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Ce qui est à la fois fascinant et fatigant avec la musique, c’est que ce n’est pas une science exacte. Fascinant parce que ce n’est jamais pareil. Parce qu’on peut écouter des centaines de nouveaux albums chaque année sans jamais perdre l’envie ni l’enthousiasme. Mais fatigant aussi parce qu’émettre un jugement, parfois, est délicat. Il y a bien sûr les grands disques, facilement reconnaissables la plupart du temps. Il faut aussi évidemment compter avec les fours, bides, daubes et flops en tout genre – généralement tout aussi reconnaissables. Et puis il y a cette zone intermédiaire, qui constitue en fait l’écrasante majorité de la production annuelle, tous ces albums allant de bof à sympa en passant par pas mal. Des albums dont on ne sait pas toujours quoi faire ni quoi dire, dont on hésite à parler ou les ignorer, qui ne nous touchent que par intermittence ou bien nous intéressent – mais sans nous passionner.
Il y a par exemple de très bons albums qui n’ont pas le petit truc en plus faisant qu’on y revient, et à l’inverse des ouvrages plus inégaux mais recelant la petite part d’indicible nous y attachant. Le premier album de The Rodeo, artiste pas tout à fait inconnue au bataillon du chroniqueur passant la moitié de sa vie à écumer les concerts de la capitale, est de ceux-là. De ces disques qui partagent, qui séduisent presque aussi souvent qu’ils indiffèrent. À cela s’ajoute bien sûr la difficulté d’évoquer une artiste dont on connaissait le travail bien avant qu’elle ne soit signée par un label au nez creux, vous savez : ce truc qui amène tant d’imbéciles aigris à dire à ce moment-là que mouais, tout de même, ça vaut pas le premier EP enregistré il y a cinq ans dans la cave d’un vieil oncle breton.
Ne cherchez pas plus loin le pourquoi du comment d’une chronique arrivant, clairement, après la bataille. Presque à contretemps, maintenant que toutes les critiques dithyrambiques en ont fait une des sensations du moment – ce dont on n’est tout de même pas assez cynique pour se plaindre. On aurait c’est vrai pu prendre la parole sur ce point depuis longtemps (on a même failli chroniquer l’EP Hotel Utah en fin d’année dernière). Mais la vérité, c’est qu’on ne savait pas trop quoi dire.
Et puis finalement les écoutes ont passé, appliquées, un brin versatiles. On a d’abord eu une très bonne première impression. Comme on n’avait pas vraiment aimé le dernier EP, on avait très peur que l’album soit sinon mauvais, du moins un peu fadouille. Peur de ne pas y retrouver le charme et les aspérités du charmant premier EP. Il n’en est rien. Music Maelström est un bon disque, et même une des bonnes surprises de ce premier trimestre. Mais il peine un peu, hélas, à tenir sur la longueur. En fait, son défaut pourrait être résumé en quelques mots – il est d’autant plus ironique qu’il nous ait fallu tant de temps pour le formaliser : la voix est superbe, la production est léchée, les fautes de goût y sont rares, l’authenticité (donnée folk essentielle s’il en est) évidente… mais les chansons ne suivent pas toujours. Certaines sont vraiment très, très bonnes ("Love Is Not on the Corner", "Little Soldier", "Bird") ; d’autres sont plutôt sympas ("On the Radio", "Modern Life"). Mais d’autres, aussi, glissent sur les tympans sans qu’on les entende vraiment. "My Ode to You", par exemple, est certes portée par une voix lumineuse et unique en son genre… elle n’en reste pas moins l’archétype de la bluette ennuyeuse qu’on sautera dès la troisième écoute du CD. On ne les citera pas toutes, mais disons qu’un gros quart de Music Maelström ne résiste pas à une écoute attentive et compose tout au mieux un fond sonore agréable.
Et pourtant. Une fois n’est pas coutume, on ne s’étonne pas vraiment des critiques élogieuses lues ici ou là. Nous-mêmes, ce n’est que du bout du clavier qu’on émet quelques réserves. Parce que comme nous le disions plus haut, il y a le fameux petit truc en plus. Le petit truc indicible qui fait qu’inconstablement, Music Maelström mérite que l’on s’y arrête. Qui fait qu’aussi paradoxal – voire tout bonnement absurde – que cela puisse paraître, on l’écoutera sans doute plus souvent cette année que des albums objectivement supérieurs. Cela tient sans doute autant à la voix vibrante d’émotion qu’à la sensation de béatitude qui se dégage de l’ensemble, une forme de joie matinée de tendresse qui touche plus qu’on aurait pu le croire de prime abord. Fallait-il faire semblant de trouver l’album excellent pour le dire ? La question restera sans doute longtemps en suspens. Peut-être même jusqu’au prochain disque, dont on souhaite sincèrement qu’il fasse une fois pour toutes fructifier le potentiel que l’on sent depuis My First EP.
Music Maelström, de The Rodeo (2010)
Ce qui est à la fois fascinant et fatigant avec la musique, c’est que ce n’est pas une science exacte. Fascinant parce que ce n’est jamais pareil. Parce qu’on peut écouter des centaines de nouveaux albums chaque année sans jamais perdre l’envie ni l’enthousiasme. Mais fatigant aussi parce qu’émettre un jugement, parfois, est délicat. Il y a bien sûr les grands disques, facilement reconnaissables la plupart du temps. Il faut aussi évidemment compter avec les fours, bides, daubes et flops en tout genre – généralement tout aussi reconnaissables. Et puis il y a cette zone intermédiaire, qui constitue en fait l’écrasante majorité de la production annuelle, tous ces albums allant de bof à sympa en passant par pas mal. Des albums dont on ne sait pas toujours quoi faire ni quoi dire, dont on hésite à parler ou les ignorer, qui ne nous touchent que par intermittence ou bien nous intéressent – mais sans nous passionner.
Il y a par exemple de très bons albums qui n’ont pas le petit truc en plus faisant qu’on y revient, et à l’inverse des ouvrages plus inégaux mais recelant la petite part d’indicible nous y attachant. Le premier album de The Rodeo, artiste pas tout à fait inconnue au bataillon du chroniqueur passant la moitié de sa vie à écumer les concerts de la capitale, est de ceux-là. De ces disques qui partagent, qui séduisent presque aussi souvent qu’ils indiffèrent. À cela s’ajoute bien sûr la difficulté d’évoquer une artiste dont on connaissait le travail bien avant qu’elle ne soit signée par un label au nez creux, vous savez : ce truc qui amène tant d’imbéciles aigris à dire à ce moment-là que mouais, tout de même, ça vaut pas le premier EP enregistré il y a cinq ans dans la cave d’un vieil oncle breton.
Ne cherchez pas plus loin le pourquoi du comment d’une chronique arrivant, clairement, après la bataille. Presque à contretemps, maintenant que toutes les critiques dithyrambiques en ont fait une des sensations du moment – ce dont on n’est tout de même pas assez cynique pour se plaindre. On aurait c’est vrai pu prendre la parole sur ce point depuis longtemps (on a même failli chroniquer l’EP Hotel Utah en fin d’année dernière). Mais la vérité, c’est qu’on ne savait pas trop quoi dire.
Et puis finalement les écoutes ont passé, appliquées, un brin versatiles. On a d’abord eu une très bonne première impression. Comme on n’avait pas vraiment aimé le dernier EP, on avait très peur que l’album soit sinon mauvais, du moins un peu fadouille. Peur de ne pas y retrouver le charme et les aspérités du charmant premier EP. Il n’en est rien. Music Maelström est un bon disque, et même une des bonnes surprises de ce premier trimestre. Mais il peine un peu, hélas, à tenir sur la longueur. En fait, son défaut pourrait être résumé en quelques mots – il est d’autant plus ironique qu’il nous ait fallu tant de temps pour le formaliser : la voix est superbe, la production est léchée, les fautes de goût y sont rares, l’authenticité (donnée folk essentielle s’il en est) évidente… mais les chansons ne suivent pas toujours. Certaines sont vraiment très, très bonnes ("Love Is Not on the Corner", "Little Soldier", "Bird") ; d’autres sont plutôt sympas ("On the Radio", "Modern Life"). Mais d’autres, aussi, glissent sur les tympans sans qu’on les entende vraiment. "My Ode to You", par exemple, est certes portée par une voix lumineuse et unique en son genre… elle n’en reste pas moins l’archétype de la bluette ennuyeuse qu’on sautera dès la troisième écoute du CD. On ne les citera pas toutes, mais disons qu’un gros quart de Music Maelström ne résiste pas à une écoute attentive et compose tout au mieux un fond sonore agréable.
Et pourtant. Une fois n’est pas coutume, on ne s’étonne pas vraiment des critiques élogieuses lues ici ou là. Nous-mêmes, ce n’est que du bout du clavier qu’on émet quelques réserves. Parce que comme nous le disions plus haut, il y a le fameux petit truc en plus. Le petit truc indicible qui fait qu’inconstablement, Music Maelström mérite que l’on s’y arrête. Qui fait qu’aussi paradoxal – voire tout bonnement absurde – que cela puisse paraître, on l’écoutera sans doute plus souvent cette année que des albums objectivement supérieurs. Cela tient sans doute autant à la voix vibrante d’émotion qu’à la sensation de béatitude qui se dégage de l’ensemble, une forme de joie matinée de tendresse qui touche plus qu’on aurait pu le croire de prime abord. Fallait-il faire semblant de trouver l’album excellent pour le dire ? La question restera sans doute longtemps en suspens. Peut-être même jusqu’au prochain disque, dont on souhaite sincèrement qu’il fasse une fois pour toutes fructifier le potentiel que l’on sent depuis My First EP.
Music Maelström, de The Rodeo (2010)