Roberto Bolaño est de ces auteurs que j'ai toujours un peu de mal à évoquer. Je ne saurais dire pourquoi. Depuis que je l'ai découvert il y a de cela quelques années maintenant, j'ai lu quasiment tout ce que j'ai pu lire de lui, au gré de traductions que je trouvais toujours trop lentes à venir (sentiment partagé, je pense, avec la plupart de ses nombreux admirateurs), avec autant de fascination que de plaisir tant il est agréable de se perdre dans les méandres de ses textes, le tout suivant une relative régularité. Et pourtant, en dépit des sentiments profonds et parfois violents que ces lectures firent chaque fois naître, l'évoquer m'a toujours paru délicat, comme si quelque chose de son oeuvre m'échappait. Autant je me sens apte à dégager des considérations générales sur un Faulkner, un Roth ou un Balzac, je dois avouer me sentir toujours petit au moment d'évoquer Roberto Bolaño - dans un élan de modestie ne me ressemblant pas vraiment. Ce sentiment me trouble d'autant plus que Bolaño n'est pas un génie inaccessible. C'est un auteur d'accès facile, plus facile que bien d'autres. Le lire est aussi agréable que profond, ses récits sont fluides, peut-être trop, justement : inconsciemment, je me dis que cela cache quelque chose. Qu'une partie de l'oeuvre m'échappe. Impression évidemment renforcée par le fait que, mon espagnol n'étant plus ce qu'il était, je ne suis pas en mesure de le lire dans le texte (or vous savez comme il m'est pénible, la plupart du temps, de lire des traductions... sans doute parce que je ne peux chasser cette impression de ne pas lire "le vrai texte", d'écouter une réorchestration effectuée par quelqu'un n'ayant, la plupart du temps, qu'un lointain rapport avec l'artiste).
Conseils d'un disciple de Morrison à un fanatique de Joyce ne m'a pas fait un autre effet que d'autres textes lus, relus et pourtant non chroniqués dans ces pages. Mais ici, l'effet a été d'autant plus marqué que je n'ai pu m'empêcher de me dire que j'avais affaire, clairement, à un texte mineur. Il est vrai que j'ai longtemps fantasmé dessus (surtout en raison de son titre - je sais : il en faut peu pour me faire rêver). Il est vrai que c'est un ouvrage à quatre mains, exercice aussi complexe à réaliser pour ses auteurs que difficile à aborder pour le lecteur/chroniqueur. Il est vrai que le second larron, A.G. Porta, n'est pas vraiment connu de nos services (et pour cause : le plus gros de ses travaux n'est pas traduit chez nous) ; et il est vrai enfin qu'il s'agit-là d'une oeuvre de jeunesse, tout récemment publiée en France mais remontant à 1984 - soit donc très antérieure à la plupart des ouvrages de Bolaño disponibles dans notre langue.
Bref, rien n'est fait pour m'aider. Habituellement, disais-je, je ne sais jamais comment évoquer Bolaño ; cette fois-ci, je ne sais carrément pas quoi en penser. J'ai lu ces Conseils d'un disciple de Morrison à un fanatique de Joyce sans déplaisir, mais sans passion excessive. J'y ai bien sûr vu un pastiche de roman noir ; je n'affirmerais pas avoir repéré un roman noir à la sauce Bolaño. Joyce et Morrison sont là, mais à mon grand étonnement il font surtout de la figuration. Rien qui ressemble vraiment à cette idée de "faire avec Joyce [...] ce que ce dernier a fait avec Homère et L'Odyssée", soulevée par Bolaño tel que Porta le cite dans la préface. A moins que. Bolaño évoque également, toujours cité par son compère, "une manière modeste et en polar". Effectivement, c'est un peu cela. Et c'est ce qui déroute un peu (beaucoup) dans les Conseils.
Tout les auteurs ont été jeunes (à l'époque la rédaction le génie n'a que trente ans) et se sont amusés. Mais il reste étonnant de constater que Bolaño, dont on ne connaît quasiment que des romans grandioses et des nouvelles époustouflantes, ait pu écrire ce genre de récit, sans fioritures et presque sans ambition. Juste un polar, ou quasiment. Même pas des meilleurs. La violence s'y déchaîne, sans raison apparente et sans donner l'impression que cela ait une quelconque importance. Les deux héros, amants meurtriers presque classiques, sont totalement paumés, pas vraiment monstrueux quoiqu'assez difficiles à comprendre. Le récit est celui d'une fuite en avant et, en quelque sorte, il en est une lui-même. Ses auteurs avancent tambour battant, quasiment sans respirations, jusqu'à une explosion finale qui pour être attendue n'en est pas moins grandiose. C'est un bon livre, rythmé, souvent assez drôle. Il n'est pas certain qu'il faille lui en demander plus. En tout cas pas d'être comparable au reste de l'oeuvre de Bolaño, dont l'apport est de toute façon et par définition difficilement quantifiable. Peut-être en prenant le temps de lire Porta "en solo" ?... ou peut-être cela n'a-t-il aucune importance. Après tout, on ne peut nier que la lecture de ces Conseils soit pour le moins jouissive. Il arrive que cela suffise. Même chez les (très) grands écrivains...
Conseils d'un disciple de Morrison à un fanatique de Joyce, de Roberto Bolaño & A.G. Porta (1984 ; 2009 pour la trad. de Robert Amutio)
Conseils d'un disciple de Morrison à un fanatique de Joyce ne m'a pas fait un autre effet que d'autres textes lus, relus et pourtant non chroniqués dans ces pages. Mais ici, l'effet a été d'autant plus marqué que je n'ai pu m'empêcher de me dire que j'avais affaire, clairement, à un texte mineur. Il est vrai que j'ai longtemps fantasmé dessus (surtout en raison de son titre - je sais : il en faut peu pour me faire rêver). Il est vrai que c'est un ouvrage à quatre mains, exercice aussi complexe à réaliser pour ses auteurs que difficile à aborder pour le lecteur/chroniqueur. Il est vrai que le second larron, A.G. Porta, n'est pas vraiment connu de nos services (et pour cause : le plus gros de ses travaux n'est pas traduit chez nous) ; et il est vrai enfin qu'il s'agit-là d'une oeuvre de jeunesse, tout récemment publiée en France mais remontant à 1984 - soit donc très antérieure à la plupart des ouvrages de Bolaño disponibles dans notre langue.
Bref, rien n'est fait pour m'aider. Habituellement, disais-je, je ne sais jamais comment évoquer Bolaño ; cette fois-ci, je ne sais carrément pas quoi en penser. J'ai lu ces Conseils d'un disciple de Morrison à un fanatique de Joyce sans déplaisir, mais sans passion excessive. J'y ai bien sûr vu un pastiche de roman noir ; je n'affirmerais pas avoir repéré un roman noir à la sauce Bolaño. Joyce et Morrison sont là, mais à mon grand étonnement il font surtout de la figuration. Rien qui ressemble vraiment à cette idée de "faire avec Joyce [...] ce que ce dernier a fait avec Homère et L'Odyssée", soulevée par Bolaño tel que Porta le cite dans la préface. A moins que. Bolaño évoque également, toujours cité par son compère, "une manière modeste et en polar". Effectivement, c'est un peu cela. Et c'est ce qui déroute un peu (beaucoup) dans les Conseils.
Tout les auteurs ont été jeunes (à l'époque la rédaction le génie n'a que trente ans) et se sont amusés. Mais il reste étonnant de constater que Bolaño, dont on ne connaît quasiment que des romans grandioses et des nouvelles époustouflantes, ait pu écrire ce genre de récit, sans fioritures et presque sans ambition. Juste un polar, ou quasiment. Même pas des meilleurs. La violence s'y déchaîne, sans raison apparente et sans donner l'impression que cela ait une quelconque importance. Les deux héros, amants meurtriers presque classiques, sont totalement paumés, pas vraiment monstrueux quoiqu'assez difficiles à comprendre. Le récit est celui d'une fuite en avant et, en quelque sorte, il en est une lui-même. Ses auteurs avancent tambour battant, quasiment sans respirations, jusqu'à une explosion finale qui pour être attendue n'en est pas moins grandiose. C'est un bon livre, rythmé, souvent assez drôle. Il n'est pas certain qu'il faille lui en demander plus. En tout cas pas d'être comparable au reste de l'oeuvre de Bolaño, dont l'apport est de toute façon et par définition difficilement quantifiable. Peut-être en prenant le temps de lire Porta "en solo" ?... ou peut-être cela n'a-t-il aucune importance. Après tout, on ne peut nier que la lecture de ces Conseils soit pour le moins jouissive. Il arrive que cela suffise. Même chez les (très) grands écrivains...
Conseils d'un disciple de Morrison à un fanatique de Joyce, de Roberto Bolaño & A.G. Porta (1984 ; 2009 pour la trad. de Robert Amutio)
J'ai été un peu déçue, moi aussi. On ne retrouve pas vraiment Bolano... H.
RépondreSupprimerje note cependant Bolano que je ne connais pas (c'est l'été, à la piscine les bouquins passent vite et là après G G Marquez avalé, V Wolf avalé et Echenoz ("les grandes blondes", c'est quoi cette fin nulle qui vaut pas le texte et m'a gâché mon plaisir, hein ??), je suis en panne.
RépondreSupprimerJe passe ici un peu comme on vient faire son marché d'idées : )
Je n'ai lu qu'"Etoile distante", de Bolano, que je n'ai pas au départ trouvé si accessible que ça (il m'a fallu un temps d'adaptation pour m'y retrouver entre réel et imaginaire, et suivre les fantaisies de la chronologie...). Ensuite, j'ai trouvé la forme de son récit complètement en accord avec ce qu'il semblait vouloir exprimer, et c'est une lecture qui m'a finalement marquée.
RépondreSupprimerEt le hasard faisant bien les choses, je me suis procurée "Nocturne du Chili" pas plus tard qu'avant-hier...
Nocturne est probablement mon préféré. J'en avais d'ailleurs parlé sur Le Golb :
RépondreSupprimerhttp://www.legolb.com/2008/10/un-petit-livre-comme-les-autres.html
Tiens Nocturne, c'est le seul que j'ai lu. Livre assez étrange mais très beau. J'ai les détectives sauvages dans ma PAL depuis longtemps, mais je ne sais pas pourquoi, il m'intimide.
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