Ne pas s'y tromper : l'album a beau être paraître sous le nom de Tue-Loup, en gros et en rouge, il est avant tout une histoire d'amitié voire de famille musicale. Son titre, Le Goût du bonbon, était d'ailleurs le nom du projet de départ avant que celui-ci ne soit rattaché de manière plus explicite à la galaxie Tue-Loup – ce qui soyons franc ne choquera pas outre-mesure les fans du plus grand groupe français en activité.
Cet album – les lecteurs de Culturofil s'en souviennent peut-être – nous avait été annoncé en mars dernier par Xavier Plumas lui-même comme « Un album un peu bâtard, puisqu’on [Rom Liteau et moi] s’y partage le micro, et qu’il y a deux batteurs : celui de Tue-Loup ainsi que Thomas Belhom celui des Tindersticks ». De là à s'attendre à être dérouté il n'y avait qu'un pas que l'on se sera empressé de refaire en arrière à l'écoute du Goût du bonbon, album singulier, profond, troublant comme ce mythe de Dracula dont il s'inspire... mais en aucun cas déroutant pour l'amateur de Tue-Loup.
C'est que le groupe sarthois, dans le fond, n'a jamais été que cela : un projet bâtard, hybride d'influences si diverses que son univers crépusculaire n'a pu au fil du temps que s'accommoder merveilleusement des rencontres et des collaborations. Souvent considéré comme folk (quoique le terme soit des plus réducteurs, à moins qu'on pense – mais qui y pense vraiment en France ? – à la folk expérimentale américaine), Tue-Loup a depuis longtemps pris l'habitude de se transformer, de défricher... à la fois reconnaissable à la première note et parfaitement insaisissable – ce qui en fait l'homologue français des plus grands groupes de rock anglo-saxons. Révélé à la fin des années 90 via une poignée d'albums décharnés et magnifiques, il a depuis gagné ses galons de collectif hors-normes à coup de chefs-d'œuvre inclassables, parvenant à incorporer ici un piano, là un slameur (l'excellent Rom Liteau, justement de retour au casting cette année), sautant du rock sombre à la folk intimiste en passant par des jams seventies... sans jamais trahir ni dénaturer son univers à la fois rural et sophistiqué, élégant et cru, sinistre et tendre...
En ce sens, et même si Liteau et Belhom ont droit à leurs noms sur la pochette, Le Goût du bonbon reste clairement un album de Tue-Loup, identifiable dès l'intro du premier morceau ("Le Camping" – au demeurant l'un des meilleurs) et la première manifestation du son si particulier développé depuis treize ans maintenant par le guitariste Thierry Plouze. Une suite logique aux torturés Penya et Rachel au rocher, survenant après un Lac de Fish plus acoustique et apaisé, au sein de laquelle la scansion nerveuse de Rom Liteau fait office de pièce maîtresse. Tendus à l'extrême, chargés d'électricité et en permanence au bord de l'explosion, les titres construits autour de ses interprétations habitées sont renversants – qu'il s'agisse de tempêter sur "Vladimir" ou de loucher vers le post-rock le temps du magnifique "Dès lors"... peut-être la meilleure chanson de l'album, celle en tout cas où l'adéquation entre les univers des protagonistes semble la plus parfaite et celle, aussi, au cours de laquelle Tue-Loup s'éloigne le plus de ses sentiers musicaux habituels, orchestrant une rencontre fantomatique et poignante entre Bashung et Low.
Idéalement placé au centre de l'édifice, ce sommet est suivi par une comptine folk typique chantée par Plumas, une jolie voix féminine et mêmes des enfants en guest-stars. On pourrait difficilement faire plus différent de "Dès lors" ou de la vicieuse Mon vin de garde que cette adorable "Chanson du forban", elle-même suivie d'un instrumental aérien... or, aussi étonnant que cela puisse paraître sur le papier, les titres se suivent de manière très naturelle, alternent les couleurs musicales comme les émotions sans jamais donner l'impression que l'ensemble manque de cohérence ou qu'on serait face à une compile (ou des featuring, ou un side-project). Même lorsque Liteau est au second plan ou absent il se dégage de ce Goût du bonbon une véritable dynamique de groupe... et donc d'album. Rien d'étonnant donc à ce que le final (superbe "Il ne pleut plus") prenne des airs de morceaux de bravoure, amalgame parfait entre deux voix tout à la fois radicalement opposées et également habitées, et chef-d'œuvre psychédélique achevant de convaincre l'auditeur fasciné qu'il n'est pas en face d'un banal essai collaboratif ou d'un de ces albums intermédiaires et/ou récréatifs comme nombre de groupes en publient parfois.
Non, Le Goût du bonbon est une œuvre à part entière, passionnante et plus inventive que la plupart des disques parus cette année réunis. Une œuvre que l'on espère bien voir défendue sur scène incessamment sous peu, et dont on ne peut que souhaiter que la scène indie, si prompte à ériger des cultes au premier anglo-saxon venu, saura lui offrir le succès qu'elle mérite. Énorme, donc.
LE GOUT DU BONBON - DES LORS from O.H.N.K. production on Vimeo.
Cet album – les lecteurs de Culturofil s'en souviennent peut-être – nous avait été annoncé en mars dernier par Xavier Plumas lui-même comme « Un album un peu bâtard, puisqu’on [Rom Liteau et moi] s’y partage le micro, et qu’il y a deux batteurs : celui de Tue-Loup ainsi que Thomas Belhom celui des Tindersticks ». De là à s'attendre à être dérouté il n'y avait qu'un pas que l'on se sera empressé de refaire en arrière à l'écoute du Goût du bonbon, album singulier, profond, troublant comme ce mythe de Dracula dont il s'inspire... mais en aucun cas déroutant pour l'amateur de Tue-Loup.
C'est que le groupe sarthois, dans le fond, n'a jamais été que cela : un projet bâtard, hybride d'influences si diverses que son univers crépusculaire n'a pu au fil du temps que s'accommoder merveilleusement des rencontres et des collaborations. Souvent considéré comme folk (quoique le terme soit des plus réducteurs, à moins qu'on pense – mais qui y pense vraiment en France ? – à la folk expérimentale américaine), Tue-Loup a depuis longtemps pris l'habitude de se transformer, de défricher... à la fois reconnaissable à la première note et parfaitement insaisissable – ce qui en fait l'homologue français des plus grands groupes de rock anglo-saxons. Révélé à la fin des années 90 via une poignée d'albums décharnés et magnifiques, il a depuis gagné ses galons de collectif hors-normes à coup de chefs-d'œuvre inclassables, parvenant à incorporer ici un piano, là un slameur (l'excellent Rom Liteau, justement de retour au casting cette année), sautant du rock sombre à la folk intimiste en passant par des jams seventies... sans jamais trahir ni dénaturer son univers à la fois rural et sophistiqué, élégant et cru, sinistre et tendre...
En ce sens, et même si Liteau et Belhom ont droit à leurs noms sur la pochette, Le Goût du bonbon reste clairement un album de Tue-Loup, identifiable dès l'intro du premier morceau ("Le Camping" – au demeurant l'un des meilleurs) et la première manifestation du son si particulier développé depuis treize ans maintenant par le guitariste Thierry Plouze. Une suite logique aux torturés Penya et Rachel au rocher, survenant après un Lac de Fish plus acoustique et apaisé, au sein de laquelle la scansion nerveuse de Rom Liteau fait office de pièce maîtresse. Tendus à l'extrême, chargés d'électricité et en permanence au bord de l'explosion, les titres construits autour de ses interprétations habitées sont renversants – qu'il s'agisse de tempêter sur "Vladimir" ou de loucher vers le post-rock le temps du magnifique "Dès lors"... peut-être la meilleure chanson de l'album, celle en tout cas où l'adéquation entre les univers des protagonistes semble la plus parfaite et celle, aussi, au cours de laquelle Tue-Loup s'éloigne le plus de ses sentiers musicaux habituels, orchestrant une rencontre fantomatique et poignante entre Bashung et Low.
Idéalement placé au centre de l'édifice, ce sommet est suivi par une comptine folk typique chantée par Plumas, une jolie voix féminine et mêmes des enfants en guest-stars. On pourrait difficilement faire plus différent de "Dès lors" ou de la vicieuse Mon vin de garde que cette adorable "Chanson du forban", elle-même suivie d'un instrumental aérien... or, aussi étonnant que cela puisse paraître sur le papier, les titres se suivent de manière très naturelle, alternent les couleurs musicales comme les émotions sans jamais donner l'impression que l'ensemble manque de cohérence ou qu'on serait face à une compile (ou des featuring, ou un side-project). Même lorsque Liteau est au second plan ou absent il se dégage de ce Goût du bonbon une véritable dynamique de groupe... et donc d'album. Rien d'étonnant donc à ce que le final (superbe "Il ne pleut plus") prenne des airs de morceaux de bravoure, amalgame parfait entre deux voix tout à la fois radicalement opposées et également habitées, et chef-d'œuvre psychédélique achevant de convaincre l'auditeur fasciné qu'il n'est pas en face d'un banal essai collaboratif ou d'un de ces albums intermédiaires et/ou récréatifs comme nombre de groupes en publient parfois.
Non, Le Goût du bonbon est une œuvre à part entière, passionnante et plus inventive que la plupart des disques parus cette année réunis. Une œuvre que l'on espère bien voir défendue sur scène incessamment sous peu, et dont on ne peut que souhaiter que la scène indie, si prompte à ériger des cultes au premier anglo-saxon venu, saura lui offrir le succès qu'elle mérite. Énorme, donc.
LE GOUT DU BONBON - DES LORS from O.H.N.K. production on Vimeo.
👑 Le Goût du bonbon
Tue-Loup, Rom Liteau & Thomas Belhom | T-Rec, 2009
Magnifique, cette chanson...
RépondreSupprimerTrès beau morceau, qui évoque en effet Bashung. Je crois que je vais investir dans cet album.
RépondreSupprimerBBB.
Vous venez tous les deux de me faire très plaisir !
RépondreSupprimerJe l'ai acheté il y a quelques jours. Un très très bel album, bien meilleur que le précédent.
RépondreSupprimerN'est-ce pas ?
RépondreSupprimerOui un excellent album comme souvent chez Tue Loup mais presonnellement je reste scotché au projet solo de Xavier Plumas . Le meilleur album francophone cet année .
RépondreSupprimerCet album est une grande réussite (comme toujours). Je suis surprise que tu insistes si peu sur la construction narrative, pourtant l'un de tes dadas, qui est ici remarquable. Enfin, l'article est très bon, cela dit ;)
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas, mais ce morceau est vraiment TRES beau.
RépondreSupprimerYann >>> je ne suis pas sûr qu'ils se situent sur le même créneau, en fait...
RépondreSupprimerLaiezza >>> c'est parce que j'ai écrit l'article (à l'origine pour Culturo) dans l'urgence, je voulais absolument que ça paraisse pour la sortie (vu que je me doutais que comme d'habitude peu de gens en parleraient). Du coup j'ai paré au plus pressé ^^
Emily Play >>> il n'est jamais trop tard pour investir... ;)-
Oui, et ce sera fait !
RépondreSupprimerJe crois que je vais investir (j'hésite entre des actions Rapidshare ou des junk-bonds Bit Torrent) ha ha ha ! (nan j'rigole, la Fnac Bordeaux fera très bien l'affaire)
RépondreSupprimerMais quel fripon...
RépondreSupprimerMerci Mr le Golb, tu viens de gagner un nouveau lecteur (pas si nouveau en fait), et tu as fait gagner à tue-loup un nouveau fan !!
RépondreSupprimerDoublement content, alors ^^
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