S'il est parfois compliqué de donner envie de voir, lire ou entendre telle ou telle œuvre, il en existe heureusement de plus simples à aborder. Pour vous faire comprendre à quel point Engrenages est une série exceptionnelle, nul besoin d'un long discours - il me suffit de vous dire que j'ai vu sa première saison trois fois et la seconde deux (la même année en ce qui concerne cette dernière). Retrouver Engrenages est un plaisir qui n'a pas de prix, d'autant que les épisodes se font rares (comme à peu près tout ce qui est précieux). Les plus âgés se souviennent de l'époque où il fallait attendre parfois deux ans entre deux saisons des Soprano, du culte de la rareté chez HBO, de son côté face (c'est long, trop long) comme de son côté pile (le résultat était du coup toujours particulièrement soigné). En l'occurrence, des causes différentes (principalement logistiques et budgétaires - les séries françaises ne sont pas encore passées à l'ère industrielle) donnent des effets similaires. En trois années et seulement seize épisodes, Engrenages a su faire de sa rareté un atout, proposant une écriture millimétrée, des dialogues parfaits, des intrigues à la fois complexes et solides... jusqu'alors du jamais en France (depuis non plus, d'ailleurs, si l'on excepte l'excellente et mésestimée Reporters).
Il serait tentant de présenter la série comme un programme décortiquant les rouages de la machine judiciaire - tentant et plutôt juste. C'est une interprétation plausible au titre de l'ouvrage et à sa construction ; ce n'est cependant pas la seule, et l'on sera libre d'y voir si l'on le souhaite une série dont les caractères et les situations jouent les funambules sur la minuscule frontière séparant le bien et le mal, le moral et l'immoral, la justice et la vendetta personnelle. Les engrenages du titres, ce sont aussi ceux qui entraînent les héros dans des positions de plus en plus intenables, à force de compromis avec la morale ou de décisions par trop politiques. Nous ne sommes certes pas dans The Shield, et la manière dont le jeune substitut Clément va passer de chien fou lavant plus blanc que blanc à champion des intrigues de couloir demeure assez prévisible et schématique. Néanmoins l'influence est prégnante jusque dans l'esthétisme cru de la mise en scène, la justesse psychologique incontestable... et il n'est pas interdit de supposer que le schématisme est plus dû aux trois années séparant les deux premières saisons qu'à un quelconque manque de subtilité des auteurs. Ce schématisme relève d'ailleurs plus souvent de la contrainte formelle que de la volonté de simplification, en témoigne un univers tout sauf manichéen, peuplé de méchants souvent touchants et de truands coloriés en gris. Engrenages est tout sauf une série manichéenne, si elle peut parfois céder à la facilité (comme dans le final de la première saison, qui dénouait en une demi-heure tous les problèmes d'une intrigue sans doute un peu trop corsée pour huit épisodes) c'est avant tout parce qu'elle est... française. Par bien des aspects elle fait souvent penser aux séries britanniques des années quatre-vingt-dix, qui devaient déployer des trésors d'ingéniosité pour faire oublier que leurs moyens étaient loin d'être à la hauteur de leurs ambitions. Il faut garder en tête que les débuts d'Engrenages remontent à l'hiver 2005, c'est-à-dire au moment où les séries en tant que phénomène de société hexagonal commencent à peine à faire parler d'elles. Quatre ans seulement... mais TF1 vient tout juste de découvrir le potentiel commercial des Experts (pourtant la série la plus populaire du monde depuis un bail) et Canal + est encore loin alors de se rêver en HBO français. Dans un tel contexte la première saison d'Engrenages était plus qu'un pari audacieux, d'autant que le seul de ses acteurs à être réellement connu du grand-public l'était pour son rôle dans... Sous le soleil ! (*)
Lors de la première diffusion... ce sera le choc pour beaucoup de téléspectateurs. Même les sériephages les plus expérimentés, qui en ont pourtant vu d'autres, sont obligés de noter que le pays de Navarro et Joséphine, ange gardien vient d'entrer violemment dans le vint-et-unième siècle. Atmosphère poisseuse au possible, réalisation nerveuse, écriture sur le fil... en dépit de quelques faiblesses narratives, Engrenages s'impose sans problème comme la meilleure série française depuis... toujours, peut-être. Et la saison deux, encore plus intense et réussie, ne fera que confirmer cette impression. Plus shieldienne que jamais mais ne rougissant même plus à s'inspirer de la dynamique de 24, la série gagne en nuances (de noir) ce qu'elle perd en... rien. En fait, si la note globale ci-dessous semblera trompeuse puisqu'unique, cette seconde saison est bien meilleure et s'avère en tout point irréprochable. Le dosage est notamment parfait, on n'a plus l'impression cette fois-ci que les scénaristes ont eu les yeux plus gros que le ventre. Et si le ton a sensiblement évolué vers quelque chose de plus violent et radical (quand la saison un reposait surtout sur des ressorts psychologiques), l'atmosphère n'a rien perdu de sa noirceur ni de son pouvoir de fascination. Vous vous demandiez comment une petite série française diffusée sur une chaîne payante avait pu le temps de L'Odyssée des séries se hisser au 17e rang des séries des années 2000, devant certains poids lourds américains comme Damages ou Cold Case ? Ne cherchez pas plus loin : c'est tout simplement parce qu'elle est excellente et qu'au-delà du capital sympathie qu'un programme cocorico peut se trimballer dans ce genre de classement, elle surclasse effectivement nombre des séries américaines qui l'y suivent. Quand je vous disais qu'il était facile de vous donner envie de la voir !
(*) Une rumeur prétend d'ailleurs que Grégory Fitoussi aurait été enlevé par des extra-terrestres et remplacé par un sosie... une information à mettre bien sûr au conditionnel, néanmoins c'est la seule explication qu'on ait trouvé au fait qu'il ait joué pendant des années comme une patate dans Sous le soleil, pour devenir subitement excellent dans Engrenages... euh... oui, il a pu m'arriver de regarder Sous le soleil... et là je crois qu'il est temps de fermer la parenthèse.
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Il serait tentant de présenter la série comme un programme décortiquant les rouages de la machine judiciaire - tentant et plutôt juste. C'est une interprétation plausible au titre de l'ouvrage et à sa construction ; ce n'est cependant pas la seule, et l'on sera libre d'y voir si l'on le souhaite une série dont les caractères et les situations jouent les funambules sur la minuscule frontière séparant le bien et le mal, le moral et l'immoral, la justice et la vendetta personnelle. Les engrenages du titres, ce sont aussi ceux qui entraînent les héros dans des positions de plus en plus intenables, à force de compromis avec la morale ou de décisions par trop politiques. Nous ne sommes certes pas dans The Shield, et la manière dont le jeune substitut Clément va passer de chien fou lavant plus blanc que blanc à champion des intrigues de couloir demeure assez prévisible et schématique. Néanmoins l'influence est prégnante jusque dans l'esthétisme cru de la mise en scène, la justesse psychologique incontestable... et il n'est pas interdit de supposer que le schématisme est plus dû aux trois années séparant les deux premières saisons qu'à un quelconque manque de subtilité des auteurs. Ce schématisme relève d'ailleurs plus souvent de la contrainte formelle que de la volonté de simplification, en témoigne un univers tout sauf manichéen, peuplé de méchants souvent touchants et de truands coloriés en gris. Engrenages est tout sauf une série manichéenne, si elle peut parfois céder à la facilité (comme dans le final de la première saison, qui dénouait en une demi-heure tous les problèmes d'une intrigue sans doute un peu trop corsée pour huit épisodes) c'est avant tout parce qu'elle est... française. Par bien des aspects elle fait souvent penser aux séries britanniques des années quatre-vingt-dix, qui devaient déployer des trésors d'ingéniosité pour faire oublier que leurs moyens étaient loin d'être à la hauteur de leurs ambitions. Il faut garder en tête que les débuts d'Engrenages remontent à l'hiver 2005, c'est-à-dire au moment où les séries en tant que phénomène de société hexagonal commencent à peine à faire parler d'elles. Quatre ans seulement... mais TF1 vient tout juste de découvrir le potentiel commercial des Experts (pourtant la série la plus populaire du monde depuis un bail) et Canal + est encore loin alors de se rêver en HBO français. Dans un tel contexte la première saison d'Engrenages était plus qu'un pari audacieux, d'autant que le seul de ses acteurs à être réellement connu du grand-public l'était pour son rôle dans... Sous le soleil ! (*)
Lors de la première diffusion... ce sera le choc pour beaucoup de téléspectateurs. Même les sériephages les plus expérimentés, qui en ont pourtant vu d'autres, sont obligés de noter que le pays de Navarro et Joséphine, ange gardien vient d'entrer violemment dans le vint-et-unième siècle. Atmosphère poisseuse au possible, réalisation nerveuse, écriture sur le fil... en dépit de quelques faiblesses narratives, Engrenages s'impose sans problème comme la meilleure série française depuis... toujours, peut-être. Et la saison deux, encore plus intense et réussie, ne fera que confirmer cette impression. Plus shieldienne que jamais mais ne rougissant même plus à s'inspirer de la dynamique de 24, la série gagne en nuances (de noir) ce qu'elle perd en... rien. En fait, si la note globale ci-dessous semblera trompeuse puisqu'unique, cette seconde saison est bien meilleure et s'avère en tout point irréprochable. Le dosage est notamment parfait, on n'a plus l'impression cette fois-ci que les scénaristes ont eu les yeux plus gros que le ventre. Et si le ton a sensiblement évolué vers quelque chose de plus violent et radical (quand la saison un reposait surtout sur des ressorts psychologiques), l'atmosphère n'a rien perdu de sa noirceur ni de son pouvoir de fascination. Vous vous demandiez comment une petite série française diffusée sur une chaîne payante avait pu le temps de L'Odyssée des séries se hisser au 17e rang des séries des années 2000, devant certains poids lourds américains comme Damages ou Cold Case ? Ne cherchez pas plus loin : c'est tout simplement parce qu'elle est excellente et qu'au-delà du capital sympathie qu'un programme cocorico peut se trimballer dans ce genre de classement, elle surclasse effectivement nombre des séries américaines qui l'y suivent. Quand je vous disais qu'il était facile de vous donner envie de la voir !
👍👍 Engrenages (saisons 1 & 2)
créée par Alexandra Clert et Guy-Patrick Sainderichin
Canal +, 2005-08
(*) Une rumeur prétend d'ailleurs que Grégory Fitoussi aurait été enlevé par des extra-terrestres et remplacé par un sosie... une information à mettre bien sûr au conditionnel, néanmoins c'est la seule explication qu'on ait trouvé au fait qu'il ait joué pendant des années comme une patate dans Sous le soleil, pour devenir subitement excellent dans Engrenages... euh... oui, il a pu m'arriver de regarder Sous le soleil... et là je crois qu'il est temps de fermer la parenthèse.
C'est une excellente série, il n'y a rien de plus à dire. La première saison m'avait laissé sur ma fin, la seconde est vraiment extra. Si Engrenages était un programme anglais ou américain tout le monde lui vouerait un culte.
RépondreSupprimerUne série que tu m'as fait découvrir il y a quelques années maintenant et que j'ai moi aussi revue avec grand plaisir. Je crois que la saison 3 est pour le printemps prochain, j'ai franchement hâte.
RépondreSupprimerWhhhaaaaa l'aaaauuutre, il regardait "Sous le soleil" !!!!
RépondreSupprimerCela dit je compatis, moi aussi j'ai des cousines ;-)
(et pis j'ai jamais vu un seul épisode d'Engrenages)
Lil' >>> effectivement, la première phase de tournage se termine même cette semaine.
RépondreSupprimerDahu >>> et des mères, des sœurs, des exs... :-)
Vraiment une bonne série française (comme on en fait peu). Les histoires tiennent la route, les personnages sont crédibles et attachants, les dialogues sonnent juste...mais pourquoi c'est si rare ?
RépondreSupprimerBudget, manque de personnel... les trucs classiques...
RépondreSupprimer^_^
RépondreSupprimer;-)
RépondreSupprimerVous versez dans le langage crypté maintenant ?
RépondreSupprimerLangage secret des amoureux ? ^^
RépondreSupprimerj'ai jamais regardé engrenages... mais par contre j'avais adoré Reporters. Donc si c'est du même acabit, je vais me plonger dedans. Dans le même genre (série produite par C+), il y avait le bidule sur les services secrets, avec Freiss dedans, mais dont jai oublié le nom.
RépondreSupprimeret en ce moment, C+ fait un gros foin autour d'un TVfilm réalisé par Olivier Marchal avec Nicolas Duvauchelle. Ca a l'air d'une qualité remarquable.
@ Pyrox : tu parles de Sécurité Intérieure, non ?
RépondreSupprimerLil' >>> pas du tout.
RépondreSupprimerPyrox >>> c'est au moins aussi bien que Reporters, on va dire.
Leïa >>> oui.
ah quelle série :-)
RépondreSupprimerla première saison était excellente, avec des défauts, un peu du niveau de Dammages si on veut (docn emballant mais bourré de défauts mineurs),
excellente intringue,
personnages épais, dialogue et jeu de très haut niveau,
mais avec la saison 2 on atteint vraiment le sommet.
Si on juge sur uen seule saison, je ne vois pas une seule série qui ait fait mieux. Aussi bien oui, on pourra en citer quelques unes, mais mieux que ça je ne vois pas.
Etouffant, puissant, addictif, rythmé, enlevé, je m'arrête là mais je pourrais les accumuler jusqu'à plus soif ^^
J'en vois quand même quelques unes, des saisons prises toutes seules, qui réunissent toutes ses qualités. Ne serait-ce que les premières saisons respectives de 24 et de The Shield, auxquelles Engrenages doit tellement...
RépondreSupprimerAh. Engrenages. Je te rejoins à 100% sur cette série qui a su se démarquer des Zamericains tout en s'en inspirant. Combien de fois, en regardant une serie française, me suis-je dit: "rien qu'a l'image tu vois que c'est français"? Avec Engrenages, oui il y a une image aux tons particuliers, mais tellement... comment dire? différent tout simplement. C'est très bien filmé, très bien joué, et ça reste une de mes séries préférées pour son côté "on n'a pas peur de mettre les mains dans le cambouis(ça s'ecrit comme ça???)
RépondreSupprimerCa s'écrit comme ça, oui. Avec un "s" et en laissant quelques taches ^^
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