Venant d'un autre, tout cela semblerait fort incongru. A-t-on idée de se mettre subitement au metal, lorsque l'on n'a ni l'expérience ni (surtout) le public qui va avec ? Oui, si l'on est capricieux. Ou fou. Ou stupide. Ou qu'on s'appelle Ryan Adams et qu'on n'a rien, mais alors strictement rien à foutre de vendre des disques ou de saturer le marché en produisant trois fois plus que son label ne peut écouler. Ryan Adams s'est fait depuis longtemps une habitude de surgir là où on ne l'attend pas, pour le meilleur parfois, pour le pire aussi, souvent, au fil des ans et d'albums - reconnaissons-le même si on adore le personnage - de moins en moins passionnants. Et puis avec Orion, il faut le dire, Ryan Adams réalise sans doute aussi un vieux rêve. Un album de metal, de Sci-fi metal (sic), même, graisseux comme il faut, avec un bassiste imaginaire au patronyme crypté (*) et un artwork signé par Michel "Voivod" Langevin. Il y a là-dedans comme une envie de redevenir un peu gosse sur les bords.
Les amateurs s'en souviennent d'ailleurs sûrement : à ses débuts, lorsqu'on lui demandait quels étaient ses artistes préférés, le jeune Ryan Adams répondait systématiquement "Voivod et Slayer", là où le journaliste s'attendait généralement à ce qu'il lui ressorte Dylan, Springsteen et tout la white-list folk'n'rollement correcte. Loin du caprice de rockstar, l'idée de jouer du metal hante Adams depuis bien des années. Son tout premier groupe - encore avant Whiskeytown - louchait d'ailleurs vers le hars 70's. Il y a quelques années encore, la rumeur d'un supergroupe de metal formé avec James Iha, Jesse Malin et Melissa Auf Der Maur agitait le landernau indie. Orion lui-même était annoncé depuis facile trois ou quatre ans, sous le pseudonyme de Werewolph. Sa sortie cette année, uniquement online ou en vinyle via son site officiel, a un faux air de symbole, lorsqu'on se souvient que le même Ryan Adams avait déclaré l'an passé vouloir prendre une retraite largement méritée (vu qu'il a sorti plus de chansons entre ses vingt et trente-cinq ans que beaucoup d'artistes sexagénaires). Voilà donc le genre de retraite à laquelle papi Ryan aspirait : en dehors des circuits traditionnels, en faisant ce qu'il veut comme il veut. Si l'on considère qu'il a ce jour publié à peu près autant d'albums officiels que de non officiels trainant sur des bootlegoblogs rarement inquiétés par la justice... il n'est pas interdit de penser qu'il a toujours plus ou moins tendu vers cela.
C'est bien mignon mais cet album, alors ? Eh bien, sans surprise, Orion sonne comme... du Ryan Adams très énervé. Pas bien éloigné des morceaux les plus couillus de son répertoire habituel, quoique produit de manière très roots par le vieux compère Jamie Candiloro (qui avait déjà produit - dans des registres pour le moins différents - Easy Tiger et l'EP Follow the Lights). On s'en doutait un peu, l'album confirme que le metal qui excite l'imaginaire d'Adams est plus hard que black, pour ne pas dire que ce disque sonne souvent plus comme du hardcore 80's ("Defenders of the Galaxy", au hasard). L'ensemble est plutôt brut de décoffrage, le chanteur éructe tout ce qu'il peut, et à part un ou deux titres assez moyens (comme par hasard ceux où Orion s'écarte de sa ligne éditoriale) laissant supposer que cet opus a peu de chances de bouffer des parts de marché à Josh Homme, il faut bien reconnaître que c'est étonnamment efficace, entre clins d'œil appuyés (à Black Sabbath, à Voivod) et grosse patate sans prise de tête. Ce qui est d'ailleurs, sans doute, le véritable défaut de cet album... voire de toute l'œuvre de Ryan Adams : on a l'impression qu'il est incapable de vraiment prendre cette parenthèse hard-rock au sérieux, et il manie tellement bien l'ironie et la référence que l'on finit parfois par ne plus savoir si cela relève de l'hommage ou de la parodie cruelle et un peu gratuite. On se souviendra qu'en 2003, le même Adams avait publié un album de grosse pop clinquante sarcastiquement nommé Rock'n'Roll, dans lequel il parodiait parfois explicitement le revival rock d'alors, n'hésitant pas à ridiculiser les Strokes (pourtant censés être des amis à lui). On a du mal à ne pas y penser en écoutant Orion, qui semble parfois s'éclater à tourner en dérision les Wolfmother et compagnie, et qui ménage tellement les ambiguïtés qu'on finit par ne plus trop savoir si c'est du lard ou du cochon. Le reproche n'est pas nouveau (il remonte peu ou prou à Rock'n'Roll, justement) : même lorsqu'il est tout à fait légitime pour se prêter à un tel exercice de style, le Ryan, trop ironique, trop cynique, peine à convaincre de sa sincérité. On apprécie bien sûr les qualités d'Orion, mais on reste un peu circonspect. Et on ne peut s'empêcher, décidément, d'espérer qu'un jour ou l'autre, le Ryan Adams sans fard de Heartbreaker finisse par refaire surface.
Orion, de Ryan Adams (2010)
(*) Dale Dixon était le bassiste imaginaire de Black Flag sur My War (il s'agissait en fait de Greg Ginn lui-même).
Les amateurs s'en souviennent d'ailleurs sûrement : à ses débuts, lorsqu'on lui demandait quels étaient ses artistes préférés, le jeune Ryan Adams répondait systématiquement "Voivod et Slayer", là où le journaliste s'attendait généralement à ce qu'il lui ressorte Dylan, Springsteen et tout la white-list folk'n'rollement correcte. Loin du caprice de rockstar, l'idée de jouer du metal hante Adams depuis bien des années. Son tout premier groupe - encore avant Whiskeytown - louchait d'ailleurs vers le hars 70's. Il y a quelques années encore, la rumeur d'un supergroupe de metal formé avec James Iha, Jesse Malin et Melissa Auf Der Maur agitait le landernau indie. Orion lui-même était annoncé depuis facile trois ou quatre ans, sous le pseudonyme de Werewolph. Sa sortie cette année, uniquement online ou en vinyle via son site officiel, a un faux air de symbole, lorsqu'on se souvient que le même Ryan Adams avait déclaré l'an passé vouloir prendre une retraite largement méritée (vu qu'il a sorti plus de chansons entre ses vingt et trente-cinq ans que beaucoup d'artistes sexagénaires). Voilà donc le genre de retraite à laquelle papi Ryan aspirait : en dehors des circuits traditionnels, en faisant ce qu'il veut comme il veut. Si l'on considère qu'il a ce jour publié à peu près autant d'albums officiels que de non officiels trainant sur des bootlegoblogs rarement inquiétés par la justice... il n'est pas interdit de penser qu'il a toujours plus ou moins tendu vers cela.
C'est bien mignon mais cet album, alors ? Eh bien, sans surprise, Orion sonne comme... du Ryan Adams très énervé. Pas bien éloigné des morceaux les plus couillus de son répertoire habituel, quoique produit de manière très roots par le vieux compère Jamie Candiloro (qui avait déjà produit - dans des registres pour le moins différents - Easy Tiger et l'EP Follow the Lights). On s'en doutait un peu, l'album confirme que le metal qui excite l'imaginaire d'Adams est plus hard que black, pour ne pas dire que ce disque sonne souvent plus comme du hardcore 80's ("Defenders of the Galaxy", au hasard). L'ensemble est plutôt brut de décoffrage, le chanteur éructe tout ce qu'il peut, et à part un ou deux titres assez moyens (comme par hasard ceux où Orion s'écarte de sa ligne éditoriale) laissant supposer que cet opus a peu de chances de bouffer des parts de marché à Josh Homme, il faut bien reconnaître que c'est étonnamment efficace, entre clins d'œil appuyés (à Black Sabbath, à Voivod) et grosse patate sans prise de tête. Ce qui est d'ailleurs, sans doute, le véritable défaut de cet album... voire de toute l'œuvre de Ryan Adams : on a l'impression qu'il est incapable de vraiment prendre cette parenthèse hard-rock au sérieux, et il manie tellement bien l'ironie et la référence que l'on finit parfois par ne plus savoir si cela relève de l'hommage ou de la parodie cruelle et un peu gratuite. On se souviendra qu'en 2003, le même Adams avait publié un album de grosse pop clinquante sarcastiquement nommé Rock'n'Roll, dans lequel il parodiait parfois explicitement le revival rock d'alors, n'hésitant pas à ridiculiser les Strokes (pourtant censés être des amis à lui). On a du mal à ne pas y penser en écoutant Orion, qui semble parfois s'éclater à tourner en dérision les Wolfmother et compagnie, et qui ménage tellement les ambiguïtés qu'on finit par ne plus trop savoir si c'est du lard ou du cochon. Le reproche n'est pas nouveau (il remonte peu ou prou à Rock'n'Roll, justement) : même lorsqu'il est tout à fait légitime pour se prêter à un tel exercice de style, le Ryan, trop ironique, trop cynique, peine à convaincre de sa sincérité. On apprécie bien sûr les qualités d'Orion, mais on reste un peu circonspect. Et on ne peut s'empêcher, décidément, d'espérer qu'un jour ou l'autre, le Ryan Adams sans fard de Heartbreaker finisse par refaire surface.
Orion, de Ryan Adams (2010)
(*) Dale Dixon était le bassiste imaginaire de Black Flag sur My War (il s'agissait en fait de Greg Ginn lui-même).
Album un peu décevant (à force d'être promis), mais pas mal finalement, après quelques semaines.
RépondreSupprimerOui, je suis assez d'accord. A la première écoute je me suis dit "mouais, bof", et puis finalement... c'est peut-être son meilleur album depuis un bail.
RépondreSupprimer"Cardinology" était plutôt bon, tout de même.
RépondreSupprimerça me fait penser à du DRI ,,, bizarre
RépondreSupprimerMoi je m'attendais à plus métallique que ça. Bon, tant mieux, j'aime pas le metal. Mais finalement c'est un peu de la publicité mensongère tout ça ;)
RépondreSupprimerJe suis pas tout à fait d'accord. Finalement cet album me plait bien plus que ce qu'il fait depuis des années.
RépondreSupprimerEmily PLAY >>> Cardinology était pas mal, mais il y avait tout de même quelques trucs horribles dessus. Sur celui-là aussi, tu me diras.
RépondreSupprimerDiane >>> pourquoi bizarre ?
Lil' >>> pas faux.
parce que je pensais que faire du DRI en 2010 c'était un peu ... obsolète
RépondreSupprimerEn même temps compte-tenu de la portée "hommage" de l'album, ça ne me choque pas particulièrement. C'est pas comme si on avait un jeune groupe qui débarquait en faisant ce genre de musique comme si de rien n'était...
RépondreSupprimerc'est pas faux...
RépondreSupprimerya bien les raveonettes qui me plaisent bien
alors pourquoi pas...
mais quand même c'est bien mais c'est pas top
tudjuuu ç'aurait été plus couillu si il avait fait une reprise de Manowar version Lemmy/Stipe le bourrinage et l'elegiaque pop le tout dans un gros cul de hard rock, ya moyen suis sure
Ah ah... on a les fantasmes qu'on mérite ^^
RépondreSupprimerNouvelle qui pourrait t'intéresser : Ryan Adams apparaîtra sur le prochain album de Weezer, titre qu'ils ont coécrit.
RépondreSupprimerJ'étais au courant, mais merci.
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