Régulièrement célébrée par les référendums de séries comme l'une des toutes meilleures de tous les temps, Oz est pourtant loin d'être la plus évidente, ce qui en dit long sur sa qualité - parvenir à fédérer autant le public et à être aussi populaire tout en étant un programme extrêmement pointu et peu accessible... voilà quelque chose dont peu peuvent se targuer. Car si Les Soprano ou Six Feet Under, qui sont des séries toutes aussi réussies et complexes, demeurent tout à fait recommandables à n'importe qui, exerçant sur le spectateur une addiction immédiate et jouissive... Oz, pour sa part, se laisse nettement moins facilement appréhender. Parce qu'elle traite d'un univers qui jusqu'à la popularisation de Wentworth Miller n'avait pas grand-chose de glamour... et surtout parce qu'elle l'illustre si bien qu'elle en devient parfois aussi insupportable que le monde carcéral lui-même.
Précision d'importance : Oz a la particularité peu commune de proposer des personnages extrêmement forts à la durée de vie extrêmement fluctuante. Tout comme dans The Wire, dont elle peut légitimement être vue comme l'ancêtre (nous y reviendrons), le contenant s'avère au fil des saisons tout aussi important que le contenu, au point de le supplanter par moments tant sa narration kaléidoscopique, sa construction unique (elle est entièrement faite d'histoires gigognes - voire de sketches a priori sans lien entre eux) en font un genre de mélange entre la Comédie Humaine et une tragédie antique dont elle réunit tous les ingrédients majeurs (unité de temps et de lieu, prologue et épilogue à chaque épisode, utilisation du choeur - personnifié par l'excellent Harold Perrineau 1). Il s'agit moins de raconter une histoire suivie (les incohérences sont d'ailleurs nombreuses, notamment dans les interactions entre certains personnages) que de dresser un tableau d'ensemble, de croquer une société dans son intégralité (l'administration de la prison est d'ailleurs tout autant mise en lumière que les prisonniers eux-mêmes).
Ici entre en ligne de compte l'aspect anticipation de l'affaire - car pour réaliste et crue qu'elle soit, Oz n'en repose pas moins sur une base fictive 2 ajoutant à l'aspect tragique (donc universel et intemporel) de l'affaire : Em City, le secteur du pénitencier d'Oz mis en scène dans tout les épisodes (on en sort qu'une seule fois en six saisons et encore, en rêve), est le fruit de l'imagination débridée et parfois sur la brèche de McManus, sociologue convaincu qu'afin de faire des prisons de véritable lieux de vie il faut y accorder un maximum de liberté. Aussi les prisonniers circulent-ils librement dans leurs quartiers, sans barreau et avec relativement peu de matons, l'essentiel de la sécurité étant assurée par une vidéo-surveillance omniprésente (et paradoxalement inutile la plupart du temps). Il n'en fallait pas plus pour changer Em City en allégorie parfois effarante de la société humaine, sans qu'on puisse jamais dire si dans le fond elle n'est pas infiniment pire qu'une autre prison (c'est d'ailleurs l'un des débats récurrents agitant les réunions d'un comité de direction presque toujours dépassé par les évènements). En dépit d'une attention constante, il apparaît assez vite que McManus et ses ouailles ignorent tout de ce qui se passe au sein d'une forteresse évoquant un genre de société occidentale dont toutes les tensions (raciales, sexuelles, religieuses...) auraient été exacerbées et dont les codes auraient été jetés aux oubliettes. Non qu'il y règne une anarchie particulière : bien au contraire, les prisonniers s'organisent entre eux de manière presque naturelle, se regroupent en bandes, se trouvent des protecteurs voire des leaders. Mais Em City, bien souvent, donne l'impression qu'on n'y trouve encore moins de règles qu'au dehors. Parce que condamnés pour la plupart à la perpétuité, ses prisonniers n'ont rien à perdre et le terrifiant taux de mortalité doit beaucoup à cela. La réflexion, assez proche de celle que l'on peut trouver dans la saison 3 de The Wire 3, a ceci de pertinent qu'elle évite tout angélisme en renvoyant dos à dos conservateurs apôtres du tout répressif comme progressistes cédant à la tentation du laxisme. La solution serait donc de ne pas en chercher ?
C'est la conclusion vers laquelle tend une série qui après quatre saisons se met à tourner en rond de toutes parts, entre administrateurs systématiquement confrontés aux mêmes problèmes auxquels ils opposent toujours les mêmes (mauvaises) solutions, prisonniers tout aussi désœuvrés au début qu'à la fin et spectateur qui, arrivé à la saison cinq, se voit parcouru par une désagréable (mais légitime, excusable et même logique) impression que la série n'a plus à rien donner (elle s'adonne même à une surenchère un peu dérangeante). S'il est un seul enseignement à retenir, c'est que fondamentalement la prison ne change personne : elle ne fait qu'accentuer les traits de caractères préexistants, les révéler si ce n'est déjà fait, et ébranle les plus doux comme les plus forts (les rares "prisonniers intègres", "honnêtes" ou "positifs" finissent toujours quoiqu'il advienne soit par devenir des ordures, soit par être broyés par la société au sein de la quelle ils évoluent... soit par mourir). Comme de juste, Oz n'a d'ailleurs pas de véritable fin, ce que tout un chacun peut prévoir dès le second épisode, qui commence presque exactement comme le premier (par un monologue désabusé d'Augustus Hill posant les faits)... et s'achève presque exactement comme les cinquante-cinq autres (par un monologue conclusif tirant les non-enseignements de l'histoire du jour 4). A Em City tout est cyclique. A moins qu'il s'agisse d'une spirale...
(1) Plus connu il est vrai pour son rôle de Michael, dans Lost, et dont on se dit après quelques épisodes d'Oz qu'il est totalement sous-exploité dans la série d'ABC...
(2) Bien plus que The Wire, pour le coup...
(3) Lorsque le Major Colvin tente une approche assez originale du trafic de drogue... je n'en dis pas plus...
(4) Construction qui a d'ailleurs depuis fait école... aussi bizarre que cela puisse paraître, Desperate Housewives ou Scrubs ne sont pas construites autrement.
Précision d'importance : Oz a la particularité peu commune de proposer des personnages extrêmement forts à la durée de vie extrêmement fluctuante. Tout comme dans The Wire, dont elle peut légitimement être vue comme l'ancêtre (nous y reviendrons), le contenant s'avère au fil des saisons tout aussi important que le contenu, au point de le supplanter par moments tant sa narration kaléidoscopique, sa construction unique (elle est entièrement faite d'histoires gigognes - voire de sketches a priori sans lien entre eux) en font un genre de mélange entre la Comédie Humaine et une tragédie antique dont elle réunit tous les ingrédients majeurs (unité de temps et de lieu, prologue et épilogue à chaque épisode, utilisation du choeur - personnifié par l'excellent Harold Perrineau 1). Il s'agit moins de raconter une histoire suivie (les incohérences sont d'ailleurs nombreuses, notamment dans les interactions entre certains personnages) que de dresser un tableau d'ensemble, de croquer une société dans son intégralité (l'administration de la prison est d'ailleurs tout autant mise en lumière que les prisonniers eux-mêmes).
Ici entre en ligne de compte l'aspect anticipation de l'affaire - car pour réaliste et crue qu'elle soit, Oz n'en repose pas moins sur une base fictive 2 ajoutant à l'aspect tragique (donc universel et intemporel) de l'affaire : Em City, le secteur du pénitencier d'Oz mis en scène dans tout les épisodes (on en sort qu'une seule fois en six saisons et encore, en rêve), est le fruit de l'imagination débridée et parfois sur la brèche de McManus, sociologue convaincu qu'afin de faire des prisons de véritable lieux de vie il faut y accorder un maximum de liberté. Aussi les prisonniers circulent-ils librement dans leurs quartiers, sans barreau et avec relativement peu de matons, l'essentiel de la sécurité étant assurée par une vidéo-surveillance omniprésente (et paradoxalement inutile la plupart du temps). Il n'en fallait pas plus pour changer Em City en allégorie parfois effarante de la société humaine, sans qu'on puisse jamais dire si dans le fond elle n'est pas infiniment pire qu'une autre prison (c'est d'ailleurs l'un des débats récurrents agitant les réunions d'un comité de direction presque toujours dépassé par les évènements). En dépit d'une attention constante, il apparaît assez vite que McManus et ses ouailles ignorent tout de ce qui se passe au sein d'une forteresse évoquant un genre de société occidentale dont toutes les tensions (raciales, sexuelles, religieuses...) auraient été exacerbées et dont les codes auraient été jetés aux oubliettes. Non qu'il y règne une anarchie particulière : bien au contraire, les prisonniers s'organisent entre eux de manière presque naturelle, se regroupent en bandes, se trouvent des protecteurs voire des leaders. Mais Em City, bien souvent, donne l'impression qu'on n'y trouve encore moins de règles qu'au dehors. Parce que condamnés pour la plupart à la perpétuité, ses prisonniers n'ont rien à perdre et le terrifiant taux de mortalité doit beaucoup à cela. La réflexion, assez proche de celle que l'on peut trouver dans la saison 3 de The Wire 3, a ceci de pertinent qu'elle évite tout angélisme en renvoyant dos à dos conservateurs apôtres du tout répressif comme progressistes cédant à la tentation du laxisme. La solution serait donc de ne pas en chercher ?
Oz, créée par Tom Fontana (HBO)
👑 Saisons 1 - 3 (1997-99)
👑 Saisons 1 - 3 (1997-99)
👍👍 Saison 4 (2000-01)
👍 Saisons 5 - 6 (2001-03)
(1) Plus connu il est vrai pour son rôle de Michael, dans Lost, et dont on se dit après quelques épisodes d'Oz qu'il est totalement sous-exploité dans la série d'ABC...
(2) Bien plus que The Wire, pour le coup...
(3) Lorsque le Major Colvin tente une approche assez originale du trafic de drogue... je n'en dis pas plus...
(4) Construction qui a d'ailleurs depuis fait école... aussi bizarre que cela puisse paraître, Desperate Housewives ou Scrubs ne sont pas construites autrement.
Jamais pu vraiment regarder cette série.
RépondreSupprimerAprès une dure journée au boulot, c'était un peu difficile...
Juste vu quelques épisodes pour voir ce que donnait le basketteur et apprenti-comédien Rick Fox. Définitivement meilleur comme basketteur...
Une de mes séries préférées de tous les temps universels et infinis.
RépondreSupprimerPour les inconditionnels, on trouve parfois le coffret intégral à moins de 50 euros sur Cdiscount.
Ce que tu dis sur Perrineau et son sous-emploi dans Lost est tout à fait juste. Et dans Matrix, misère ...
C'en est carrèment frustrant.
Un véritable monument cette série.
RépondreSupprimerMais comme tu le dis ça s'essouffle beaucoup sur la fin (m'est avis qu'ils auraient dû arrêter après la saison 3). Et quel réservoir à futurs acteurs connus !
Lyle >>> c'est sûr que c'est une série qui demande un certain "investissement personnel", dans laquelle il n'est pas facile du tout d'entrer (ni de sortir, d'ailleurs)... c'est d'ailleurs aussi sans doute ce qui explique qu'il y ait si peu d'épisodes par saison.
RépondreSupprimerQuant à Fox... non, c'est vrai qu'il ne joue pas très bien, heureusement c'est plus une guest qu'un véritable acteur (en fait dans les bonus du dvd les auteurs expliquent qu'ils avaient prévus de faire de son personnage un pilier de la série mais que les performances des Lakers sont venues leur mettre des bâtons dans les roues ^^ Du coup il disparaît de la série sans explication pendant deux ou trois ans et revient de manière tout aussi subite à la fin...).
Thierry >>> et ce qui vaut pour Perrineau vaut en fait pour beaucoup des comédiens de la série. Christopher Meloni est devenu par la suite une star... mais quiconque a vu Oz ne peut que trouver sa prestation très faible dans l'Unité Spéciale...
Serious Moon >>> effectivement... une dizaine de futurs acteurs de The Wire, deux futur Lost, un futur Fringe (sans compter Lance Reddick... qui jouera plus tard et dans The Wire et dans Lost et dans Fringe !), trois futurs Dexter... en fait le seul que bizarrement on n'a jamais revu après, c'est le gars qui jouait Ryan O'Reilly, pourtant une des vedettes du show (ah et puis aussi bien sûr l'inénarrable Luke Perry - d'ailleurs très bon dans Oz)...
Une de mes séries favorites (aussi). Ton article est très bien. Ce qu'il faut préciser quand même, c'est l'époque à laquelle cette série a été tournée. En 1997 ! Dans une époque "pré-Sopranos" c'était alors beaucoup plus qu'une bonne série, mais carrément une révolution dans le paysage télé. Jamais on avait vu une série aussi ambitieuse, avec autant de personnages, un tel réalisme. Oz était tellement au-dessus de la moyenne...
RépondreSupprimerUne série remarquable dont certains des personnages sont inoubliables (ah! Beecher et Chris...)
RépondreSupprimerPareil que tout le monde, je crois que c'est difficile de trouver quelqu'un qui n'aime pas Oz (quoique j'ai lu un article sévère une fois, mais ça ne s'est pas produit souvent).
RépondreSupprimerD'ailleurs sa place au classement des 90s fait foi...
RépondreSupprimerSevie >>> tu as raison de le souligner... mais c'est tellement évident pour moi que j'avoue ne même plus y penser. Effectivement Oz est une série fondamentale, notamment dans la technique de récit totalement révolutionnaire pour l'époque...
RépondreSupprimerOz. La série qui a fait de toutes les fictions carcérales du pipi de chat.
RépondreSupprimerSans conteste LA série des années 90. Pas une qui lui arrive à la cheville, même pas Twin Peaks.
Bonne soirée.
Ryan O'Reilly (enfin Dean Winters) a été aperçu (si si ...) dans les Experts à Miami (shame on me) en qualité (?) de frère d'Horatio Caine ^^
RépondreSupprimerEt de manière un peu plus active dans Law & Order SVU et Rescue me.
Mais bon, c'est sûr qu'il n'a pas réussi à capitaliser sa prestation dans Oz !
L'inénarrable Schillinger (JK Simmons) a une jolie petite carrière ciné / TV avec ou sans moumoute.
Dans les Experts à Miami ?... ah bah... tu m'étonnes que je l'ai jamais revu ;-)
RépondreSupprimerUn qui a eu une très belle carrière (avant et après d'ailleurs) c'est Mark Margolis aka Tonio Nappa. Lee Tergesen a aussi eu quelques rôles mémorables (notamment dans Desperate Housewives)... enfin comme tous ou presque, en fait...*
Pour en revenir à Winters, j'ai toujours trouvé qu'il aurait fait un remarquable Patrick Kenzie dans les adaptations des romans de Lehane (surtout maintenant qu'il a vieilli et est plus marqué)...
Même moi qui ne suis pas trop séries j'adore celle-ci. C'est dire !
RépondreSupprimerC'est une série bluffante, brillante, même si la violence fait qu'à ce jour, je n'ai vu que deux saisons... Parce qu'elle est tellement réussie et oppressante qu'on n'a pas forcément envie de "retourner en prison" tous les soirs ! On a besoin de souffler un peu. Et si tu dis que la surenchère va croissant, je me demande si on va aller au bout ou s'arrêter à la saison 4.
RépondreSupprimerEn fait ce n'est pas tellement de la surenchère dans l'oppressant... c'est plutôt que dans la surenchère dans les histoires parallèles, des trucs qui sombrent un peu dans le n'importe quoi... il y a des moments très émouvants vers la fin (notamment tout ce qui concerne les frères O'Reilly) mais aussi pas mal de trucs qui font perdre au programme pas mal de sa crédibilié...
RépondreSupprimerTout simplement ma série préférée....
RépondreSupprimerj'ai beaucoup trop de séries à voir, je n'arrive plus à suivre, c'est terrible ça.. encore une sur ma liste, je ne l'ai jamsi même entraperçu celle-là (je conniassais le nom point !)
RépondreSupprimerJe me sens utile :-)
RépondreSupprimerPourvue que cette série géniale fasse son trou dans l'odyssée...
RépondreSupprimerSans trahir le suspens, elle se démerde ^^
RépondreSupprimerOz... Entre ciné coup-de-poing et tragédie antique! Un mélange troublant mais très très réussit. Tom Fontana peut être fier de son tatouage...
RépondreSupprimerAh ! Le tatouage...
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