[Mes livres à moi (et rien qu'à moi) - N°30]
A Burnt-Out Case [La Saison des pluies] - Graham Greene (1960)
Méconnu, souvent mal aimé, A Burnt-Out Case est le roman oublié d'un auteur lui-même souvent négligé, ce qui laisse statistiquement assez peu de chances lorsque vous l'aimez de croiser quelqu'un partageant cet intérêt. Graham Greene en fait, comme beaucoup d'auteurs qui eurent le malheur d'être à la mode, fait partie des écrivains dont tout le monde a entendu une fois le nom mais que la plupart des gens n'a jamais lu. Certains de ses textes (Brighton Rock, The Power & The Glory, The Confidential Agent...) font figure de classiques, mais peu de gens savent ce qu'ils racontent. Et le fait qu'on persiste à considérer avant tout Greene comme un auteur d'espionnage alors qu'un bon tiers de son oeuvre n'a rien à voir de près ou de loin avec ce genre (ni aucun genre du reste) en dit long sur l'ampleur du malentendu.
On ne trouvera dans A Burnt-Out Case ni espion ni crime, mais principalement des hommes bourrelés de remords, de vertes collines d'Afrique, de la pluie et des lépreux. Le tout mixé façon Chemins difficiles de la Rédemption, conflit entre le Sacré et le prophane et Enfer sur Terre. Rien que de très ordinaire ? C'est possible. Mais à l'époque, cela m'a considérablement marqué. Ce qui ne manque pas d'ironie.
Car A Burnt-Out Case est avant tout une histoire d'hommes en fin de parcours, qui au terme d'une vie bien remplie jettent un oeil dans le rétroviseur, se rendent compte de l'inutilité de leur existence et décident d'aller expier dans une léproserie au Congo histoire de mettre leurs actes en adéquation avec leur Foi. Il est tout de même amusant que j'en ai été si chamboulé aux alentours de... dix-sept ou dix-huit ans, à une époque où la Foi était le cadet de mes soucis et où le mot Rédemption m'évoquait dans le meilleur des cas un titre de jeu vidéo. J'imagine qu'en dehors de l'élégance de la plume, c'est l'extrême simplicité du propos qui m'a touché. Simplicité non au sens de simplisme, mais bien sûr au sens d'humilité. A l'image de toute l'oeuvre de Graham Greene, entièrement faite de sincérité et de dénuement.
C'est un aspect sur lequel on insiste peu lorsqu'on l'évoque ; c'est pourtant ce qui m'a particulièrement frappé (et même ému) en relisant A Burnt-Out Case - quand je m'attendais pour tout dire à n'y (re)trouver qu'un salmigondis cul-béni réduisant à néant l'un des plus forts souvenirs de ma vie de lecteur. L'absence totale de prétention, comme si l'auteur lui-même était en train de s'incliner devant l'immensité de l'existence (que cette immensité renvoie à un dieu ou non). Quelque part et contrairement aux apparences, A Burnt-Out Case n'a rien à voir avec une quelconque lutte entre le religieux et l'athée. Il cherche plutôt à mettre évidence le lien profond les unissant. Le religieux n'est rien sans l'humanisme, l'athée sans la paix intérieur (voire la Foi... quel que soit l'objet de cette Foi). Et pour brutale que soit l'affirmation sa mise en scène, transcendée par l'indicible classe du style de Greene et par son goût pour la contemplation, n'en demeure pas moins... renversante.
Trois autres livres pour découvrir Graham Greene :
The Power & The Glory [La Puissance et la Gloire] (1940)
The End of the Affair [La Fin d'une liaison] (1951)
The Quiet American [Un Américain bien tranquille] (1955)
...
"La saison des pluies" comme Graham Greene préféré. Alors ça, c'est original. Et inattendu. Comme quoi, vous y arrivez encore (à surprendre).
RépondreSupprimerJ'ai énormément d'admiration pour Greene, cependant j'avoue que celui-ci ne m'a jamais intéressé. L'article exprime très bien pourquoi vous, oui, ceci dit.
BBB.
J'aime également beaucoup Greene mais je n'avais jamais entendu parlé de celui-là. Il est noté :-)
RépondreSupprimerJe connais ce livre seulement de nom, mais j'ai peur qu'il me fasse le même effet que "The End of the Affair", dans lequel le conflit religieux m'avait ennuyée alors que le reste était vraiment bien.
RépondreSupprimerMoi j'aime beaucoup ce livre. Par contre je dois être folle, j'ai toujours vu un sous-texte homosexuel entre ces personnages... H.
RépondreSupprimerBBB. >>> oui... je vois très bien ce qui a pu vous ennuyer dedans. Mais moi ça me parle...
RépondreSupprimerBoebis >>> cool ^^
Lilly >>> oui alors... même pas la peine de le tenter en ce qui te concerne en effet, tu vas détester (d'autant que moi pour l'anecdote... c'est bien entendu le conflit relgieux que je préfère dans The End of the Affair ((d'ailleurs pour moi c'est l'élément central du récit)).
H.V. >>> euh... pourquoi pas ? C'est une idée... ;)
Non mais, c'est sûrement une ânerie. Mais j'ai toujours aimé cette idée, au point d'imaginer une adaptation cinématographique jouant là-dessus ("imaginer" au sens de "fantasmer", je n'écris pas de films).
RépondreSupprimerJ'avais bien compris.
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