mercredi 2 septembre 2009

La Meilleure part du Golb

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Comme c'est amusant, la place que l'on feint pendant quelques mois d'accorder à la littérature, pour mieux la laisser retomber aux oubliettes quelques semaines plus tard. Ce n'est pas par hasard si le premier édito de la saison 2009/10 commence peu ou prou comme celui de la saison précédente : nous parlons-là d'un rituel saisonnier, absurde mais vital, on ne sait pas trop pourquoi mais c'est sûr : c'est vital. Ne fût-ce cette évidence : si l'on n'avait pas la rentrée littéraire, quand est-ce qu'on sortirait des livres ? Douze mois par an ? Vous n'y pensez pas ma pauv' dame ?! Douze mois par an... mais quelle idée.

En attendant lorsqu'un étranger fait un voyage en France à cette période de l'année il est saisi par cette illusion merveilleuse : les français lisent, il y a des livres partout chez eux, leurs médias ne parlent que de ça - c'est vraiment le pays de Victor Hugo ! Hugo ? Ce pisse-copie-là aurait eu bien du mal avec la gestion saisonnière des sorties. Cela lui aurait sans doute semblé étrange. Et comme on a tous quelque chose en nous d'un peu Hugo, cela semble étrange à à peu près tout le monde, à se demander pourquoi c'est comme ça puisque 90 % des gens sont d'accord pour dire que c'est absurde. Mis à part les pontes de l'édition, on imagine. Parce que sur Le Golb, ces derniers mois, on s'est souvent moqué des pontes de l'industrie du disque, mais franchement les pontes de l'édition se paient tout autant notre pauvre tronche, nous créent tout autant de "livres évènements" artificiels, nous suggèrent tout autant implicitement ce qu'on doit lire et comment on doit le lire... à une nuance près toutefois : on leur reproche souvent d'être des pontes du marketing, ce qui est évidemment totalement faux ; vous imaginez un autre domaine dans lequel toutes les boites sortiraient tous leurs produits en même temps ? Ridicule !

Vous allez me dire : c'est pourtant bien ce qui se passe, les marques de maillots de bain sortent tous leurs nouveaux modèles simultanément. Certes. Mais il s'agit de produits estivaux. La rentrée littéraire couvre pour sa part un spectre commercial bien plus exhaustif, un livre peut être lu et aimé aussi bien en septembre qu'en mars, et il y autant de points communs entre Beigbeder, Quignard, Holder et Winckler (pour en citer quatre au pif et toutes considérations qualitatives mises à part) qu'entre une crème solaire, un pot de caviar, un bœuf bourguignon et un steak tartare (comparaison très mal choisie d'ailleurs - c'est plutôt Beigbeder qui aurait mérité d'être rattaché à un produit périssable). Et si la littérature est évidemment bien plus qu'un produit comme un autre (il paraît que nous sommes encore quelques uns à y croire), elle est assurément indigne d'une lessive pour ce qui est de sa gestion de l'agenda marketing. Six-cent-cinquante-neuf romans cette année. C'est à croire que les éditeurs rêvent de vendre à perte, surtout si l'on considère que pour une grande majorité d'habitants de ce pays, cinq livres achetés dans l'année c'est beaucoup.

(entre nous quand on sait que seuls 9 % de la population lisent plus de 20 livres par an... déjà quand on sait que le nombre référence pour différencier un grand lecteur d'un petit c'est 20, soit donc ce qu'un blogueur litté lit en un ou deux mois... vous connaissez beaucoup d'autres entreprises, vous, dont l'offre excède à ce point la demande ? Après on s'étonne que l'édition s'autoproclame en crise depuis l’Éternité, que le pilon existe... etc.)

Aussi si l'an passé j'avais essayé de faire un effort sur le sujet, je crains de me faire plus boudeur cette année. C'est que voyez-vous, en dépit d'efforts réels, je n'ai guère lu qu'une quarantaine de romans de la saison 2008-09 (ne cherchez pas plus loin pourquoi contrairement à la musique la littérature n'a pas eu droit à son petit top 20), et qu'à tout prendre je trouve plus intelligent de dispatcher mes premières lectures de la nouvelle saison sur l'ensemble des dix mois à venir. Après tout rien ne m'oblige, vous en conviendrez, à être aussi con qu'un vrai journaliste (évidemment si on me payait pour être con je ferais peut-être un effort, je ne suis pas un saint). D'autant qu'on ne peut pas dire que j'aie fait preuve d'une monumentale vista dans le premier édito de l'année passée : j'y évoquais trois livres, un nul, un bon, un chef-d'œuvre. Le nul est celui qui s'est le plus vendu ; le chef-d'œuvre (1), le moins. Inutile d'être très doué en maths ni en littérature pour comprendre que je ne suis pas doué pour sentir le grand public... comment ? Ah mais si, bien entendu ! Vous ne lisez pas les journaux ou quoi ? Le but d'un grand article de rentrée littéraire n'est aucunement de révéler des écrivains ni de défendre des coups de cœur ! Son but est de sortir des noms, des noms susceptibles de cartonner, de "marquer la saison" d'une manière qui n'est jamais autre que commerciale. On a beau critiquer parfois durement une certaine presse musicale, au moins les Inrocks ont-il la décence de ne pas confondre (pas systématiquement du moins) livre marquant et succès commercial (relatif, d'ailleurs, car à l'inverse trop de succès est mal vu, que vous vous nommiez Levy ou Teulé). Rien n'est moins littéraire qu'un article consacré à la rentrée littéraire. On y parle chiffres. Ventes. Prix (c'est la même chose, en fait). On y aligne des noms sans queue ni tête, on y évoque l'attente de tel roman de tel auteur, et plus il est connu plus son livre est attendu et plus on en parle. C'est pourquoi rien ne rend plus boudeur un amateur de littérature que ce moment de l'année où la littérature est théoriquement à l'honneur. Qu'on les interroge, ces gens, les lecteurs, dont tout le monde se fout alors qu'ils sont tout puissants. Ils vous diront tous la même chose : la rentrée littéraire, ils s'en foutent, ou pour être exact il se foutent de tout son versant commercial (un lecteur par définition ne se fout évidemment pas des livres en eux-mêmes). La rentrée littéraire a ceci de commun avec la mort de Michael Jackson que cela fait partie de ces événements médiatiques dont fondamentalement tout le public se fout, mais dont on lui parle quand même, sous prétexte que quelqu'un quelque part a décidé que ça le concernait en premier lieu. Des fois que l'info parviendrait à imprimer son cerveau pour mieux finir par atteindre son porte-feuilles. Entre nous on le cherche encore, ce lecteur fabuleux qui achèterait ne serait-ce qu'un quart de tous ces livres qui sortent entre août et octobre. Et s'il existe, espérons qu'il aura glissé l'an passé dans son escarcelle l'excellent premier roman de Tristan Garcia, La Meilleure part des hommes.

Notez comme ça fait bizarre, cette évocation à contre-temps. Il y a un an vous avez bouffé du Garcia à toutes les sauces ; aujourd'hui, vous froncez les sourcils pour essayer de vous rappeler de qui il s'agit. Voyez comme l'industrie du livre est cannibale - bien plus encore que celle du disque. Au moins un album, même s'il ne se vend pas ou pas assez, vous avez la possibilité d'en réentendre parler durant l'année qui suit, au hasard des découvertes de programmateurs radios, de concerts ou d'un buzz subit. L'écrivain, vous pouvez lire des articles chaque semaine sur lui pendant trois mois, il ne s'en volatilisera pas moins jusqu'à sa prochaine publication. Personne ne sait vraiment ce que les stars de la rentrée littéraire font les neuf autres mois de l'année - et tout le monde s'en fout, d'ailleurs. De fait, ce n'est non seulement pas avec regret que j'évoque La Meilleure part des hommes un an après sa sortie, mais même avec une certaine fierté : si l'ouvrage est commercialement mort pour ses promoteurs depuis approximativement janvier 2009, son chant torturé et épique (si si) continuera longtemps de résonner. Il s'est bien vendu ; il aurait cependant dû se vendre deux fois plus. Les Français, il faut bien le dire, sont des gens étranges : ils exhortent sans cesse leurs auteurs nationaux à sortir du nombrilisme pour livrer des romans romanesques et les yeux grands ouverts sur leur époque ; et quand l'un d'entre eux (les écrivains) le fait, vous pouvez être sûr que la moitié d'entre eux (les Français) le boudera sous le fallacieux prétexte qu'il serait soit trop parisien, soit trop branché, soit trop surestimé par la critique - les trois à la fois étant fréquents. Vaste blague ! Mais comment s'en étonner ? Tout dans le traitement de la rentrée littéraire concourt à écœurer la cible dudit traitement. Bien sûr, le matraquage peut marcher sur les 25 % de gens qui lisent entre 0 et 20 livres par an (et qui constituent la principale cible du système promotionnel). Mais sur les 9 % susnommés, ça n'a ni plus ni moins que le même effet que le matraque radio chez les quelques vrais passionnés de musique qui composent le pays. Même si ce n'est pas forcément un mauvais titre (bon... ça l'est souvent, soit), ça irrite au plus haut point. D'ailleurs j'ai remarqué depuis longtemps que plus la presse parlait d'un bouquin, moins les blogs de lecture en parlaient.

Du coup la pire vacherie à faire à Tristan Garcia, c'était d'en faire le chouchou de la précédente rentrée littéraire (2). Pourquoi d'ailleurs ai-je mis un an à lire son bouquin... sinon justement pour ça ? Lire la Meilleure part des hommes un an plus tard, je vais vous dire : voilà un vrai geste de citoyen de la République des Lettres. Un acte de résistance contre une industrie qui essaie de nous faire croire implicitement qu'un roman - ce mot si banal et qui pourtant charrie tant de choses sublimes - est un produit périssable dont la durée de vie ne dépasse pas une poignée de mois en grand format plus une poignée de mois en poche. Ma recommandation de rentrée littéraire ? Lisez ce livre de l'an dernier (en plus vous pourrez aisément le trouver d'occasion), voyez la minutie de la reconstitution, la justesse du propos et le regard pénétrant et acerbe que Garcia jette, l'air de ne pas y toucher, sur la fin du siècle dernier. Malgré un habile retour en arrière, c'est bien de notre époque qu'il nous parle - et avec quelle intelligence! Bon, bien sûr... vous avez le droit de vous laisser abuser cinq minutes par les buzz divers et variés. C'est humain. J'ai bien lu le Beigbeder, moi (mais pas acheté, soyons raisonnable : je n'achète que des livres de la saison dernière, question de principe)...

... hein ? Quoi ?...

... oh non, écoutez. Non. Je sais que vous voulez mon avis sur la polémique et tout ça, l'histoire de l'autocensure ou je ne sais quoi... mais non, quoi. Je me doute de ce que vous pensez : Thomas qui ne parlerait pas de la polémique de la rentrée littéraire ce serait pas normal, ce serait pas une vraie rentrée, on attend la reprise des éditos depuis juin alors merde - qu'il nous en donne pour notre argent ! Un peu de méchanceté gratuite, merde. En plus c'est Beigbeder, ça va pas être bien fatigant.

Bah oui, mais non. Je ne vous dirais rien. Désolé.

...

...

Bon allez d'accord - mais c'est bien parce que vous insistez. Donc cette polémique, bien résumée par cet article du Figaro (Putain, Thomas qui nous cite le Figaro, mais c'est pas possible, c'est pas une rentrée...) Bien entendu, je n'en pense rien et m'en fous un peu. Je dis bien entendu car vous aurez sans doute noté que toute personne s'apprêtant à faire deux pages sur un tel sujet se doit de commencer par préciser qu'il s'en fout et qu'il y a des choses plus importantes (et elle fait bien, la personne, car évidemment si elle ne le disait pas on aurait du mal à le deviner). Donc comme la plupart des gens je me fous de cette polémique mais comme la plupart des gens je vais en parler quand même - ne m'en veuillez pas, j'ai déjà loupé la mort de Jackson et le malaise de Sarkozy (on ne peut pas dire que je ne fasse pas d'efforts). D'ailleurs là, je mens comme un arracheur de dents (expression que je n'ai ceci dit jamais vraiment pu comprendre...) : je ne m'en fous pas du tout de cette polémique. On parle quand même d'une affaire touchant plus ou moins à l'(auto)censure, c'est pas une vulgaire affaire de plagiat (ahah) ou de passage pornographique (ohoh) ou d'auteur couchant avec une star (hihi). Alors forcément, ça m'intéresse un peu - quand bien même l'article du Figaro susnommé a raison sur un point précis : ce qui est surtout très drôle dans cette histoire c'est qu'on voit mal en quoi le passage incriminé aurait pu prêter le flanc à des poursuites (il ne s'agit ni de diffamation ni même vraiment d'injure publique à particulier... à plus forte raison parce l'individu en question est un personnage public mis en cause dans le cadre de ses fonctions). Il est tout à fait juste de dire ce que toutes les personnes se foutant de la polémique mais en parlant quand même ont dit, à savoir que ce passage (à l'image du livre dans son ensemble) n'a rien de bien sulfureux ni subversif. Il est encore plus exact de laisser entendre qu'en théorie il n'y a pas d'affaire, puisque l'auteur semble avoir rectifié le bouquin de son plein gré (un peu poussé aux fesses par son éditeur quand même).

Néanmoins dire cela c'est ne rien dire non seulement de l'affaire elle-même, mais aussi de notre époque et du contexte actuel. A la limite c'est même ne rien dire du tout. Nul besoin en 2009 d'être subversif pour que la foudre vous tombe sur la tête. Eric Naulleau, ce mec à peu près aussi sulfureux que Cali, le prouve chaque samedi soir depuis un moment. Nous vivons dans un monde si consensuel et policé qu'il n'est en rien nécessaire d'être Céline ou Bloy (pour reprendre les exemples du résumé) pour créer une polémique, j'en crée moi-même régulièrement et pourtant tout le monde sait que je suis plutôt un gentil garçon. C'est tout le paradoxe de la France en 2009 : en apparence on peut tout dire, on a tous les droits, on nous cuisine la liberté d'expression à toutes les sauces... mais si X déclare à la télé que Y est un con, on en parle pendant trois semaines. Et si d'aventure un mec a la folie de briser le traintrain de la promotion en disant des choses négatives... il devient l'ennemi médiatique numéro un, déclenchant l'ire aussi bien des lecteurs de Télé7Jours (qui le trouvent horrible et odieux) que des intellos (qui le trouvent vendu). (3)

Au-delà du fond de la polémique, ce qui m'a surtout étonné, comme souvent, c'est donc la manière dont la machine médiatique a déraillé. D'abord en faisant monter la mayonnaise (car quoiqu'en disent nos si géniaux journalistes, sans eux cette affaire n'existerait pas), ensuite en changeant d'avis aussi sec via pléthore d'articles remettant en cause le bien fondé de la même affaire et laissant entendre de manière plus ou moins explicite qu'il s'agirait d'un coup marketing (encore l'article du Figaro s'encombre-t-il de points d'interrogations, limite raisonnable que d'autres auront allègrement franchi). Ce qui, tout de même, est un comble : on n'a jamais vu un buzz se faire sans des médias consentants. Or j'ai beau le savoir, je reste toujours étonné de voir tant de gens adopter de manière naturelle et presqu'unanime une opinion a priori qu'ils seraient bien en peine de justifier si on le leur demandait. Comme si Beigbeder a été un roi de la com était un argument en quoique ce soit. Ce n'est pas parce qu'il y a des pompiers pyromanes que tous les pompiers sont des pyromanes - ni même que tous les pyromanes sont des pompiers frustrés. L'auteur de 99 francs a beau s'être souvent comporté comme un âne, on ne crie pas haro sur le baudet (on se demande entre nous à quoi ça sert de nous faire apprendre les fables de La Fontaine à l'école si devenus adulte nous n'en retenons pas une seule des morales...)

Mieux encore : à lire tous ces articles on jurerait que les les pressions politiques et/ou juridiques sur ce genre de sujet n'existent pas et qu'elles ne sont pas monnaie courante. Je sais bien que certains journalistes, parfois, ont un côté ravis de la crèche qui les rend attendrissants. Enfin de là à faire semblant de ne pas savoir que oui, les passages de livres réécrits pour des raisons extra-littéraires, ça existe... quand même ! Faire comme si personne n'avait jamais lissé qui un livre, qui un article, qui un reportage... pour éviter des problèmes... il y a même des livres entiers qui sont sacrifiés sur l'autel du principe de précaution politico-juridique. La censure relève d'un procédé différent (et Beigbeder, ironie du sort, n'a pas prétendu être censuré) ; de là à juger impensable que l'éditeur X ait demandé à l'auteur Y de changer un passage d'un livre pour ne pas froisser Monsieur Z-qui-est-puissant, il y a une marge considérable - je le dis d'autant plus sereinement que s'il est aisé de dire que les pages de Beigbeder relèvent de provocations de bac à sable... personnellement, j'y réfléchirais à deux fois avant d'insulter publiquement un procureur de la République (4) Un éditeur qui propose d'enlever un passage même pas bien grave avant même qu'il y ait problème, juste pour ne pas "déranger" tel ou tel... ça n'a rien d'inédit. Pourquoi faire comme tel alors ?

Aussi au-delà du fond de la polémique, sur lequel je n'ai évidemment pas plus d'avis ni d'information que tous ceux qui prétendent en avoir, en ce qui concerne la seule forme... quel délit de faciès manifeste de la part de nombre de commentateurs ! Ce n'est pas parce que cela vient de Beigbeder que c'est nécessairement une manipulation médiatique, et si je sais pas moi, Eric Holder avait déclaré la même chose mot pour mot... nul doute que tout le monde se serait senti plus concerné (y compris ceux - nombreux - qui n'ont pas la moindre idée de qui est Eric Holder) et l'aurait accueilli avec bien moins de cynisme - on serait même sans doute tombé dans l'excès inverse : la polémique aurait enflé sans qu'on s'interroge le moins du monde sur son bien-fondé (la conscience, la bienveillance, tout le monde le sait, sont des notions à géométrie variable dans l'univers des lettres). Faut-il vraiment que Beigbeder soit profondément détesté par certains "critiques" ou prétendus comme tels pour que d'aucuns en soient réduits à juger avec complaisance, dédain et amusement d'une anecdote comme celle-ci... ce genre d'attitude est cynique et mesquine ; elle est totalement contre-productive, en plus (elle crée le buzz en voulant le pourfendre alors qu'il n'existe pas) ; elle est enfin particulièrement glissante. Rappelons que nous vivons dans un pays où l'on peut encourir des poursuites pour avoir traité le Président ou un ministre de "con" sur une banderole ou dans un commentaire sur le Net. Croire que ce que raconte Beigbeder est impossible et lui reprocher à lui d'avoir fait preuve de naïveté, c'est soi-même faire preuve d'une naïveté déconcertante. S'il est bien une chose que des années à traîner sur le Net m'ont appris, c'est que personne n'est à l'abri d'une polémique, que personne n'est à l'abri d'un procès en diffamation ou de voir sa liberté d'expression réduite d'une manière au d'une autre. Chaque fois que j'écris un édito touchant de près ou de loin à ce genre de sujet, je me relis quarante fois, je réécris toutes les phrases trois fois, j'affine le propos le plus possible. Si un simple commentaire sur youtube peut entrainer des poursuites, qu'en est-il d'un édito sur un blog, et qu'en est-il d'un livre ? Notre société et notre époque sont comme ça. Et même lorsque c'est un bouffon qui va au charbon, j'ai du mal à rigoler de cette liberté d'expression dont tout le monde se gargarise alors qu'elle est le plus fragile et le plus relatif de nos acquis.


(1) La Traversée du désert, d'Isabelle Jarry... accessoirement le meilleur livre de la saison à égalité avec le tout aussi chef-d'œuvrisme The Given Day, de Dennis Lehane.

(2) Oh putain ! Je viens de voir par hasard qu'il avait eu en plus le Prix de Flore... mais enfin : pourquoi tant de haine ?!

(3) Encore un bel exemple ces derniers jours avec Mélissa Theuriau sur qui s'abat la foudre pour... quoi au fait ? Ne pas avoir servir la soupe à un ministre ? Avoir fait ce qu'aucun journaliste télé n'a généralement les cojones de faire ? Quel crime - que dis-je : quel scandale !...

(4) Quand on voit ce qui peut arriver pour avoir traité un simple flic de con (ce qui m'est arrivé), je ne préfère pas imaginer le bordel avec un procureur... Mais allez-y, hein, tous ceux qui pensent que c'est facile ( ce mot qui ne veut rien dire), allez-y hein, allumez un procureur sur vos blogs et sites respectifs, puisqu'à vous croire c'est limite la moindre des choses...). Moi ce que j'ai toujours trouvé facile, c'est de moquer le courage des autres, aussi dérisoire et pathétique qu'il puisse sembler parfois.
...

32 commentaires:

  1. Quelle somme. Vous avez été privé d'édito pendant deux mois, vous, non ?

    ;-)

    Très bon texte (comme d'habitude). Je suis d'accord sur les grandes lignes. C'est amusant ce que vous dites à la fin : j'ai lu quelques articles sur des blogs, à propos de l'histoire avec Beigbeder, qui disaient tous, peu ou prou, ce que vous moquez. Mais ce qui était vraiment révélateur, c'étaient les commentaires, où se multipliaient les remarques sur "le sous-écrivain" (ce que je pense, aussi, d'ailleurs), comme si cela avait la moindre importance, en l'occurrence.

    Encore une fois, le Golb tape fort, pour la rentrée !

    BBB.

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  2. Tu savoures des bouquins un an après leur sortie...mais pourquoi donc écoutes tu des disques des mois avant leur sortie?

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  3. Tu savoures des bouquins un an après leur sortie...mais pourquoi donc écoutes tu des disques des mois avant leur sortie?

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  4. Je ne vois pas le rapport... déjà les disques que j'écoute des mois avant la sortie doivent représenter à peu près 1 % de ce que j'écoute (peut-être même moins ! vérifie les chroniques du Golb et les dates de sortie des albums, tu constateras toi-même que tu dis... n'importe quoi, ou pas loin ^^).

    Ensuite ce n'est pas du tout la même chose. La rentrée littéraire, c'est comme si 80 % des albums de 2009 sortaient tous la même semaine. Si une telle rentrée musicale existait, nul doute que je n'écouterais certains disques qu'un an voire deux ou trois après leur sortie. Et puis écouter un disque.

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  5. > "je mens comme un arracheur de dents (expression que je n'ai ceci dit jamais vraiment pu comprendre...)"

    Mais non, mon cher monsieur, rassurez-vous, c'est sans douleur (... dit l'arracheur de dents).
    ;-)

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  6. Un mot : merci ! Quel plaisir de retrouver les éditos du Golb. Les vacances commençaient à être longues !

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  7. Cet article est excellent, mon avis exactement sur la rentrée littéraire. D’ailleurs, ce qu'il y a de bien en septembre, c'est qu'on peut acheter les poches de la rentrée précédente : j'attends donc la sortie de La meilleure part des hommes en poche :-)

    Par contre, au sujet de Beigbeder, je ne te suis pas complètement. Dieu sait que je trouve la presse littéraire nulle, mais pour une fois on ne peut pas reprocher aux journalistes de ne pas avoir gobé tout cru l’histoire qu’on leur servait.

    Qu’ils aient eu envie de se faire Beigbeder, j’y crois pas trop non plus. Son livre a eu d’excellentes critiques un peu partout - ce qui fut loin d’être le cas de son précédent opus.

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  8. Assez partagé sur la partie Beig. Une part de moi est d'accord avec Emma ; l'autre s'étonne, tout comme toi, de cette capacité à juger "a priori", sans argument précis. Je ne sais pas. Ce qui est certain c'est qu'au moins, sur le pourfendage de buzz, la presse a tout de même fait preuve d'une certaine hypocrisie, vu le nombre de buzzes qu'elle nous vend à longueur d'années, sans jamais prendre la peine de faire son autocritique.

    Bonne journée.

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  9. Le plus bel allumage de rentrée de littéraire que j'ai jamais lu ;)

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  10. (3) Quand on voit ce qui peut arriver pour avoir traité un simple flic de con (ce qui m'est arrivé)

    Thom... ôte moi d'un doute... Tu n'es pas flic dans la vraie vie quand même !? ;-)

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  11. Article jubilatoire. J'aime beaucoup l'idée de la résistance en achetant un an plus tard...

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  12. Excellent article, tout est dit sur la rentrée littéraire... c'est drôle, et tellement vrai... idem sur "l'affaire Beigbeder"...

    Du coup, je n'ai rien à ajouter... ah si, juste une question qui me taraude, tout de même... comment as-tu pu relire 40 fois cet article et laisser passer "Mais il s'agit de aux produits estivaux." ?
    Merci de bien vouloir ajouter le mot manquant, que cet article soit vraiment parfait...

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  13. Sinon au fait, tu as dit que tu l'avais lu Beigbeder mais tu vas en faire une critique (bah oui j'aime bien Beigebeder même si BBB. va se moquer de moi ;)

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  14. Zaph >>> merci pour cet éclaircissement ;-)

    Serious >>> la critique est déjà prête...

    Emma & Bloom >>> sur Beigbeder, entendons-nous bien : je ne reproche pas à la presse d'avoir été méfiante, pour une fois. Je lui reproche :

    a) de ne pas avoir été méfiante durant les 14 000 buzz précédents.

    b) de ne pas faire preuve de plus de discernement lorsqu'elle est "pour" que "contre", de ne pas... se comporter de manière un peu plus sérieuse en prenant quelques précautions quand elle affirme de manière péremptoire que tout ceci est un coup marketing (ce dont absolument personne n'a su apporter la moindre preuve ni le moindre début d'argument). Et sur le Net... c'est encore pire.

    Qu'il y ait une volonté de se faire Beigbeder... je ne le crois pas non plus. En revanche qu'on ait traité avec une certaine désinvolture cette histoire sous prétexte qu'elle venait d'un bouffon dont on aime se moquer, j'en suis convaincu. La même histoire raconté par un auteur sérieux aurait eu un retentissement totalement différent.

    Bref : tout est affaire de nuances. Entre soupçonner le coup monté et accuser quelqu'un d'avoir fomenté un coup monté, il y a une marge ; de même qu'il y a une marge entre fustiger une certaine instrumentalisation de justice d'une part, et faire comme si les histoires de manuscrits "lissés pour ne pas déranger" n'existaient pas. A lire certains papiers (surtout sur la presse web) on peut réellement s'interroger sur la connaissance que leurs auteurs ont du milieu qu'ils évoquent.

    Alf >>> Dieu m'en préserve ! Et d'ailleurs j'en profite pour préciser que je n'ai rien contre les flics, même si je ne les aime pas particulièrement. Moi-même, j'ai un très bon ami flic, mais bon lui c'est un peu différent :-)

    G.T. >>> c'est corrigé... cependant permets-moi de te dire que tu as vraiment pris ton job de correcteur par-dessus la jambe, en relisant à l'instant j'ai trouvé pas moins de six fautes de frappes. Après comment j'ai pu relire l'article 40 fois et les laissés passer... la réponse est dans la phrase que tu cites : c'est justement parce que j'ai réécrit trois fois chaque phrases que certains mots des précédentes versions ont réussi à se glisser dans la définitive ;-)

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  15. Je suis un cliché absolu : je trouve que le cirque fait par Beigbeder est franchement inutile, et je ne lis des livres de la rentrée que lors de leur sortie (enfin, j'ai fait ça l'année dernière... et vais le refaire cette année), et pour beaucoup c'était uniquement parce qu'il s'agissait de livres de la rentrée, et que comme je n'en lis jamais d'habitude, je voulais y jeter un oeil.

    Si je te dis que j'ai quand même acheté "La traversée du désert" il y a un an et que je vais donc le lire bien après sa date de péremption théorique, je suis sauvée ? ;o)

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  16. @ Serious Moon : "même si BBB. va se moquer de moi"

    Mais non, voyons. Qui n'a pas sa petite faiblesse ?

    ;-)

    BBB.

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  17. Quelle question. Thomas, pardi !

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  18. Lilly >>> ouais, ça ira ;o)

    BBB. & Lil' >>> ça va, vous vous amusez bien ? :-)

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  19. Cet article n'est au fond pas du tout polémique ni subversif, puisqu'en fait il expose juste un bon sens qu'étrangement personne ne semble doté.

    En tout cas, c'est vraiment agréable de lire un tel article de fond. Nul doute que l'industrie littéraire est encore à mille lieux de l'industrie musicale, en particulier au niveau de son approche marketing d'un autre temps. Le concept de rentrée littéraire est absurde, tout le monde le sait, tout le monde le dit, mais cette petite mascarade correspond bien à ce milieu (cf "Cendrillon" D'Eric Reinhardt). Et puis, diable, pourquoi s'obstiner à sortir autant de lives alors qu'il faudrait déjà deux vies pour lire l'intégralité des romans importants du patrimoine "littéraire" mondial.

    En tout cas, je suis impressionné lorsque tu dis arriver à lire une vingtaine de roman par mois/2 mois. Perso entre le taf, la sique, le cinéma, les séries, les différents projets pro, et les potes, mon rythme de lecture à tendance à s'abaisser à deux bouquins par mois :(

    Pour Beigbeder, la presse s'ennuie comme d'habitude et doit générer de l'article "people" tout en donnant l'illusion d'aborder des problèmes de fond pour ne pas perdre sa crédibilité. Des contraintes économiques qui lui sont imposées au vu du contexte actuel du secteur.

    Bon j'écrirais bien plus longtemps sur cette problématique mais au fond tu as déjà tout dit.

    Merci pour cette lecture !

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  20. Assez dac avec Benjamin. Mais justement, cela illustre très bien ce que dit Thomas quand il dit qu'il n'est pas besoin d'être Céline ou Bloy pour énoncer une pensée en marge. Quand le bon sens devient pensée minoritaire c'est inquiétant :)

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  21. (je voulais dire qu'il n'est plus besoin)

    (mais d'ailleurs l'ironie c'est que Céline et Bloy auraient sans doute bien du mal à exister dans une telle époque)

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  22. Benjamin >>> tu as absolument raison ; je n'ai d'ailleurs pas cherché une seconde à écrire un truc polémique ni subversif. Comme le dit Serious , à quoi bon essayer d'être subversif si déjà en étant soi-même et en faisant preuve de bon sens élémentaire on se retrouve à nager à contre-courant ?... cette remarque pourrait d'ailleurs définir même pas seulement cet article, mais la quasi totalité des éditos publiés sur Le Golb depuis deux ans...

    En ce qui concerne le nombre de livres... bof, j'ai toujours fait comme ça, mais en contre-partie il y a plein de choses que je ne fais pas. Par exemple aller au théâtre ne m'arrive qu'une fois par an, et c'est très rare que je vois des films autrement qu'en dvd (je ne suis d'ailleurs pas un grand cinéphile, si mes articles sur les séries ont jamais démontré quelque chose c'est sûrement que la cinéphilie et la sériephilie sont des choses très différentes :-D).

    Enfin concernant les "contraintes actuelles du secteur"... c'est sûrement cela. D'un autre côté j'ai du mal à ne pas sourire ; ça fait dix ans que j'ai le même rapport amour/haine pour le milieu littéraire, et en dix ans je n'ai pas vu un seul éditeur qui ne me dise que l'édition est en crise (il est probable que la phrase remonte en fait à la nuit des temps). Je n'ai jamais su si c'était vrai ou non ; ce qui est certain c'est que vu comme elle s'auto-sature elle ne fait rien pour sortir d'une "crise" par bien des côtés fort commode (j'y reviendrai sûrement dans un prochain article).

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  23. Merci bien pour ton sponsoring pour le DBBT09!
    J'espère que cela va ramener du monde, surtout que les premiers participants se sont arraché les pires albums, il ne reste donc que les meilleurs ;)

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  24. Mais de rien, cher ami, de rien ^^

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  25. Quoi ? Tu vuex dire que je peux vraiment relever toutes les fautes ? Parce que je n'ai pu m'en empêcher pour celle-là - qui m'irritait puisqu'il me manquait un mot - mais fais gaffe, tu sais que tu vas ouvrir la boîte de Pandore en me tendant cette perche...
    J'étais arrivé à me soigner un minimum, en lisant régulièrement le blog truffé de fautes de *******... tu risques de me faire replonger :-)

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  26. Mais enfin... tu sais très bien que tu as toujours eu ce droit ! Après si ton médecin est d'un autre avis... moi, ça ne me regarde pas ;-)

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  27. et moi qui n'osais pas te dire qu'il manquait un mot sûr que tu le verrais avant publication... ;-))

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  28. En même temps toi tu récupères souvent les versions non-relues et non-corrigées :-)

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  29. Je viens de voir la vidéo que tu mets en lien avec Theuriau et Hortefeux. Effecttivement je ne vois absolument pas de quoi polémiquer. La journaliste reste tout à fait calme et correcte, elle fait son boulot et le fait bien. D'autant plus qu'en face, Hortefeux fait lui meme très bien son boulot. On a là un débat avec des conceptions qui s'opposent et permettent à chacun de se positionner (meme si évidement, coté politique, il y a le minimum légal de langue de bois). Bref c'est au contraire une interview comme toutes devraient l'etre. Comme tu le soulignes, on est plus habitué, et ce qui est normal choque aujourd'hui certains...

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  30. C'est vrai que c'est une illustration à mon propos qui tombe à pic...

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