[Article déjà paru sur Culturofil] Le retour de Mano Solo est toujours un moment particulier. Pour votre serviteur bien sûr, qui nourrit pour lui une admiration sans bornes depuis environ 1994 et a eu l'impression, modestement, d'avoir grandi à ses côtés. Mais aussi dans l'absolu. Mano Solo est unique, et ce qui est une lapalissade accolé à n'importe quel artiste prend tout son sens avec lui.
Il y a toujours une émotion particulière à poser un nouvel album de Mano sur la platine. D'abord bien sûr parce qu'ils se font rares (celui-ci n'est que le septième), et que tout ce qui est rare... vous connaissez la suite. Surtout il y a chaque fois cette sensation de retrouver un vieil ami qu'on n'aurait pas vu depuis un bail, de prendre de ses nouvelles en vidant quelques verres. Un disque de Mano Solo, c'est toujours plus que de la musique et des chansons, et c'est sans doute ce qui explique aussi bien son côté marginal sur la scène française que la fidélité quasi indéfectible de son public. Un public protéiforme, bigarré, pas forcément composé d'inconditionnels de chanson française et transversal comme la musique de Mano – c'est-à-dire dépassant les genres et les chapelles. Voilà bien longtemps dans le fond qu'on a renoncé à rêver de le voir vendre des palettes d'albums, de même qu'on n'essaie plus vraiment de le comparer à une concurrence inexistante ; seul sur le créneau des porteurs du flambeau ferréien, Mano Solo est devenu au fil des années un de ces artistes cultes dont on se passe les disques entre amis proches, que les médias feignent d'ignorer parce qu'à vrai dire ils ignorent comment en parler et que l'on écoute religieusement avec ce sentiment rare qu'il s'adresse directement à nous – rien qu'à nous.
On l'avait laissé il y a deux ans et demi en pleine tentative de coproduction avec son public, luttant dans une belle entreprise sans doute trop en avance sur son temps. C'était In the Garden, album étrange aux airs de somme qui le montrait s'acoquinant avec l'ex-Mano Negra Daniel Jamet et qui assurément aurait mérité meilleur accueil que celui qu'il reçut alors. C'est que le bon côté des artistes dont l'art et la vie sont intrinsèquement liés, c'est que leur dernier album est toujours leur plus personnel et leur plus abouti. Pas de grande surprise, donc, au moment de découvrir Rentrer au port : on reste dans la même lignée, celle d'un Mano semblant renouer progressivement avec une certaine chanson réaliste dont il avait paru se lasser un peu il y a une dizaine d'années. S'il serait assurément injuste de le réduire à cela, reconnaissons toutefois que Rentrer au port est sans doute de tous les albums récents de son auteur celui qui se rapproche le plus de ce qu'il produisait à ses débuts.
Sans doute un poil plus monochrome que les précédents, il s'ouvre sur trois chansons exceptionnelles : "J'avance" (comme un écho lointain au "Je taille ma route" d'antan), "Rentrer au port" (qui brode une complainte fascinante sur une structure reggae) et "Des années entières" (une de ces ballades poignantes dont seul Mano détient le secret). Le ton est donné. Si l'on peut avoir à la première écoute la sensation que Rentrer au port est un peu plus austère qu'In the Garden ou Les Animals, renforcée qui plus est par l'absence de morceau aussi « tubesques » qu'un "Du vent" ou un "Aimer d'amour"... c'est une impression qui se dissipe assez rapidement – et l'album de révéler au fil des écoutes l'étendue de sa richesse. C'est ici un accordéon tourbillonnant en parfaite harmonie avec la voix ("Les Enfants des autres"), là un break jazz inopiné ("Pantin"), ici encore un blues déguisé en chanson française ("Tu m'as vu")... le résultat est paradoxal : à la première écoute on se dit que le texte a plus que jamais pris le pas sur les musiques ; dix passages plus tard on a acquis la conviction exactement inverse – rarement album de Mano Solo aura semblé si travaillé et soigné dans les arrangements ou l'orchestration. Et rarement (voire jamais) la musique aura à ce point été si fluide, si évidente. Soutenu pour la première fois depuis longtemps par un véritable groupe dont la part est loin d'être négligeable tant le piano de Fabrice Gratien ou l'accordéon de Régis Gizavo occupent l'espace sonore, Mano parvient même à redessiner son univers en se découvrant une nouvelle patte tout à fait personnelle et illustrée par l'utilisation subtile des guitares de Jamet (c'est frappant sur "Les Enfants païens" ou "Les Chevaux d'Aubervilliers", morceaux semblant réellement creuser un sillon ouvert en 2007 par un titre comme "Les Endurants").
Et si plutôt qu'une somme In the Garden avait été il y a deux ans le prologue à un nouveau chapitre ? En en livrant avec Rentrer au port une version encore plus cohérente et aboutie, c'est l'impression que donne un Mano Solo qu'on a rarement vu (entendu) aussi à l'aise dans un registre. Un instant se profile la tentation de parler d'accomplissement – tentation immédiatement balayée d'un revers de main ; avec Mano Solo comme avec certains des plus grands artistes anglo-saxons, chaque album est de toute façon un accomplissement.
Il y a toujours une émotion particulière à poser un nouvel album de Mano sur la platine. D'abord bien sûr parce qu'ils se font rares (celui-ci n'est que le septième), et que tout ce qui est rare... vous connaissez la suite. Surtout il y a chaque fois cette sensation de retrouver un vieil ami qu'on n'aurait pas vu depuis un bail, de prendre de ses nouvelles en vidant quelques verres. Un disque de Mano Solo, c'est toujours plus que de la musique et des chansons, et c'est sans doute ce qui explique aussi bien son côté marginal sur la scène française que la fidélité quasi indéfectible de son public. Un public protéiforme, bigarré, pas forcément composé d'inconditionnels de chanson française et transversal comme la musique de Mano – c'est-à-dire dépassant les genres et les chapelles. Voilà bien longtemps dans le fond qu'on a renoncé à rêver de le voir vendre des palettes d'albums, de même qu'on n'essaie plus vraiment de le comparer à une concurrence inexistante ; seul sur le créneau des porteurs du flambeau ferréien, Mano Solo est devenu au fil des années un de ces artistes cultes dont on se passe les disques entre amis proches, que les médias feignent d'ignorer parce qu'à vrai dire ils ignorent comment en parler et que l'on écoute religieusement avec ce sentiment rare qu'il s'adresse directement à nous – rien qu'à nous.
On l'avait laissé il y a deux ans et demi en pleine tentative de coproduction avec son public, luttant dans une belle entreprise sans doute trop en avance sur son temps. C'était In the Garden, album étrange aux airs de somme qui le montrait s'acoquinant avec l'ex-Mano Negra Daniel Jamet et qui assurément aurait mérité meilleur accueil que celui qu'il reçut alors. C'est que le bon côté des artistes dont l'art et la vie sont intrinsèquement liés, c'est que leur dernier album est toujours leur plus personnel et leur plus abouti. Pas de grande surprise, donc, au moment de découvrir Rentrer au port : on reste dans la même lignée, celle d'un Mano semblant renouer progressivement avec une certaine chanson réaliste dont il avait paru se lasser un peu il y a une dizaine d'années. S'il serait assurément injuste de le réduire à cela, reconnaissons toutefois que Rentrer au port est sans doute de tous les albums récents de son auteur celui qui se rapproche le plus de ce qu'il produisait à ses débuts.
Sans doute un poil plus monochrome que les précédents, il s'ouvre sur trois chansons exceptionnelles : "J'avance" (comme un écho lointain au "Je taille ma route" d'antan), "Rentrer au port" (qui brode une complainte fascinante sur une structure reggae) et "Des années entières" (une de ces ballades poignantes dont seul Mano détient le secret). Le ton est donné. Si l'on peut avoir à la première écoute la sensation que Rentrer au port est un peu plus austère qu'In the Garden ou Les Animals, renforcée qui plus est par l'absence de morceau aussi « tubesques » qu'un "Du vent" ou un "Aimer d'amour"... c'est une impression qui se dissipe assez rapidement – et l'album de révéler au fil des écoutes l'étendue de sa richesse. C'est ici un accordéon tourbillonnant en parfaite harmonie avec la voix ("Les Enfants des autres"), là un break jazz inopiné ("Pantin"), ici encore un blues déguisé en chanson française ("Tu m'as vu")... le résultat est paradoxal : à la première écoute on se dit que le texte a plus que jamais pris le pas sur les musiques ; dix passages plus tard on a acquis la conviction exactement inverse – rarement album de Mano Solo aura semblé si travaillé et soigné dans les arrangements ou l'orchestration. Et rarement (voire jamais) la musique aura à ce point été si fluide, si évidente. Soutenu pour la première fois depuis longtemps par un véritable groupe dont la part est loin d'être négligeable tant le piano de Fabrice Gratien ou l'accordéon de Régis Gizavo occupent l'espace sonore, Mano parvient même à redessiner son univers en se découvrant une nouvelle patte tout à fait personnelle et illustrée par l'utilisation subtile des guitares de Jamet (c'est frappant sur "Les Enfants païens" ou "Les Chevaux d'Aubervilliers", morceaux semblant réellement creuser un sillon ouvert en 2007 par un titre comme "Les Endurants").
Et si plutôt qu'une somme In the Garden avait été il y a deux ans le prologue à un nouveau chapitre ? En en livrant avec Rentrer au port une version encore plus cohérente et aboutie, c'est l'impression que donne un Mano Solo qu'on a rarement vu (entendu) aussi à l'aise dans un registre. Un instant se profile la tentation de parler d'accomplissement – tentation immédiatement balayée d'un revers de main ; avec Mano Solo comme avec certains des plus grands artistes anglo-saxons, chaque album est de toute façon un accomplissement.
👍👍 Rentrer au port
Mano Solo | Wagram, 29/09/2009
Ca m'a toujours beaucoup beaucoup ennuyé Mano Solo, mais je doute pas qu'il ait son utilité du point de vue sociale :)
RépondreSupprimerScélérat !
RépondreSupprimerHâte qu'il sorte!
RépondreSupprimerJ'ai entendu un extrait je ne sais plus où (sur son myspace peut-être) j'ai trouvé ça vraiment très bien.
RépondreSupprimerCa l'est !
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