samedi 24 avril 2010

Festival Pat(chou)ark – Des promesses, des réussistes, et quelques regrets (mais pas trop non plus)

...
Le soleil est au rendez-vous mais ce n’est pas forcément une bonne nouvelle. On pourrait même considérer que vis-à-vis de l’excellent Festival Pat(chou)ark, que nous vous présentions il y a quelques semaines, il s’agissait d’une concurrence déloyale savamment orchestrée par le printemps (la saison, pas le magasin). Ce n’est pas un hasard si une vieille légende urbaine raconte que les organisateurs de festivals s’adonnent chaque soir, le mois précédant leur évènement, à la célèbre danse de la pluie. Tout s’explique, pas vrai ?

« Spectacle pour petits et grands »

C’est pas nous qu’on le dit (oh là… à force de se promener au milieu des mioches, voilà qu’on parle pareillement), c’est l’affiche du spectacle des Weepers Circus – sous-titré à la récré, à l’instar de leur très bon dernier album. Et effectivement, on est bien en face d’une performance remarquable, en cela qu’elle ne néglige ni le bonheurs des petits uns, ni le plaisir des grands autres.

Qu’est-ce donc que ce Weepers Circus ? Un vaste fatras de chansons déjantées, un orchestre à la sacrée présence scénique, une manière de conquérir l’auditoire que même un rat de concerts comme votre serviteur trouvera impressionnante. Charmant et charmeur, le sextette emmené par l’excellent Alexandre George met les petits dans sa poche à coup de fantaisies visuelles, blagues et projections 1, et les grands, à coup de chanson rock pied au plancher. Bien entendu on n’est pas là en face de perdreaux de l’année : les Weepers Circus ont une longue et riche carrière derrière eux. Reste que leur numéro d’équilibristes, mêlant le bestiaire typique des contes de fées aux rock, blues et autres jazz… est réellement impressionnant – avec mention spéciale à l’irrésistible "Boogie Woogie des goupils" (un genre de renards qui ont du style). Un spectacle exceptionnel d’énergie et de bonne humeur qui sera comme de juste ovationné… par les petits et les grands.

weeperscircus 

Étrange rétro…

On sera un peu moins dithyrambique concernant le « ciné-mix » délivré le jour suivant par Retour de flammes. Non qu’il y ait quelque réserve à avoir quant à la qualité des court-métrages, pour certains quasiment ancestraux (on pense évidemment au formidable Déshabillage impossible de Méliès). Mais on avouera s’être un peu interrogé quant à la présence d’un tel spectacle à l’affiche d’un festival destiné au jeune public. On touche à l’évident et épineux problème de l’acception même des termes « jeune public », qui recoupent aussi bien des enfants de 6 ans que de 12. Nul doute que les premiers, heureusement (mais malheureusement pour un artiste qui ne méritait pas de jouer devant un public aussi clairsemé) très peu nombreux, n’y ont pas entendu grand-chose. On pense surtout, ce disant, à ces intermèdes historico-explicatifs manquant cruellement de pédagogie, multipliant les mots bien trop compliqués pour des enfants et réussissant, il faut souligner cette prouesse, à employer une bonne dizaine de fois le mot « cinématographe » – évidemment au cœur du sujet – sans jamais expliquer une fois de quoi il s’agit (dire que c’était « l’ancêtre du cinéma » n’était pourtant pas d’une difficulté considérable).

Le négatif évacué, reconnaissons cependant que la projection fut parfois très agréable, comme le serait n’importe quelle rétrospective recelant – entre autres – des films des immenses Charley Bowers ou Buster Keaton.

La Folie nous menace

Pas la moindre réserve en revanche quant à la prestation parfaite de Muriel Bloch, accompagnée du groupe Les Yeux Noirs. Et pourtant, c’était de loin le spectacle le plus ambitieux du festival, beaucoup moins viscéral et bien plus complexe dans l’écriture… spectacle délivré avec une fluidité et une élégance inattaquables. Le voyage du côté des Balkans promettait d’être fascinant ? Il le fut, et pas qu’un peu. On ne saurait dire si l’on a été plus impressionné par l’aura de la conteuse ou par la vitalité du groupe tzigane 2. A moins que le meilleur n’ait été, tout simplement, la revisitation du mythe d’Orphée à la sauce balkanique, conte onirique, poétique, souvent effrayant par instants… mais parsemé d’éclats de rire et de vie – un peu comme l’histoire des Balkans elle-même. Un regret, peut-être ? Eh bien, s’il n’en fallait qu’un, ce serait qu’en ce dimanche ensoleillé la compagnie ait dû s’illustrer devant un public certes plus important que la veille pour le ciné-mix, certes totalement captivé… mais pas vraiment tout jeune. Ce qui ne nous empêchera pas de surprendre une fillette, glissant à l’oreille de sa grand-mère 3 : « Dis, tu crois que ça existe en vrai le Bal Balkan ?

yeuxnoirs

« Tu vois c’est pas bien hein ! »

Oh mais non ! Quand même ! Comme il y va, ce petit gars croisé dans les toilettes du Café de la Danse… alors que le pestacle du jour n’a même pas encore commencé.

Certes, le concert de Tom Torel fut plus conventionnel. On était dans la chanson pour enfant, sans ambiguïtés possibles, et ce fut peut-être la seule représentation du festival où l’on hésita à partir avant la fin. Ce que l’on ne fit pas, cependant, et les qualités instrumentales du duo jazzy accompagnant l’artiste n’y furent pas pour rien. Peut-être plus encore que pour les Weepers Circus quelques jours plus tôt, on aura été frappé par le sens de la mélodie et la finesse des arrangements, ce qui n’est généralement pas ce que l’on s’attend à trouver dans un spectacle dit « jeune public ». Comme quoi, certains préjugés sont tenaces, même lorsque l’on est – comme nous – volontaires et intéressés par le sujet. Toujours est-il que nos applaudissements furent bien plus que simplement polis, qui se mêlèrent à l’ovation des petits pour un Tom Torel dont le set fut impeccable, quoique moins fantaisiste que ceux des jours précédents.

tomtorel

Alors ? Pari tenu pour le Café de la Danse ? En terme de programmation, c’est incontestable. Les objectifs d’une affiche « jeune public mais pas bêtifiante » sont largement remplis. Concernant la fréquentation, il est plus délicat de se faire une idée, notamment parce que nous n’avons pas assisté aux représentations du soir les jours où il y en avait 4. Mais à brûle-pourpoint, on dirait que oui. Mise à part le samedi en tout cas, la salle était plutôt bien remplie, surtout en considérant que :

- les spectacles avaient lieu en milieu d’après-midi

- pas de bol, ces cinq jours furent les plus beaux et chauds du mois.

On espère bien sûr que la salle remettra cela l’an prochain. Comme nous l’écrivions il y a quelques semaines, ce genre de manifestation est trop rare pour ne pas mériter toute notre attention.

Festival Pat(chou)ark,
Du vendredi 16 au mardi 20 avril, au Café de la Danse
Le lundi 11 avril à La Loge 5


1. Et pas n’importe lesquelles, puisque tout comme le livre-disque dont ces projections sont extraites, elles portent la patte reconnaissable entre mille de l’immense Tomi Ungerer – rien moins que l’auteur des Trois brigands. 
2. Groupe qui n’est autre que celui du violoniste Eric Slabiak, qui il y a déjà quatre ans de cela accompagnait justement Muriel Bloch sur le disque Carte postale des Balkans (tiens donc).
3. Si c’est vous et qu’en fait, vous êtes juste la mère… toutes nos excuses par avance !
4. Nous venions avec les scolaires… tous ces gamins apparemment un peu trop indisciplinés pour Tom Torel, qui peina à une ou deux reprises à masquer son irritation face à un brouhaha il est vrai assez désagréable… auquel on pensait qu’un artiste spécialisé dans les spectacles enfantins serait, disons… « plus réceptif ».
5. Pour d’obscures raisons d’emploi du temps nous n’avons malheureusement pas pu assister aux ateliers musicaux du lundi.