Il y a définitivement quelque chose d'ambigu dans Angel. C'est assez difficile à identifier, mais c'est ce qui fait que cette série a toujours plus ou moins un goût d'inachevé. En fait Angel, même quand elle est réussie, on a l'impression étrange qu'elle est ratée. Si vous ne me suivez pas, pas d'inquiétude... c'est normal. On va essayer d'expliciter cela.
Le problème de cette série, c'est qu'on a souvent l'impression qu'elle ne repose sur rien. Que basée sur le succès d'un personnage elle s'est épargnée au départ la nécessité d'avoir un projet clair et défini et que de fait, elle passe son temps à essayer maladroitement de compenser cette carrence dans son code génétique. Certains problèmes ont certes été résolus depuis le pilote : il y a désormais une véritable intrigue, des personnages bien campés et remarquablement joués... mais le ton, décidément, est toujours aussi fluctuant. Très noir un jour, amusant le lendemain, tendre la fois d'après... le ton des saisons trois et quatre alterne résurgences de l'esprit franchement comique des débuts et continuité dans la noirceur inaugurée en fin de saison un, sans qu'on ait jamais vraiment la sensation que les auteurs soient parvenus à choisir. En fait arrivé au terme de cette doublette (je n'étais pas assez inspiré pour chroniquer les deux séparément) il est devenu évident que Joss Whedon et David Greenwalt ont échoué à faire avec avec Angel ce qu'il ont réussi à faire avec la seconde moitié de Buffy - métamorphoser une comédie adolescente en œuvre mélancolique et souvent crépusculaire. Ils ont toutes les cartes en main mais peinent à s'épargner des rechutes et n'arrivent jamais à faire d'Angel un édifice cohérent - en somme ils continuent de payer le prix de la superficialité de la première saison. Absence de véritable projet, on y revient.
Là où c'est assez paradoxal... c'est qu'il ne manque jamais grand-chose pour faire de cette histoire une grande série. Les cinq héros sont forts et ont des interactions tout à fait subtiles, l'intrigue générale est énigmatique à souhaits et donc parfaite, l'émotion est présente... très bon programme, Angel tutoie régulièrement l'excellence et semble tous les deux épisodes prêt à jouer dans la cour des grands. Entre la damnation du héros, le martyr de Cordelia, les ambigüités de Wesley, la rage sourde de Gunn et Fred redécouvrant le monde... il y a largement de quoi faire, et la plupart du temps les auteurs font bien (mention spéciale aux épisodes "Billy" et "Waiting in the Wings", ainsi qu'à "Habeas Corpses" et tous ceux sur la Bête). L'ambiance désolée est pour sa part parfaitement rendue, donnant une sensation d'urgence, d'angoisse... comme si la fin du monde pouvait survenir à n'importe quelle minute de n'importe quel épisode, comme si chacun des protagonistes était perpétuellement suris. Oui mais... par éclats les auteurs ne peuvent s'empêcher de retomber dans des travers qu'on croyait oubliés depuis la saison un, épisodes à sketches mineurs, séquences à vocation comique moyennement drôles (voire carrément débiles, Cf. les petits "flashes cordéliens" en début de saison quatre), romances nettement moins fines que dans leur autre série phare... qui non seulement gâchent l'ensemble, mais en plus donnent à l'intrigue un côté décousu tout à fait agaçant. En ce sens la saison quatre est probablement la plus représentative de toutes : les six premiers épisodes sont à la limite de l'affligeant (y compris "Spin the Bottle", pourtant réalisé par Whedon lui-même, qui n'est qu'un ersatz de stand-alone buffyéen), les six suivants, génialissimes...
Illustrations parfaites de cela : l'évolution du personnage de Lorne, initialement ambigu et fascinant... et qui n'est plus jamais utilisé désormais qu'à des fins purement comiques ; ou encore celui de Connor, caractère complètement binaire donnant l'impression qu'il ne se pose jamais de questions là où il est censé être paumé et torturé (j'aurais pu citer aussi le retour de Gro, qui pue le ressort narratif bas-de-gamme et recrée artificiellement un triangle amoureux au moment précis où un autre vient d'être solutionné). Sans doute faut-il mettre ça sur le compte de la diffusion d'une part, et de la préexistence de Buffy d'autre part. Travailler pour une chaîne mainstream est en déjà en soi synonyme de gros cahier des charges. Ecrire le spin off d'une série aussi culte... aussi. Faire les deux à la fois... c'est sans doute le meilleur moyen de n'avoir que peu de libertés et de mourir écrabouillé entre le marteau et l'enclume - la production et les fans hardcore.
On peut supposer qu'il n'était pas possible de produire sur une chaîne familiale le grand show darkissime dont Whedon et Greenwalt s'étaient surpris à rêver au début de la seconde saison (ce qui expliquerait d'ailleurs que Greenwalt - à qui l'on doit tout de même l'ultra-glauque Profit - ait fini par jeter l'éponge). Si l'on y prête attention, on a vraiment l'impression que les scénaristes font des efforts surhumains pour édulcorer l'histoire qu'ils ont eux-mêmes écrite, pour désamorcer la noirceur et la violence qu'ils y ont eux-mêmes insuffler. Cela rend le visionnage intégral pour le moins curieux, souvent déroutant et parfois carrément irritant. Et pourtant cela reste une bonne série, vraiment originale et attachante. Qui aurait pu être tellement mieux...
EDIT : Bien entendu j'ai déjà vu la saison 5 et j'y reviendrai sous peu... cet article aurait dû paraître depuis un bail, mais il a sans cesse été décalé pour des raisons X ou Y...
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Le problème de cette série, c'est qu'on a souvent l'impression qu'elle ne repose sur rien. Que basée sur le succès d'un personnage elle s'est épargnée au départ la nécessité d'avoir un projet clair et défini et que de fait, elle passe son temps à essayer maladroitement de compenser cette carrence dans son code génétique. Certains problèmes ont certes été résolus depuis le pilote : il y a désormais une véritable intrigue, des personnages bien campés et remarquablement joués... mais le ton, décidément, est toujours aussi fluctuant. Très noir un jour, amusant le lendemain, tendre la fois d'après... le ton des saisons trois et quatre alterne résurgences de l'esprit franchement comique des débuts et continuité dans la noirceur inaugurée en fin de saison un, sans qu'on ait jamais vraiment la sensation que les auteurs soient parvenus à choisir. En fait arrivé au terme de cette doublette (je n'étais pas assez inspiré pour chroniquer les deux séparément) il est devenu évident que Joss Whedon et David Greenwalt ont échoué à faire avec avec Angel ce qu'il ont réussi à faire avec la seconde moitié de Buffy - métamorphoser une comédie adolescente en œuvre mélancolique et souvent crépusculaire. Ils ont toutes les cartes en main mais peinent à s'épargner des rechutes et n'arrivent jamais à faire d'Angel un édifice cohérent - en somme ils continuent de payer le prix de la superficialité de la première saison. Absence de véritable projet, on y revient.
Là où c'est assez paradoxal... c'est qu'il ne manque jamais grand-chose pour faire de cette histoire une grande série. Les cinq héros sont forts et ont des interactions tout à fait subtiles, l'intrigue générale est énigmatique à souhaits et donc parfaite, l'émotion est présente... très bon programme, Angel tutoie régulièrement l'excellence et semble tous les deux épisodes prêt à jouer dans la cour des grands. Entre la damnation du héros, le martyr de Cordelia, les ambigüités de Wesley, la rage sourde de Gunn et Fred redécouvrant le monde... il y a largement de quoi faire, et la plupart du temps les auteurs font bien (mention spéciale aux épisodes "Billy" et "Waiting in the Wings", ainsi qu'à "Habeas Corpses" et tous ceux sur la Bête). L'ambiance désolée est pour sa part parfaitement rendue, donnant une sensation d'urgence, d'angoisse... comme si la fin du monde pouvait survenir à n'importe quelle minute de n'importe quel épisode, comme si chacun des protagonistes était perpétuellement suris. Oui mais... par éclats les auteurs ne peuvent s'empêcher de retomber dans des travers qu'on croyait oubliés depuis la saison un, épisodes à sketches mineurs, séquences à vocation comique moyennement drôles (voire carrément débiles, Cf. les petits "flashes cordéliens" en début de saison quatre), romances nettement moins fines que dans leur autre série phare... qui non seulement gâchent l'ensemble, mais en plus donnent à l'intrigue un côté décousu tout à fait agaçant. En ce sens la saison quatre est probablement la plus représentative de toutes : les six premiers épisodes sont à la limite de l'affligeant (y compris "Spin the Bottle", pourtant réalisé par Whedon lui-même, qui n'est qu'un ersatz de stand-alone buffyéen), les six suivants, génialissimes...
Illustrations parfaites de cela : l'évolution du personnage de Lorne, initialement ambigu et fascinant... et qui n'est plus jamais utilisé désormais qu'à des fins purement comiques ; ou encore celui de Connor, caractère complètement binaire donnant l'impression qu'il ne se pose jamais de questions là où il est censé être paumé et torturé (j'aurais pu citer aussi le retour de Gro, qui pue le ressort narratif bas-de-gamme et recrée artificiellement un triangle amoureux au moment précis où un autre vient d'être solutionné). Sans doute faut-il mettre ça sur le compte de la diffusion d'une part, et de la préexistence de Buffy d'autre part. Travailler pour une chaîne mainstream est en déjà en soi synonyme de gros cahier des charges. Ecrire le spin off d'une série aussi culte... aussi. Faire les deux à la fois... c'est sans doute le meilleur moyen de n'avoir que peu de libertés et de mourir écrabouillé entre le marteau et l'enclume - la production et les fans hardcore.
On peut supposer qu'il n'était pas possible de produire sur une chaîne familiale le grand show darkissime dont Whedon et Greenwalt s'étaient surpris à rêver au début de la seconde saison (ce qui expliquerait d'ailleurs que Greenwalt - à qui l'on doit tout de même l'ultra-glauque Profit - ait fini par jeter l'éponge). Si l'on y prête attention, on a vraiment l'impression que les scénaristes font des efforts surhumains pour édulcorer l'histoire qu'ils ont eux-mêmes écrite, pour désamorcer la noirceur et la violence qu'ils y ont eux-mêmes insuffler. Cela rend le visionnage intégral pour le moins curieux, souvent déroutant et parfois carrément irritant. Et pourtant cela reste une bonne série, vraiment originale et attachante. Qui aurait pu être tellement mieux...
👍 Angel (saisons 3 & 4)
créée par Joss Whedon & David Greenwalt
The WB, 2001-03
EDIT : Bien entendu j'ai déjà vu la saison 5 et j'y reviendrai sous peu... cet article aurait dû paraître depuis un bail, mais il a sans cesse été décalé pour des raisons X ou Y...
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Remarquable analyse. Tu as une capacité incroyable à digérer les infos et les interprèter. Quand je pense qu'il y a encore trois mois tu ne savais RIEN de la genèse de la série et maintenant tu en sais plus et en parle mieux que moi ! impressionnant !
RépondreSupprimerC'est gentil, même si ça n'a pas grand-chose d'incroyable... quand un sujet me passionne j'essaie de l'explorer le plus possible, mais je crois qu'on est beaucoup à faire ça...
RépondreSupprimerPas pu regarder tous les épisodes de ces deux saisons. J'ai décroché totalement. Trop inégal,, trop foutoir...
RépondreSupprimerHé, c'est fini, l'odyssée des séries. T'es pas au courant ? ;-)
RépondreSupprimerEn effet, certains passages très bons (la Bête...), d'autre plus passables.... et certains totalement affligeants.
RépondreSupprimerAu moins, dans la cinq, les rôles des épisodes sont clairement décrits: les chiants, et les drôles.
Pareil que Lyle (sauf que j'ai été au bout malgré, bonne poire que je suis).
RépondreSupprimerZaph >>> hein ? nooooooon ? :)
RépondreSupprimerLyle & Leïa >>> je ne sais pas si c'est à ce point inégal... mais après c'est vrai qu'il y a des épisodes que j'avais presque envie de voir en avance rapide...
Guic' >>> excellent, la remarque sur la 5 (nous y reviendrons).
Assez d'accord. Dans Angel les personnages surnagent au-dessus de l'intrigue. Ce qui tombe bien, les personnages, c'est ce que je préfère.
RépondreSupprimerAvoue que tu as un faible pour David Boreanaz (même qu'avec un nom pareil, je me demande s'il ne serait pas savoyard, ha!)
RépondreSupprimerPas vu un épisode depuis Mathusalem, moi ! Je m'étais laissée dévoyer parce que j'adorais glousser devant Bouffie...
Bah oui... j'avoue ! J'aimais pas trop Boreanaz dans Buffy, mais depuis Angel, où il dévoile un vrai potentiel comique, j'avoue qu'il ne me laisse pas insensible :-)
RépondreSupprimerCe qui est intéressant aussi, c'est de voir combien il a grossi / s'est musclé depuis ses débuts dans Buffy.
RépondreSupprimerJ'ai toujours préféré Spike de toutes façons. Quoique comme "vampire préféré", il est en passe d'être remplacé par Eric de True Blood (il est bien moins drôle par contre).
C'est vrai, Angel est une série inégale, mais je ne connais pas de série parfaite d'un bout à l'autre (non, pas même SFU). Je retiens que tu as cité un de mes épisodes préférés (Waiting in the Wings) et j'ajoute qu'à mon sens, ce qui plombe le plus les dernières saisons, c'est la présence de Connor, personnage totalement insupportable (et raté, ou en tout cas mal employé). Tu l'as sûrement dit dans l'article précédent, mais je trouve que du point de vue des influences, c'est un mélange intéressant de références au film noir et aux comics, entre autres.
RépondreSupprimerJ'ai loupé le débat sur Buffy, j'ai vu que les commentaires avaient explosé, il faudra que j'aille jeter un oeil à l'occasion.
Miss >>> mouais alors là... aucun vampire de True Blood ne détrônera ceux de Buffy chez moi avant un bail :-)
RépondreSupprimerMélanie >>> bah oui, tu as loupé le débat ! j'étais inquiet, je commençais à me demander si tu faisais la tête !
Je ne faisais pas du tout la tête, j'étais débordée ! Or je ne voulais pas lire en diagonale, à l'arrache, alors j'ai reporté, reporté... En plus,comme j'ai pris des vacances loin du net, j'avais accumulé un sacré retard de lecture. Voilà voilà. En fait, j'aurais voulu ajouter des choses sur The West Wing, mais comme souvent j'ai un peu loupé le coche, l'instant était passé.
RépondreSupprimerNe regrette rien, j'ai un autre article sur TWW en chantier ^^
RépondreSupprimeron peut faire un tableau comparatif des vampires de Buffy et True Blood et leur donner des points. Mais en effet, Bill de True Blood fait bien pâle figure à côté de ceux de Buffy. Bon je vais peut-être attendre la saison trois avant de me prononcer (pour voir comment évolue le personnage de Sophie-Anne qui a l'air d'une vrai pin-up !)
RépondreSupprimerOui ! C'est vrai qu'elle est super, très au-dessus des vampires femelles du buffyverse...
RépondreSupprimermais tu oublies Drusilla ! Elle est magnifique !
RépondreSupprimerJ'ai d'ailleurs repris son "bored now" et "pet".
"Bored now", c'est pas la Willow vampire plutôt?
RépondreSupprimerIl me semblait que c'est Drusilla qui a commencé, mais je peux me tromper...
RépondreSupprimerMoi aussi j'aurais plutôt associé ça à Willowvamp, mais je ne suis pas sûr. En fait les deux évoluent dans un registre assez proche...
RépondreSupprimerYes, c'est Willow la vampire, je confirme.
RépondreSupprimerET Willow Bad Witch, aussi...
RépondreSupprimerC'est là toute la beauté du truc ;-)
Effectivement...
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