Community - Welcome to Greendale

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Trouver de bonnes séries n'est pas toujours facile, surtout après une saison comme celle qui vient de s'achever, dont on dira poliment qu'on en a vu des plus riches, variées ou enthousiasmantes. Trouver de bonnes séries comiques... c'est encore plus difficile. Le genre a énormément souffert depuis une dizaine d'années, notamment aux États-Unis où plus les dramas devenaient exceptionnels, plus le phénomène sitcom (largement dominant dans les nineties) semblait s'étioler, incapable à quelques rares exceptions près de se renouveler. Il est vrai que la concurrence a fini par devenir déloyale à partir du moment où nombre de dramas se mettaient à incorporer de plus en plus d'éléments comiques (à l'inverse la résurgence de formats courts "non-comiques" ne doit probablement rien à un hasard des calendriers). Il n'empêche : les grandes séries comiques des années deux-mille, que ce soit en terme de qualité ou de popularité, ont l'air de naines à côté des Seinfeld, Friends et autres Ab Fab.

Le jugement peut paraître sévère, et l'on me rétorquera - sans doute à juste titre - que je suis connu pour être particulièrement difficile en la matière. Je ne le nie pas. Si les comédie britanniques arrivent encore à m'enthousiasmer, si je vénère la formidable Kaamelott, tout le monde sait que les sitcoms US ne sont plus ma came depuis longtemps. Je reste intimement persuadé que Seinfeld a tué le genre, et ses héritières contemporaines, incapables de rompre avec un certain formatage, ne m'ont foncièrement jamais convaincu. How I Met Your Mother ? Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même, en dépit de quelques fulgurances. The Big Bang Theory ? J'ai dit ce que j'en pensais. Two & a Half Men ? Je n'arrive pas à m'empêcher de la trouver très beauf (et très bof de surcroît). Au-delà de leur qualité (car personne n'est à l'abri d'un gag réussi, même pas Chuck Lorre), on verra ce qu'il en restera dans dix ans. A mon avis pas grand-chose. Seule exception à cette liste de "bof" et de "mouais" : Scrubs. Le fait que ce soit un single-camera sitcom joue très probablement. Mais il ne peut y avoir que cela (sinon j'adorerais 30 Rock). Ce qui fait que j'ai aimé Scrubs plus qu'aucune autre série comique US ces dernières années, c'est évidemment la qualité d'écriture des personnages, la sensibilité qui s'en dégageait au-delà de l'aspect strictement humoristique. Ce que j'appelle pompeusement le degré supérieur de la  comédie, principalement pour ne pas utiliser l'affreuse expression supplément d'âme.

On retrouve cela (et d'autres choses) dans Community, série qui sans révolutionner le genre dans lequel elle s'illustre offre dans sa première saison d'excellents moments (de comédie, mais pas que). Après s'être farci les productions Chuck Lorre et avoir avalé (par pure acquis de conscience) une demi-douzaine de sitcom ultra-formatés, autant dire que tomber sur Community a quelque chose de presque miraculeux. En tout cas salutaire.

Comme souvent dans ce genre de série, il faut attendre une bonne dizaine d'épisodes avant que les éléments se mettent parfaitement en place. Le début est prometteur mais pas non plus spécialement fascinant. Une bonne série comique ne peut fonctionner à plein régime qu'une fois que les personnages ont été installés, que le spectateur a assimilé toutes leurs caractéristiques, surtout celle-ci qui, tout en multipliant les séquences burlesques se repose énormément sur le comique de caractères. Comme dans le Scrubs de la grande époque, l'alchimie fonctionne bien voire très bien, en grande partie parce que (comme dans le Scrubs de la grande époque) les six personnages principaux ne sont pas formatés où archétypaux. Sans atteindre un vertigineux niveau de complexité, ils parviennent à surprendre de manière assez régulière, à dévoiler de nouvelles facettes, à remettre en question l'opinion que l'on s'est fait d'eux à la va-vite. Ils sont de ce point de vue remarquablement servis par un pitch simple et efficace : Jeff (Joel McHale, charmant quoique rappelant de manière vraiment troublante Peter Krause) est un avocat plus ou moins véreux (un avocat, donc) contraint de se repasser son diplôme suite à l'invalidation de sa licence. Il échoue donc dans un community college  au milieu de quelques autres losers ayant plus ou moins ratés leur vie, et se retrouve obligé de cohabiter avec eux dans le cadre d'un groupe de travail d'espagnol qu'il crée sur un coup de tête (et pour draguer une fille, soit dit en passant). Individualiste forcené ayant une vision très personnelle de l'honnête et de la sincérité, il va bien évidemment découvrir des valeurs qu'il ignore : amitié, solidarité, travail et potacherie.

Il faut reconnaître que si la première saison est terriblement efficace, on se demande un peu comment Community pourra durer tant son arc principal semble déjà passablement épuisé au bout de vingt-cinq épisodes. Sans doute toute l'intelligence de ses auteurs est-elle de ne pas avoir fait peser tout le poids de la narration sur les épaules d'un seul personnage, l'attachante Shirley ou l'irrésistible Abed témoignant d'un potentiel évolutif plutôt intéressant (attention cependant : ce dernier semble d'ores et déjà guetté par le terrible syndrome du personnage locomotive). Le tout baigne dans un grand bac de références pop et de fantaisie burlesque, de parodie (ah ! Abed en Batman) et de grand n'importe quoi (ah ! la bataille de paintball), rythmé mais pas trop (le gros problème des sitcoms US en général, tellement millimétrés qu'on voit venir les gags), particulièrement bien écrit... très attachant avec ses adultes refusant de grandir et ses jeunes gens trop responsables pour ne pas être un peu cassés. En terme potentiel, Community est probablement la plus prometteuse de toutes les nouveautés de la saison 2009/10. C'est en tout cas la série la plus drôle de l'année, à égalité avec l'anglaise Misfits, qui elle aussi - il n'y a pas de mystère - se défie avec jubilation des clichés et des stéréotypes.



Community (saison 1), créée par Dan Harmon (NBC, 2009-10)