Certains groupes très (trop) populaires éprouvent le besoin exacerbé de suraffirmer leur longévité en multipliant les best-of, compilations prétendument événementielles et autres projets sangsues n’ayant d’autre but que de vider les portefeuilles de fans trop souvent consentants. D’autres, plus confidentiels mais bien plus passionnants, multiplient outre les albums de grande classe les initiatives originales… ainsi Jad Wio, à l’affiche deux jours de suite (aujourd’hui et demain) d’une exposition récapitulative, La Ballade de Jad Wiolenski – comme de juste accompagnée d’une paire de concerts qui promettent de changer la Maison des métallos en fournaise.
Oui lecteur : Jad Wio. Groupe sensationnel s’il en est, incontournable du rock français trop souvent contourné, hydre à deux têtes – celles de Denis Bortek et de Christophe K’Bye – et rare collectif national à pouvoir prétendre au statut très prisé de groupe culte – comprendre par-là : adulé par les uns, respecté par les autres. De par leur longévité et leur goût du risque, ces deux-là font en effet partie de ces artistes qu’on peut éventuellement s’autoriser à ne pas aimer – jamais à mépriser. C’est que Bortek a fait montre depuis longtemps de son audace et de sa classe, qu’il s’agisse de narrer avec malice les aventures d’Ophélie la zoophile, ou de consacrer un concept-album à celles d’un beatnik de l’espace (et il en fallait, de la classe et du talent, pour raconter une histoire pareille sans avoir l’air bébête).
C’est que, bien plus pop que ne le pensent tous ceux qui en ont entendu parler sans jamais l’avoir écouté, Jad Wio doit avant tout son (relatif) anonymat à son goût pour le soufre et les sujets qui fâchent. Le groupe caresse rarement l’auditeur dans le sens du poil et les textes, quoique très au-dessus de ce qui se publie de nos jours en matière de musique francophone, laissent généralement assez peu de doutes sur leurs intentions. Charmante ironie : Marilyn Manson et Eminem peuvent balancer autant de « fuck » et autres « bitch » qu’ils le veulent sur les ondes FM de notre beau pays, mais on n’est pas près d’entendre "Les Habitudes n’existent pas" (pourtant très supérieure textuellement parlant) sur les ondes de Virgin Machin et de Radio Télévision Bidule… peu importe que cette chanson, à l’image de l’ensemble du récent Sex Magik : Histoire de Lilith Von Sirius, soit un de ces tubes en puissance comme Jad Wio en tricote à intervalles irréguliers depuis ses somptueux débuts discographiques au milieu des années 80.
Ses débuts, justement, sont peut-être aussi plus ou moins à la source du malentendu. Dans un pays où les étiquettes collent plus vite et plus longtemps qu’un chewing-gum sous une chaussure un soir de canicule, il fait rarement bon être inclassable et Jad Wio, qui n’a pas publié deux albums identiques, en a assurément fait les frais. Car le sais-tu, lecteur ? Lorsque les médias et autres supermarchés du disque ne savent pas classer quelque chose, ils ont une fâcheuse tendance à l’occulter. On se gargarise à longueur d’année, en matière de musique rock, de soi-disant innovation, de nouveauté, on fustige des groupes ne se renouvelant pas assez à notre goût… mais les artistes caméléons s’ils ne s’appellent pas David Bowie ont rarement bonne presse et la plupart du temps, la grande majorité des auditeurs préfère le confort d’albums faciles à catégoriser – qui dans pop, qui dans rock… etc. Jad Wio n’est ni pop ni chanson française, pas plus qu’il n’est post-punk ni électro. Ou plutôt il fut tout cela tour à tour. L’est encore par bien des aspects. A excellé dans toutes ces catégories tout en refusant farouchement de se laisser enfermer dans l’une ou l’autre. Une seule règle : rester fidèle à l’esthétique glam, car dans le fond Jad Wio a toujours été au moins autant une question d’esthétique que de musique.
Son premier opus (Cellar Dreams), tient sans rougir la dragée haute au meilleur post-punk anglo-saxon de l’époque, rageur et racé comme du The Fall. Contact a un peu vieilli, mais sa new-wave ne manque pas de charme. Fleur de metal est une merveille de pop psychédélique bénéficiant de la production remarquable d’un Bertand Burgalat alors encore débutant – autant dire qu’il n’a pas pris une ride. Quant à Monstre-toi, réalisé sans K’Bye en 1995, c’est tout simplement un chef-d’œuvre, d’une richesse rarement égalée en matière de rock hexagonal.
Depuis sa résurrection au milieu des années 2000, Jad Wio n’a publié que deux albums (l’inégal Nu-Clé-Air-Pop en 2005 et le somptueux Sex Magik – peut-être son meilleur – il y a un an et demi), mais fondamentalement son éthique n’a pas changée d’un iota. Comme si sa démarche artistique secrète était de continuellement adapter le glam-rock aux standards de l’époque, de se réinventer à chaque nouveau chapitre. Toujours pareil, sans cesse différent. Initialement, Jad Wio se nommait Wiolenski et était le personnage d’un roman de Bortek. On ne l’a bien entendu jamais lu, mais on imagine volontiers son héros métamorphe et androgyne, probablement damné et pourquoi pas condamné à revivre éternellement la même histoire avec une apparence différente. L’idée est à travailler. Il est assez étonnant de noter qu’en vingt-sept ans, Bortek nous a raconté bien des histoires… mais jamais celle de son double scénique au pseudonyme énigmatique et un peu effrayant. Il n’est pas exclu qu’il nous en livre quelques bribes ce soir, à la Maison des métallos. Auquel cas, si le cœur vous en dit et si vous ne craignez pas trop de vous mêler à un lancinant Bal des fantômes, vous voici armés pour découvrir un groupe à nul autre pareil.
Jad Wio, en concert ce soir et demain, 20h30, à la Maison des métallos, dans le cadre de l’exposition La Ballade Jad Wiolenski (à partir de 19H00 ce soir, 14h00 demain après-midi)
Oui lecteur : Jad Wio. Groupe sensationnel s’il en est, incontournable du rock français trop souvent contourné, hydre à deux têtes – celles de Denis Bortek et de Christophe K’Bye – et rare collectif national à pouvoir prétendre au statut très prisé de groupe culte – comprendre par-là : adulé par les uns, respecté par les autres. De par leur longévité et leur goût du risque, ces deux-là font en effet partie de ces artistes qu’on peut éventuellement s’autoriser à ne pas aimer – jamais à mépriser. C’est que Bortek a fait montre depuis longtemps de son audace et de sa classe, qu’il s’agisse de narrer avec malice les aventures d’Ophélie la zoophile, ou de consacrer un concept-album à celles d’un beatnik de l’espace (et il en fallait, de la classe et du talent, pour raconter une histoire pareille sans avoir l’air bébête).
C’est que, bien plus pop que ne le pensent tous ceux qui en ont entendu parler sans jamais l’avoir écouté, Jad Wio doit avant tout son (relatif) anonymat à son goût pour le soufre et les sujets qui fâchent. Le groupe caresse rarement l’auditeur dans le sens du poil et les textes, quoique très au-dessus de ce qui se publie de nos jours en matière de musique francophone, laissent généralement assez peu de doutes sur leurs intentions. Charmante ironie : Marilyn Manson et Eminem peuvent balancer autant de « fuck » et autres « bitch » qu’ils le veulent sur les ondes FM de notre beau pays, mais on n’est pas près d’entendre "Les Habitudes n’existent pas" (pourtant très supérieure textuellement parlant) sur les ondes de Virgin Machin et de Radio Télévision Bidule… peu importe que cette chanson, à l’image de l’ensemble du récent Sex Magik : Histoire de Lilith Von Sirius, soit un de ces tubes en puissance comme Jad Wio en tricote à intervalles irréguliers depuis ses somptueux débuts discographiques au milieu des années 80.
Ses débuts, justement, sont peut-être aussi plus ou moins à la source du malentendu. Dans un pays où les étiquettes collent plus vite et plus longtemps qu’un chewing-gum sous une chaussure un soir de canicule, il fait rarement bon être inclassable et Jad Wio, qui n’a pas publié deux albums identiques, en a assurément fait les frais. Car le sais-tu, lecteur ? Lorsque les médias et autres supermarchés du disque ne savent pas classer quelque chose, ils ont une fâcheuse tendance à l’occulter. On se gargarise à longueur d’année, en matière de musique rock, de soi-disant innovation, de nouveauté, on fustige des groupes ne se renouvelant pas assez à notre goût… mais les artistes caméléons s’ils ne s’appellent pas David Bowie ont rarement bonne presse et la plupart du temps, la grande majorité des auditeurs préfère le confort d’albums faciles à catégoriser – qui dans pop, qui dans rock… etc. Jad Wio n’est ni pop ni chanson française, pas plus qu’il n’est post-punk ni électro. Ou plutôt il fut tout cela tour à tour. L’est encore par bien des aspects. A excellé dans toutes ces catégories tout en refusant farouchement de se laisser enfermer dans l’une ou l’autre. Une seule règle : rester fidèle à l’esthétique glam, car dans le fond Jad Wio a toujours été au moins autant une question d’esthétique que de musique.
Son premier opus (Cellar Dreams), tient sans rougir la dragée haute au meilleur post-punk anglo-saxon de l’époque, rageur et racé comme du The Fall. Contact a un peu vieilli, mais sa new-wave ne manque pas de charme. Fleur de metal est une merveille de pop psychédélique bénéficiant de la production remarquable d’un Bertand Burgalat alors encore débutant – autant dire qu’il n’a pas pris une ride. Quant à Monstre-toi, réalisé sans K’Bye en 1995, c’est tout simplement un chef-d’œuvre, d’une richesse rarement égalée en matière de rock hexagonal.
Depuis sa résurrection au milieu des années 2000, Jad Wio n’a publié que deux albums (l’inégal Nu-Clé-Air-Pop en 2005 et le somptueux Sex Magik – peut-être son meilleur – il y a un an et demi), mais fondamentalement son éthique n’a pas changée d’un iota. Comme si sa démarche artistique secrète était de continuellement adapter le glam-rock aux standards de l’époque, de se réinventer à chaque nouveau chapitre. Toujours pareil, sans cesse différent. Initialement, Jad Wio se nommait Wiolenski et était le personnage d’un roman de Bortek. On ne l’a bien entendu jamais lu, mais on imagine volontiers son héros métamorphe et androgyne, probablement damné et pourquoi pas condamné à revivre éternellement la même histoire avec une apparence différente. L’idée est à travailler. Il est assez étonnant de noter qu’en vingt-sept ans, Bortek nous a raconté bien des histoires… mais jamais celle de son double scénique au pseudonyme énigmatique et un peu effrayant. Il n’est pas exclu qu’il nous en livre quelques bribes ce soir, à la Maison des métallos. Auquel cas, si le cœur vous en dit et si vous ne craignez pas trop de vous mêler à un lancinant Bal des fantômes, vous voici armés pour découvrir un groupe à nul autre pareil.
Jad Wio, en concert ce soir et demain, 20h30, à la Maison des métallos, dans le cadre de l’exposition La Ballade Jad Wiolenski (à partir de 19H00 ce soir, 14h00 demain après-midi)