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"Prise de risques", "Goût du risque"... les critiques (pros ou blogueurs) n'ont jamais que ces mots-là à la bouche, mais savent-ils seulement ce que c'est que de prendre des risques ? Car Risky Island n'est pas vraiment un monde merveilleux plein d'oiseaux ambitieux et de Naïades créatives. Plutôt un enfer d'où l'on ressort passablement déprimé, et où le risque (justement) de périr noyé dans la mer morte du Doute est sacrément élevé.
R.E.M. en sait quelque chose. Fin 84, le quatuor d'Athens rayonne - et il a bien raison. En l'espace de deux ans il a publié un EP culte, puis l'un des meilleurs debut-albums de tous les temps, puis un disque majeur. Tout le monde voit en lui - à raison - le meilleur groupe américain de sa génération. Et le succès, pour modique soit-il, ne cesse d'enfler. Dès lors, quel besoin avait-il de s'embarquer pour des vacances à Risky Island ? Nul ne le sait. Sans doute était-il trop abreuvé de mythologie intello'n'roll. Il fallait prendre des risques. Changer de producteur. Changer de port d'attache. Changer tout - même le style musical. Risky Island - Embarquement immédiat dans cinq minutes.
R.E.M. en sait quelque chose. Fin 84, le quatuor d'Athens rayonne - et il a bien raison. En l'espace de deux ans il a publié un EP culte, puis l'un des meilleurs debut-albums de tous les temps, puis un disque majeur. Tout le monde voit en lui - à raison - le meilleur groupe américain de sa génération. Et le succès, pour modique soit-il, ne cesse d'enfler. Dès lors, quel besoin avait-il de s'embarquer pour des vacances à Risky Island ? Nul ne le sait. Sans doute était-il trop abreuvé de mythologie intello'n'roll. Il fallait prendre des risques. Changer de producteur. Changer de port d'attache. Changer tout - même le style musical. Risky Island - Embarquement immédiat dans cinq minutes.
Sauf qu'arrivé sur place, rien ne va plus. Comme quoi il n'a pas fallu attendre le Net pour avoir des réservations de vacances décevantes. Vendue comme un Paradis pour poète, Risky Island est bien une île, mais elle est glaciale. Il se trouve qu'on la nomme aussi parfois Angleterre, que le temps y est tout pourri et que cette année-là, l'hiver y est particulièrement rude. Voilà ce qui arrive quand on se pique de bosser avec le producteur de Nick Drake : on finit le moral dans les chaussettes. Bill Berry et Mike Mills dépriment et manquent de quitter le groupe, Peter Buck se pique de mettre sa prodigieuse guitare en retrait et Stipe... eh bien, sans doute influencé par un environnement il est vrai plus propice à la folk médiévale qu'à la surf music, il nourrit pour nouvelle lubie de ne plus écrire que sur la mythologie, les légendes ancestrales, les contes et tout ce fatras à peine digne d'un mauvais groupe de prog-rock. Le titre réversible de l'album rappellera d'ailleurs le meilleur de Genesis : Fables of the Reconstruction/Reconstruction of the Fables. Ca ne s'invente pas, sauf chez Marillion. Croyait-on.
Le résultat est un album honnête et très inégal, mais compte-tenu des conditions d'enregistrement il a déjà quelque chose de miraculeux. A la surprise générale de... personne - vu que pas grand-monde ne l'achètera - quelques chansons grandioses parviennent à se sortir de ce magma infâme qu'on nommait alors pompeusement "production du mec qui a réalisé Five Leaves Left". C'est ‘Maps & Legends’, l'énergique ‘Driver 8’ ou la lumineuse ‘Green Grow the Rushes’. Le reste ? De la pop effervescente en hommage à des astronautes tchèques (‘Kohoutek’), de la new-wave agitée du bocale (‘Auctioneer’) et du rock neurasthénique dont rien que les titres font mal au crâne (‘Feeling Gravitys Pull’). Le pire, c'est que ça s'écoute plutôt avec plaisir, si l'on passe outre un son assez cafardeux (cet album donne vraiment une très mauvaise image de la vie en Angleterre, il est vrai à l'époque principalement peuplée de corbeaux et de Phil Collins).
Bonne idée de la réédition 2010 : virer tous les chouettes bonus de l'édition 92 (notamment - de mémoire - une belle version live de ‘Maps & Legends’ et la face B. ‘Bandwagon’, un des meilleurs morceaux pop du groupe) pour les remplacer par les démos dudit album, soit donc à peu de choses près les mêmes chansons (‘Bandwagon’ y est d'ailleurs, mais dans une version nettement moins brillante). L'occasion de s'apercevoir que les chansons étaient décidément moins en cause que le travail de Joe Boyd, ce que Peter Buck clamait depuis vingt-cinq ans et que, tout à fait honnêtement, on ne croyait que pour lui faire plaisir. Reste que dans l'ensemble, s'il n'y a rien de franchement dégueu sur Fables of the Reconstruction, on conseillera plus volontiers au jeune souhaitant découvrir R.E.M. à l'époque où c'était un grand groupe de se pencher sur Reckoning ou Document.
Fables of the Reconstruction / Reconstruction of the Fables, de R.E.M. (1985)
Fables of the Reconstruction / Reconstruction of the Fables, de R.E.M. (1985)
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