A première vue, on ne sait pas trop quoi en penser. Un western... un western signé Manchette ? Mouais. Pourquoi pas ? L'Homme au boulet rouge ? Jamais entendu parler. Mais pourquoi pas ? Manchette adorait les western. Enfin il paraît. Il adorait surtout l'argent, et cette commande-ci était suffisamment bien payée. Adapter un scénario tartignole au possible signé par un tâcheron que l'histoire ne tarderait pas à oublier (en effet...), ce en trois mois et contre une somme confortable... sans doute Manchette se l'est-il dit lui : mais oui, pourquoi pas ?
Tartignole, précisons-le, ce n'est pas moi qui le dit. C'est Manchette lui-même : "[Le scénario] est assez tarte, tout dans le masque, la brutalité, la grossiéreté..." C'est le moins qu'on puisse dire : L'Homme au boulet rouge (bien entendu affublé au départ d'un titre anglo-saxon qui n'aurait jamais dû être transposé, The Red Ball Gang), en fait, évoque une version trash du... Boulet, le film nul avec Lanvin et Poelvoorde (ceci n'est pas une plaisanterie). Trash, et sacrément glauque, évidemment.
On part donc pour prendre l'Homme au boulet rouge pour ce qu'il est (une brève parenthèse dans l'œuvre de Manchette, simple récréation rapidement éclipsée qui plus est par la sortie de son classique Nada la même année), on reste pour l'incroyable liberté de ton que l'auteur d'Ô dingos, Ô châteaux ! s'y octroie. Alors qu'on attendait une copie honnête parodiant cyniquement un western spaghetti que Manchette exècre, on se retrouve avec une véritable pépite à la patte immédiatement reconnaissable, violente, crépusculaire... manchettienne, donc. Sans doute parce qu'il n'y a guère de véritable enjeu (Manchette sera grassement payé quoiqu'il arrive, que le roman soit bon ou non, que le film se fasse ou non - il ne se fera d'ailleurs pas), le plus grand auteur de roman noir que la France ait jamais porté se déchaîne, empruntant au meilleur de Jim Thompson son côté rageur et dévasté pour le mixer dans une tambouille peckinpesque du plus bel effet.
Dès lors tandis que tout portait à croire qu'au final L'Homme au boulet rouge serait à l'image de son titre (chargé, un peu lourd, un brin caricatural), c'est tout l'inverse qui se passe : ce roman méconnu voire carrément ignoré d'un grand nombre d'amateurs de Manchette s'impose comme un de ses plus forts, brillant par une construction soignée et un minimalisme envoûtant. Si l'on éprouve un peu de peine pour Sussman, réduit au rang de vulgaire faire-valoir alors qu'il a malgré tout signé l'histoire (pas follement originale au demeurant), difficile de ne pas se dire qu'en atomisant de la sorte son scénario, Manchette lui a carrément fait honneur. Ne serait-ce qu'en lui permettant d'inscrire son nom dans l'histoire littéraire, ce qu'il n'aurait sans doute jamais pu faire tout seul. Et ce qu'il a fait malgré tout, associant par conséquent éternellement son nom à l'un des meilleurs livres de Jean-Pat'... que personne ne connaît, hélas. L'histoire, parfois, ne manque pas d'humour.
Tartignole, précisons-le, ce n'est pas moi qui le dit. C'est Manchette lui-même : "[Le scénario] est assez tarte, tout dans le masque, la brutalité, la grossiéreté..." C'est le moins qu'on puisse dire : L'Homme au boulet rouge (bien entendu affublé au départ d'un titre anglo-saxon qui n'aurait jamais dû être transposé, The Red Ball Gang), en fait, évoque une version trash du... Boulet, le film nul avec Lanvin et Poelvoorde (ceci n'est pas une plaisanterie). Trash, et sacrément glauque, évidemment.
On part donc pour prendre l'Homme au boulet rouge pour ce qu'il est (une brève parenthèse dans l'œuvre de Manchette, simple récréation rapidement éclipsée qui plus est par la sortie de son classique Nada la même année), on reste pour l'incroyable liberté de ton que l'auteur d'Ô dingos, Ô châteaux ! s'y octroie. Alors qu'on attendait une copie honnête parodiant cyniquement un western spaghetti que Manchette exècre, on se retrouve avec une véritable pépite à la patte immédiatement reconnaissable, violente, crépusculaire... manchettienne, donc. Sans doute parce qu'il n'y a guère de véritable enjeu (Manchette sera grassement payé quoiqu'il arrive, que le roman soit bon ou non, que le film se fasse ou non - il ne se fera d'ailleurs pas), le plus grand auteur de roman noir que la France ait jamais porté se déchaîne, empruntant au meilleur de Jim Thompson son côté rageur et dévasté pour le mixer dans une tambouille peckinpesque du plus bel effet.
Dès lors tandis que tout portait à croire qu'au final L'Homme au boulet rouge serait à l'image de son titre (chargé, un peu lourd, un brin caricatural), c'est tout l'inverse qui se passe : ce roman méconnu voire carrément ignoré d'un grand nombre d'amateurs de Manchette s'impose comme un de ses plus forts, brillant par une construction soignée et un minimalisme envoûtant. Si l'on éprouve un peu de peine pour Sussman, réduit au rang de vulgaire faire-valoir alors qu'il a malgré tout signé l'histoire (pas follement originale au demeurant), difficile de ne pas se dire qu'en atomisant de la sorte son scénario, Manchette lui a carrément fait honneur. Ne serait-ce qu'en lui permettant d'inscrire son nom dans l'histoire littéraire, ce qu'il n'aurait sans doute jamais pu faire tout seul. Et ce qu'il a fait malgré tout, associant par conséquent éternellement son nom à l'un des meilleurs livres de Jean-Pat'... que personne ne connaît, hélas. L'histoire, parfois, ne manque pas d'humour.
👍👍 L'Homme au boulet rouge
Jean-Patrick Manchette, d'après un scénario de Barth Jules Sussman
Folio "Policier", 1972
C'est bien la première fois que je vois Manchette surnommé "Jean-Pat'".
RépondreSupprimerEt c'est aussi la première fois que j'entends parler de ce livre...
BBB.
En même temps de la part de quelqu'un qui surnomme Philip Roth "Philou" ça ne devrait pas vous choquer outre-mesure...
RépondreSupprimerj'étais sur d'avoir lu tout Manchette, je me suis même tapé son journal (qui montre bien son goût si ce n'est pour l'argent au moins avoir de quoi sa payer quelques babioles et livres)et je découvre que les mailles de mon filet, mes yeux de lecteur ont raté ce livre là...Heureusement que tu es là
RépondreSupprimerTu sais je l'ai vu par hasard dans une librairie (il a été réédité en poche l'an passé), je ne suis pas sûr que sinon j'en aurais entendu parler...
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