Question à cent euros : qu'y a-t-il de pire qu'une série arrêtée avant la fin faute d'audience ?
Une série qui s'éternise sur dix ans et perd son âme ? Moui, pas faux, mais il y a encore pire...
Oui ! Bien vu Madame, là-bas dans le fond ! Le pire... c'est généralement le (télé)film tourné après la série et censé la conclure. Ou lui donner suite. L'exception confirmant la règle étant évidemment Star Trek - mais il ne s'agissait pas non plus de la première série venue. Le fait est que la plupart du temps, le passage au long-métrage est au mieux dispensable, au pire un véritable désastre pour les héros de séries. La question mériterait d'ailleurs un moratoire, ne fût-ce que pour parvenir à comprendre exactement comment des auteurs inspirés sur quarante-minutes peuvent ainsi se métamorphoser en vulgaire tâcherons sur une heure trente.
Inutile donc de préciser qu'on attendait pas grand-chose de Dead Like Me After Death, suite et fin promises depuis des lustres à l'une série les plus cools et attachantes de ces dernières années. C'est que si l'univers de Dead Like Me semblait suffisamment original pour être transposable, le défi de cette suite relevait de la plus délicate des gageures :
- trouver une fin à la série
- répondre à toutes les questions restées en suspens
- fournir une intrigue suffisamment soutenue pour tenir en haleine durant une heure trente.
Ce dernier point en particulier inquiétait : si Bryan Fuller, de Wonderfalls en Pushing Daisies, a prouvé qu'il est un véritable auteur, bâtisseur d'univers hauts en couleur et créateur de personnages mémorables, le principal point commun entre ses trois bébés (outre ses obsessions personnelles) est d'être aussi singuliers que peu haletants, de proposer des intrigues extrêmement lights et de lasser avec le temps. Pas étonnant que tous trois se soient arrêtés avant la fin : le format feuilleton est ainsi fait qu'une fois le système narratif posé (en général dans la première moitié de la saison 1) une intrigue captivante est le seul et unique moyen de garder le spectateur (ne cherchez pas plus loin pourquoi il y a si peu de séries "réalistes"...). Dead Like Me, au long de ses deux saisons, égrène quelques questions sur son univers post-mortem, montre l'évolution de ses personnages... mais ne propose absolument aucune intrigue digne de ce nom, les épisodes se succèdent, charmants, excellents parfois - jamais obsédants comme le sont parfois ceux de Heroes (autre série écrite par Fuller (1)... mais pas par lui seul, cela va sans dire, et ça change tout). Au terme de deux saisons inégales (surtout la première), Dead Like Me a considérablement marqué les esprits (le mien en tête)... mais n'a finalement jamais été beaucoup plus loin que son pitch de départ : à peine sortie de l'adolescence, Georgia meurt écrasée par les toilettes de Station Mir qui se crashent sur terre ; revivante (2), elle est recrutée par le mystérieux Ruben pour devenir faucheuse d'âme, reçoit chaque matin un post-it flanqué du nom, de l'adresse et de l'heure de sa mission funèbre du jour, et s'acquitte de sa tâche en bonne cadre moyenne de la Mort - considérant qu'elle ne peut en rien changer le cours des évènements.
Sans surprise, le téléfilm (quoique le terme super-épisode soit plus approprié, d'autant qu'il est sorti directement en dvd) reprend cette trame à la lettre, à un détail près : Rube, comme tout Faucheur parvenu à un quota d'âmes connu du seul Être Suprême, "a vu sa lumière". Selon la thèse officielle, la thèse officieuse prétendant pour sa part que Mandy Patinkin, tout comme Laura "Daisy" Harris, a juste refusé de remettre le couvert. Le voilà donc remplacé au pied levé par une vieille connaissance, Henry Ian Cusick (Desmond, dans Lost), excellent dans son rôle de néo-libéral souhaitant réformer la petite section de Rube, remplaçant les post-it par des portables et souhaitant désormais faire plus de chiffre. Ce sont les cinq premières minutes de l'épisode, donc pas vraiment du spoil... pourtant je m'en veux quand même de vous les raconter, vu que ce sont de loin les meilleures de ce film un peu bancal tenant somme toute en quelques phrases lâchées par Helen Muth (l'actrice principale) avant sa sortie : "Si ce film marche, il est possible que Showtime accepte de relancer la série." On n'y croit pas une seconde, mais qu'importe : Fuller et les comédiens, eux, semblent avoir foi là-dedans, on ne peut pas leur en vouloir - c'est pas comme s'ils avaient eu une carrière florissante depuis.
Pas étonnant du coup que Dead Like Me After Death, annoncé depuis deux ans tout de même, ne réponde à aucune des questions dont on nous avait promis les réponses : rien sur les Gravelings (3), très peu sur la lumière au bout du tunnel, pas grand-chose sur nos héros... le fait que Fuller ait confié l'écriture à ses hommes de confiance aurait pu laisser espérer un peu de fraîcheur, et c'est l'inverse qui se passe. Manifestement les gaillards gardent des cartes dans leurs manches en vue sinon d'une seconde série, du moins d'une suite dans ce format. On ne sait pas si on doit s'en féliciter... car si ce film aimantera probablement des fans inconsolables depuis cinq ans (déjà), pas sûr au regard de la qualité très relative de l'objet qu'ils se jettent sur une hypothétique suite : pas très bien rythmé, pas très intéressant, bourré de redites par rapport à la série (notamment sur le passé des héros), Dead Like After Death constitue tout au plus un bon moment pour le fan, mais ce qui faisait le charme de la série n'y est que par intermittence. Le côté chaleureux et bon enfant, avouons-le, est un peu négligé (dans Dead Like Me, les héros passent leur vie à bouffer en dissertant sur la vie... et surtout la mort), les deux acteurs les plus doués de l'équipe sont partis (et c'est peu dire que Sarah Wynter ne convainc pas lorsqu'elle surjoue notre Daisy adorée !), et le scénario est globalement bancal. Heureusement Delores Herbig et son Murray de chat sont toujours là, égaux à eux-mêmes - c'est à dire désopilants. Et quelques scènes franchement poilantes viennent élever le niveau, sans jamais atteindre celui de la série, mais ressuscitant (c'est le cas de le dire) au moins un peu de son esprit. Cela reste un poil trop mince pour qu'on rêve à une suite. Cela passe cependant le temps, et sauve le film de la solderie.
Un téléfilm de suite de série aux airs de cas d'école, en somme...
👍👍 Dead Like Me (saisons 1 & 2)
créée par Bryan Fuller
Showtime, 2003-04
✋ Dead Like After Death
Stephen Herek | Metro-Goldwyn-Mayern, 2009
Une série qui s'éternise sur dix ans et perd son âme ? Moui, pas faux, mais il y a encore pire...
Oui ! Bien vu Madame, là-bas dans le fond ! Le pire... c'est généralement le (télé)film tourné après la série et censé la conclure. Ou lui donner suite. L'exception confirmant la règle étant évidemment Star Trek - mais il ne s'agissait pas non plus de la première série venue. Le fait est que la plupart du temps, le passage au long-métrage est au mieux dispensable, au pire un véritable désastre pour les héros de séries. La question mériterait d'ailleurs un moratoire, ne fût-ce que pour parvenir à comprendre exactement comment des auteurs inspirés sur quarante-minutes peuvent ainsi se métamorphoser en vulgaire tâcherons sur une heure trente.
Inutile donc de préciser qu'on attendait pas grand-chose de Dead Like Me After Death, suite et fin promises depuis des lustres à l'une série les plus cools et attachantes de ces dernières années. C'est que si l'univers de Dead Like Me semblait suffisamment original pour être transposable, le défi de cette suite relevait de la plus délicate des gageures :
- trouver une fin à la série
- répondre à toutes les questions restées en suspens
- fournir une intrigue suffisamment soutenue pour tenir en haleine durant une heure trente.
Ce dernier point en particulier inquiétait : si Bryan Fuller, de Wonderfalls en Pushing Daisies, a prouvé qu'il est un véritable auteur, bâtisseur d'univers hauts en couleur et créateur de personnages mémorables, le principal point commun entre ses trois bébés (outre ses obsessions personnelles) est d'être aussi singuliers que peu haletants, de proposer des intrigues extrêmement lights et de lasser avec le temps. Pas étonnant que tous trois se soient arrêtés avant la fin : le format feuilleton est ainsi fait qu'une fois le système narratif posé (en général dans la première moitié de la saison 1) une intrigue captivante est le seul et unique moyen de garder le spectateur (ne cherchez pas plus loin pourquoi il y a si peu de séries "réalistes"...). Dead Like Me, au long de ses deux saisons, égrène quelques questions sur son univers post-mortem, montre l'évolution de ses personnages... mais ne propose absolument aucune intrigue digne de ce nom, les épisodes se succèdent, charmants, excellents parfois - jamais obsédants comme le sont parfois ceux de Heroes (autre série écrite par Fuller (1)... mais pas par lui seul, cela va sans dire, et ça change tout). Au terme de deux saisons inégales (surtout la première), Dead Like Me a considérablement marqué les esprits (le mien en tête)... mais n'a finalement jamais été beaucoup plus loin que son pitch de départ : à peine sortie de l'adolescence, Georgia meurt écrasée par les toilettes de Station Mir qui se crashent sur terre ; revivante (2), elle est recrutée par le mystérieux Ruben pour devenir faucheuse d'âme, reçoit chaque matin un post-it flanqué du nom, de l'adresse et de l'heure de sa mission funèbre du jour, et s'acquitte de sa tâche en bonne cadre moyenne de la Mort - considérant qu'elle ne peut en rien changer le cours des évènements.
Sans surprise, le téléfilm (quoique le terme super-épisode soit plus approprié, d'autant qu'il est sorti directement en dvd) reprend cette trame à la lettre, à un détail près : Rube, comme tout Faucheur parvenu à un quota d'âmes connu du seul Être Suprême, "a vu sa lumière". Selon la thèse officielle, la thèse officieuse prétendant pour sa part que Mandy Patinkin, tout comme Laura "Daisy" Harris, a juste refusé de remettre le couvert. Le voilà donc remplacé au pied levé par une vieille connaissance, Henry Ian Cusick (Desmond, dans Lost), excellent dans son rôle de néo-libéral souhaitant réformer la petite section de Rube, remplaçant les post-it par des portables et souhaitant désormais faire plus de chiffre. Ce sont les cinq premières minutes de l'épisode, donc pas vraiment du spoil... pourtant je m'en veux quand même de vous les raconter, vu que ce sont de loin les meilleures de ce film un peu bancal tenant somme toute en quelques phrases lâchées par Helen Muth (l'actrice principale) avant sa sortie : "Si ce film marche, il est possible que Showtime accepte de relancer la série." On n'y croit pas une seconde, mais qu'importe : Fuller et les comédiens, eux, semblent avoir foi là-dedans, on ne peut pas leur en vouloir - c'est pas comme s'ils avaient eu une carrière florissante depuis.
Pas étonnant du coup que Dead Like Me After Death, annoncé depuis deux ans tout de même, ne réponde à aucune des questions dont on nous avait promis les réponses : rien sur les Gravelings (3), très peu sur la lumière au bout du tunnel, pas grand-chose sur nos héros... le fait que Fuller ait confié l'écriture à ses hommes de confiance aurait pu laisser espérer un peu de fraîcheur, et c'est l'inverse qui se passe. Manifestement les gaillards gardent des cartes dans leurs manches en vue sinon d'une seconde série, du moins d'une suite dans ce format. On ne sait pas si on doit s'en féliciter... car si ce film aimantera probablement des fans inconsolables depuis cinq ans (déjà), pas sûr au regard de la qualité très relative de l'objet qu'ils se jettent sur une hypothétique suite : pas très bien rythmé, pas très intéressant, bourré de redites par rapport à la série (notamment sur le passé des héros), Dead Like After Death constitue tout au plus un bon moment pour le fan, mais ce qui faisait le charme de la série n'y est que par intermittence. Le côté chaleureux et bon enfant, avouons-le, est un peu négligé (dans Dead Like Me, les héros passent leur vie à bouffer en dissertant sur la vie... et surtout la mort), les deux acteurs les plus doués de l'équipe sont partis (et c'est peu dire que Sarah Wynter ne convainc pas lorsqu'elle surjoue notre Daisy adorée !), et le scénario est globalement bancal. Heureusement Delores Herbig et son Murray de chat sont toujours là, égaux à eux-mêmes - c'est à dire désopilants. Et quelques scènes franchement poilantes viennent élever le niveau, sans jamais atteindre celui de la série, mais ressuscitant (c'est le cas de le dire) au moins un peu de son esprit. Cela reste un poil trop mince pour qu'on rêve à une suite. Cela passe cependant le temps, et sauve le film de la solderie.
Un téléfilm de suite de série aux airs de cas d'école, en somme...
👍👍 Dead Like Me (saisons 1 & 2)
créée par Bryan Fuller
Showtime, 2003-04
✋ Dead Like After Death
Stephen Herek | Metro-Goldwyn-Mayern, 2009
(1) Il a en grande partie écrit la saison 1, ainsi que la seconde partie de la 3... Dead Like Me After Death contenant d'ailleurs dans son intro une poignée de clins d’œils évidents au feuilleton créé par Tim Kring.
(2) C'est le terme que Ned, le pâtissier de Pushing Daisies (initialement prévu pour être un personnage de la saison 3 de DLM, du reste), utilise pour désigner les gens qu'il ressuscite... terme qui s'applique évidemment très bien à nos héros.
(3) Ces petites bêtes hideuses provocant les morts au gré de pièges à pleurer de rire.
(2) C'est le terme que Ned, le pâtissier de Pushing Daisies (initialement prévu pour être un personnage de la saison 3 de DLM, du reste), utilise pour désigner les gens qu'il ressuscite... terme qui s'applique évidemment très bien à nos héros.
(3) Ces petites bêtes hideuses provocant les morts au gré de pièges à pleurer de rire.
C'est en effet une très grosse déception, ce film. Pas du tout à la hauteur de la série, à part les premières minutes. Et puis surtout, on a l'impression que le scénario essaie de ménager chèvre chou : on veut séduire et les fans de la série (en faisant une "suite"), et les gens qui ne connaissent (= multiplication des flashbacks). Mais en fait, ça ne séduit ni l'un ni l'autre.
RépondreSupprimerC'est probablement ça. Et ça crée du coup des lourdeurs inutiles dans la narration...
RépondreSupprimer5/6 pour Dead Like Me me semble déjà énorme, alors sa suite téléfilmesque...
RépondreSupprimerJe ne le dis pas souvent mais : très bon article. Tu montres très bien comment le film, au lieu d'amoindrir, cristallise les défauts de la série.
RépondreSupprimerMoi je ne l'ai pas trouvé mauvais ce téléfilm, même si on est loin de la série (que j'adore).
RépondreSupprimerAh ben moi je ne suis pas allée au bout de la première saison, j'ai trouvé cette série d'un ennui mortel. Oups.
RépondreSupprimerJe ne peux pas vraiment t'en vouloir ^^
RépondreSupprimerencore une série que je n'ai aps vu tss tss tss
RépondreSupprimerJ'ai adorée cette serie, j'espere qu il y aura une saison 3
RépondreSupprimerJ'ai adorée cette serie, j'espere qu il y aura une saison 3
RépondreSupprimerici 2016, je pense qu'il n'y auras certainement pas de suite... :'(
RépondreSupprimerJe ne suis pas sûr que beaucoup y croyaient sérieusement, déjà, en 2009. C'est devenu plus fréquent ces dernières années (et encore, surtout pour des gros hits, ce que DLM n'a jamais été) mais à l'époque, c'était tout de même rarissime qu'une série annulée ressuscite, ou alors très rapidement derrière (avant que les protagonistes ne soient tous engagés ailleurs). Quelque part, c'est déjà miraculeux que celle-ci ait eu droit à un téléfilm au bout de cinq ans de silence. Bien des séries du début des années 2000 n'ont pas eu cette chance...
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