samedi 1 mai 2010

Mathieu Boré - A Good Night for Losing the Blues

...
Alors comme ça vous pensiez naïvement que nous en avions fini avec Matthieu Boré ? Que nous étions passés à autre chose ? C’est bien mal connaître notre site, adepte du service après vente dirait sans doute un quelconque directeur marketing de label, soit donc en version passionné de musique : le suivi des artistes que l’on aime, que l’on veut soutenir, voire que l’on veut défendre. C’était également compter sans la réputation de roi de la scène que se trimballe le susnommé Matthieu Boré, bouche à oreille suffisamment insistant pour que l’on ait envie d’aller vérifier cette folle rumeur.

De toute évidence, nous n’étions pas les seuls. Le New Morning ce soir n’est peut-être pas bourré à craquer, mais il est sacrément rempli, ce qui ne manque pas de nous surprendre. Malgré toute l’affection que l’on porte à ses deux derniers opus 1, il faut reconnaître que nous ne nous figurions pas avant de le voir que Matthieu Boré suscitait un tel following. Lui-même, d’ailleurs, s’avouera surpris durant l’une de ses nombreuses interventions inter-morceaux.

Cependant pour s’être massivement déplacé, l’auditoire n’en demeure pas moins assez inerte durant tout le début du concert. Il est vrai que l’entame est assez déstabilisante, l’artiste et ses musiciens ouvrant sur un "It’s a Good Day" limite petit-bras. C’est chouette, agréable, appliqué… mais sans folie. Et il faut attendre le troisième morceau, "She" (ironiquement la première compo maison interprétée ce soir), pour sentir un léger frémissement dans la salle (il faut dire que cette chanson est une remarquable réussite, probablement sa meilleure).

Le public commence à sortir progressivement de sa torpeur, et nous à nous demander dans quelle mesure cette entrée en matière assez sage n’était pas calculée. Impossible de ne pas noter que si l’atmosphère de la salle se réchauffe (d’ailleurs c’est le moment que choisissent les ventilos pour se déclencher), c’est aussi parce que sur scène, les musiciens, de plus en plus maîtres de leur sujet, commencent à se lâcher. Jusqu’à apothéose "Hold Tight", fantastique et délivrée – mais fallait-il vraiment le préciser ? – dans une version plus Fats Weller qu’Andrew Sisters, la folie en plus. L’assemblée ne s’y trompe pas, qui tape vigoureusement dans ses mains, reprend le fameux Fish, fish, fish… Boré rayonne, déchaîné, ses bandmates sont en état de grâce 2… en moins d’un quart d’heure le concert a totalement basculé, pour devenir un véritable show débordant d’énergie et de bonne humeur.

C’est d’ailleurs, en version accélérée, ce que propose le second set – puisqu’il y en aura eu deux séparés par un entracte. Construit sur le même principe, mais en plus compact que le premier, il démarre dans une atmosphère plus feutrée, plus intimiste, avant de déborder du cadre jazz pour devenir un peu plus rock’n'roll à chaque nouveau titre – ce que Matthieu résumera par un « Il est temps d’en finir avec le jazz » de rigueur. Si l’on osait la formule un peu facile, on dirait que chacune des setlist commençait comme Sinatra pour finir comme Jerry Lee, dans une euphorie communicative et avec une générosité exceptionnelle. Il serait d’ailleurs trop fastidieux pour le lecteur de citer tous les temps forts d’un spectacle qui s’étirera tout de même sur plus de deux heures. Citons en vrac des morceaux aussi divers que "Teddy Bear" (imparable), "Carioca" (dans une version pesante et tout à fait remarquable, très supérieure à celle de l’album), ou encore, pour les compos dites « personnelles », un "Satisfy My Soul" de grande classe et gorgé de blues.

Après un faux rappel (à savoir que Matthieu Boré, plus ou moins, va virer ses propres musiciens de la scène en précisant qu’il n’a plus besoin d’eux… pour de rire, bien sûr), voici le salut, le grand final, la sortie de scène… puis l’artiste qui revient seul, s’installe au piano et reprend le concert. Il y a de quoi être impressionné par une telle capacité à continuer de capter l’assistance, même si son dommage collatéral est qu’au bout d’un moment, nous allons être contraints de partir de peur de louper le train 3. C’est-à-dire que Matthieu comme un public aux anges semblent alors tout à fait décidés à continuer jusqu’au bout de la nuit – ou jusqu’à ce qu’on les fiche à la porte du New Morning. Un véritable bonheur à regarder (et entendre), doublé d’un concept assez fabuleux tant, à partir de la moitié du second set environ, tous les deux titres on aura eu un final grandiose… qui ne l’aura pas été. Qui parlait de générosité déjà ? Certains jettent leur argent par les fenêtres ; Matthieu Boré, lui, jette son énergie, sa bonne humeur et son plaisir de jouer.

C’est encore mieux, non ?


1. Rassurez-vous : nous n’avons rien contre les deux premiers, simplement nous n’avons pas encore réussi à nous les procurer.
2. Mention spéciale au contrebassiste Stephen Harrison, avec son look à sortir des Soprano et ses mimiques irrésistibles.
3. Joies de la vie en banlieue… d’ailleurs en me couchant j’ai été pris d’un fou rire subit en me disant que mince, si ça se trouve, Matthieu est toujours en train de jouer à l’heure qu’il est…