, témoignent d'une complexité psychologique assez saisissante pour un roman policier pré-Boileau-Narcejac (on situe sa rédaction aux alentours de 1950). Mais reconnaissons que dix mois après le début de notre expérience de relectures communes, à Yueyin et moi-même, toutes ces remarques relèvent presque de l'enfonçage de portes ouvertes : nos neuf (enfin : dix-huit ! (*)) chroniques précédentes ont suffisamment matraqué les qualités des aventures du Juge Ti, et si celle-ci est sans conteste la meilleure il est inutile de repasser des heures sur ce point - aussi intéressant soit-il.
Plus intéressant encore dans le cas présent est le constat de préexistence sérielle. Une expression barbare désignant, vous l'aurez sans doute compris, le fait que The Chinese Maze Murders soit (littéralement) la suite évidente à des romans n'ayant pas encore été écrits, comme si Van Gulik était parvenu à anticiper sa propre inspiration. Au point même, avouons-le, de rendre totalement caduques certains passages pour un peu qu'on ne lise pas la série dans l'ordre : la révélation des origines de Tsiao Tai a beau constituer un grand moment d'émotion, les sentiments du lecteur à son propos ne seront assurément pas les mêmes selon qu'il attend ou non cette confession depuis dix épisodes. Idem pour le statut tout particulier de Ti à son arrivée à Lan Fang, qui ne prend réellement de sens qu'à partir du moment où l'on sait qu'il s'agit d'une mutation disciplinaire faisant suite à sa guerre de tranchées contre une clique bouddhiste de plus en plus influente au sein de l'Empire.
En somme deux hypothèses : soit vous découvrez le livre en tant que tel, et vous passez deux nuits si captivantes que vous ne pourrez vous empêcher par la suite de lire tout tout tout sur le Juge Ti ; soit vous le découvrez dans le cadre d'une lecture sérielle, auquel cas vous n'aurez d'autre choix que de considérer The Chinse Maze Murders comme une apothéose. Dans tous les cas, il s'agit sans aucun doute, tant du point de vue formel qu'en terme d'intrigue à proprement dire, d'un des tous meilleurs romans de Robert Van Gulik. Donc du Juge Ti. Donc de ce JDC...
... et donc du Golb !...
(*) Et même dix-neuf en comptant la special guest appearance de notre ami Xavier.
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Je me souviens encore aujourd'hui de ma lecture fascinée de ce roman, planqué sous la couette et la veilleuse crachant au pied de mon lit. Je n'étais pourtant plus vraiment un gosse, mais The Chinese Maze Murders, son mystérieux labyrinthe comme son climat étouffant, me terrifiaient au plus haut point. On n'a pas assez dit, durant ce Judge Dee Golden Challenge, à quel point les romans de Robert Van Gulik pouvaient parfois filer la frousse. Dans le genre, celui-ci est exceptionnel, saisissant de la première à la dernière page, avec cette révélation finale vertigineuse (et il faut bien le dire un brin prévisible - pour un peu que vous soyez pourvus d'yeux adultes).
La légende (jamais vérifiée) raconte qu'Agatha Christie avait lu et aimer ce second roman de Van Gulik, ce qui n'a rien d'une surprise tant il paraît évident que l'auteur s'est inspiré de ses récits les plus angoissants pour accoucher d'une intrigue oscillant entre roman à énigme à l'ancienne et thriller visionnaire, au sein d'un univers plus souvent gothique que médiéval. L'affaire du testament du Gouverneur Yu évoque immanquablement les énigmes chères à l'auteure de Roger Ackroyd ; celle de la chambre close ne peut que rappeler à notre bon souvenir quelques enquêtes de Sherlock Holmes (grand spécialiste de ce genre de mystère).
Ce qui est étonnant, c'est qu'en puisant uniquement dans l'inspiration chinoise et dans le roman policier anglais traditionnel, Van Gulik arrive à ce point à dépasser tous les cadres pour écrire un texte particulièrement riche et moderne. La plume, déjà, est d'une rare élégance, tandis que le langage, pour antique qu'il soit, semble bien plus vivant que dans beaucoup de polars historiques contemporains. Et les personnages, bien sûr, témoignent d'une complexité psychologique assez saisissante pour un roman policier pré-Boileau-Narcejac (on situe sa rédaction aux alentours de 1950). Mais reconnaissons que dix mois après le début de notre expérience de relectures communes, à Yueyin et moi-même, toutes ces remarques relèvent presque de l'enfonçage de portes ouvertes : nos neuf (enfin : dix-huit ! (*)) chroniques précédentes ont suffisamment matraqué les qualités des aventures du Juge Ti, et si celle-ci est sans conteste la meilleure il est inutile de repasser des heures sur ce point - aussi intéressant soit-il.
Plus intéressant encore dans le cas présent est le constat de préexistence sérielle. Une expression barbare désignant, vous l'aurez sans doute compris, le fait que The Chinese Maze Murders soit (littéralement) la suite évidente à des romans n'ayant pas encore été écrits, comme si Van Gulik était parvenu à anticiper sa propre inspiration. Au point même, avouons-le, de rendre totalement caduques certains passages pour un peu qu'on ne lise pas la série dans l'ordre : la révélation des origines de Tsiao Tai a beau constituer un grand moment d'émotion, les sentiments du lecteur à son propos ne seront assurément pas les mêmes selon qu'il attend ou non cette confession depuis dix épisodes. Idem pour le statut tout particulier de Ti à son arrivée à Lan Fang, qui ne prend réellement de sens qu'à partir du moment où l'on sait qu'il s'agit d'une mutation disciplinaire faisant suite à sa guerre de tranchées contre une clique bouddhiste de plus en plus influente au sein de l'Empire.
En somme deux hypothèses : soit vous découvrez le livre en tant que tel, et vous passez deux nuits si captivantes que vous ne pourrez vous empêcher par la suite de lire tout tout tout sur le Juge Ti ; soit vous le découvrez dans le cadre d'une lecture sérielle, auquel cas vous n'aurez d'autre choix que de considérer The Chinse Maze Murders comme une apothéose. Dans tous les cas, il s'agit sans aucun doute, tant du point de vue formel qu'en terme d'intrigue à proprement dire, d'un des tous meilleurs romans de Robert Van Gulik. Donc du Juge Ti. Donc de ce JDC...
... et donc du Golb !...
(*) Et même dix-neuf en comptant la special guest appearance de notre ami Xavier.
Belle analyse sur les "deux hypothèses". J'imagine en effet le choc que doit ressentir le lecteur s'il découvre le juge Ti avec cet épisode, a forciori si c'est un jeune lecteur. En tant que lecteur sériel, j'ai bien apprécié le début original du livre, où le juge Ti est confronté à la situation particulièrement inconfortable d'aménager dans un tribunal laissé à l'abandon. Les nombreuses intrigues m'ont aussi ravi.
RépondreSupprimerIl y a cependant un paramètre important dans mes lectures: j'apprécie mieux l'histoire si je réussis à condenser ma lecture (pas forcément deux nuits, mais une semaine par exemple). Cet épisode étant particulièrement épais, j'ai dispersé ma lecture ce qui fait que j'ai eu du mal à suivre toutes ces intrigues emmelées. Et puis, il y a cette inhabituelle "erreur" de Gulik qui handicape un peu la révélation du mystère. (le You / Yu...). Bre, tout ca pour dire que cette lecture ne fut pas pour moi l'apothéose du JDC. J'ai été cependant bien tenu en haleine par l'histoire du labyrinthe, et séduit par l'environnement nouveau du juge, et reconnais que nous avons là un très très bon épisode.
Une erreur ? Je verrais plutôt ça comme un indice. Voire une préexistence jidécienne, référence évidente à notre chère You Yin :-D
RépondreSupprimerTrop fort ce VG!!
RépondreSupprimersinon ce prénom à consonnance asiatique viendrais de là?
Aucune idée !
RépondreSupprimerAh que j'aime ton article brother... et tu sais quoi je n'y avais pas pensé mais le rapport avec dame agatha est très bien vu, d'autant que je connaissais l'histoire de cette lecture qu'aurait fait la dame... je n'y ai même pas pensé !!! Pourtant, l'association d'idée yu/you est assez typique, c'est un procédé qui se retrouve sous la plume d'agatha (où exactement il faudrait que je fasse une recherche bref !) pour moi aussi ce fut une de mes premières lecture du juge, en fait après la perle de l'empereur, j'ai lu quasiment coup sur coup le labyrinthe et le squelette, ce qui était une trrrrès bonne idée et puis tous les autres. quant à savoir si le gouverneur yu a eu une influence sur mon nom, pas directement c'est sûr mais le juge m'a conduit à m'intéresser à la culture chinoise et de fil en aiguille peut être bien à me choisir ce personnage (et son nom) en jeu de rôle va savoir :-)))
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