Nous sommes en 2009 et malgré quelques beaux articles ici ou là, personne n'écoute les Only Ones. Et s'il est juste de noter que chaque revival rock les ramène dans les dicussions, il convient de préciser que ce n'est jamais que chez dix personnes dont une moitié employée chez Rock & Folk. Culte, mythique et génial, le groupe de Peter Perret n'en demeure pas moins tragiquement méconnu, un de ces combos formidables dont on ignorera toujours pourquoi ils n'ont jamais eu droit à leur propre revival. A intervalles réguliers leur nom ressort en même temps que leurs albums, mais c'est uniquement pour redisparaître aussitôt des mémoires pour cinq ans.
Il est vrai que le groupe est desservi par son style. Alors qu'une bonne part de son succès de l'époque (fin 70's/début 80's) venait du son côté très pop cet atout n'a fait que le desservir au fil des décennies. Arrivé dans les années quatre-vingt-dix il devenait relativement compliqué de célébrer le punk et les Only Ones en même temps tant Peter, Alan, John et Mike collaient peu à l'image d'Epinal destroy que l'imaginaire collectif (et la presse) avai(en)t voulu retenir du punk-rock. Comprendre par-là qu'en terme d'esthétique (comprendre par-là "de clichés"), ma mère ou quelqu'un ne connaissant rien au punk serait tenté de dire que les Onlys Ones n'ont rien à voir avec.
Et le fait est qu'en effet les Only Ones n'avait pas grand-chose les rapprochant des Pistols, des Clash ni même des Damned. Alors que Rotten se payait la gueule des punks new-yorkais ("Youre made in japan / From cheese and chalk / Youre hippy tarts hero / 'Cos you put on a bad show / You put on a bad show...") et provoquait involontairement la naissance d'une des dix plus grandes chansons punk de tous les temps ('London Boys', de Johnny Thunders : "You talk about faggot, little mummy’s boy / You’re still at home, you’ve got your chaperone / You need an escort to take a piss / He holds your hand and he shakes your dick / You’re so pretty, suburban kitty...")... pendant ce temps les Only Ones, eux, revendiquaient l'héritage du susmentionné Thunders, et celui de Television et celui de Richard Hell. On dira qu'ils étaient les plus américains des punk anglais, le New York City Punk '75 planqué derrière le bruit et la fureur du London Punk' 77.
Or le punk n'a jamais été que la colère et la destruction de l'école Rotten. Si ce dernier a gagné la bataille de la mémoire, cela n'en fait pas une vérité pour autant et quiconque s'est intéressé un tant soit peu au punkrock sait pertinemment que le romantisme, l'élégance et l'aristocratie sont autant de valeurs appartenant à son champ lexical que la révolte ou la provocation. Impossible de comprendre les Only Ones par rapport au punk si l'on ne prend pas un compte ce facteur déterminant (mais cela vaut pour un nombre considérable de groupes déclinant cette imagerie), facteur faisant d'eux un anachronisme ambulant dès leur premier opus en 1978 (il faut dire aussi que lorsqu'ils débarquent ils sont plus vieux que tout le monde). Le paradoxe de cela ? The Only Ones est un album mille fois plus intemporel que tous ceux du punk londonien, avec son romantisme échevelé et un brin désolé ('The Whole of the Law'), son ironie mordante ('The Immortal Story'), ses mélodies ciselées ('Another Girl, Another Planet' bien sûr !) et même - incroyable mais vrai - ses soli. Ajoutez à cela la voix fracassée et souvent déchirante de Perret (là aussi en filiation Thunders directe - c'est à s'y méprendre sur 'The Beast'), et vous aurez le cocktail divin, parfaitement punk et parfaitement rock (comme aurait dit Saint-Luc). Et si la classe de cet album a quelque chose de miraculeux (ce 'No Peace for the Wicked'...), ce n'est pas grand-chose à côté des deux suivants - contrairement à tous leurs concurrents les Only Ones n'ont fait que progresser. Nous en reparlerons bientôt, puisqu'ils ont eux aussi été réédités cette année dans le même type de format, c'est-à-dire une remasterisation standard mais bienvenue dispensée de bonus supplémentaires par rapport aux précédentes éditions (qui offraient déjà les trois bonus ici présents).
👑 The Only Ones
The Only Ones | CBS, 1978