jeudi 12 août 2010

Martina Topley Bird - Déclaration d'indépendance

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Comme tout individu de sexe mâle de ma génération, j’ai inévitablement, à un moment ou un autre, fantasmé sur Martina Topley Bird, autrefois juvénile égérie de Tricky (elle n’avait que 19 ans lorsqu’il la révéla au monde) devenue guest de luxe chez à peu près tout ce que la planète compte de gens hype et/ou inspirés (Massive, Blues Explosion, Primus…). Mais comme tout individu pourvu d’oreilles (maladie très répandue semble-t-il), je n’ai jamais été particulièrement emballé par ses (rares) albums solos. Il y eut certes un premier album mignon – rapidement oublié. Il y eut bien sûr un machin clinquant avec Danger Mouse (pléonasme), qui donnait la stupéfiante impression que Martina était une invitée sur son propre disque. Rien de malhonnête et rien d’indigent, mais rien non plus qui justifie réellement son statut d’icône. Pour avoir participé au quatre premiers Tricky – soit donc quatre des meilleurs albums des années 90 – beaucoup fut pardonné à la splendide jeune femme ; ces choses-là n’ont cependant qu’un temps, et en 2010, quinze ans après ses débuts, on pose son nouvel album sur la platine avec plus de curiosité que d’excitation.

Est-ce la confiance de Damon Albarn et la récente signature sur l’excellent label Honest Jons ? Le parti pris minimaliste présidant à l’enregistrement ? Toujours est-il que le bien nommé Some Place Simple, troisième album solo de la dame, inverse violemment la tendance initiée par ses prédécesseurs. Aussi feutré que The Blue God était rutilant. D’une étonnante délicatesse, d’une grande variété… et surtout d’une puissance mélodique totalement inattendue.

En fait, c’est assez simple : on a le sentiment de n’avoir jamais entendu Martina Topley Bird auparavant. Constat d’autant plus étonnant que Some Place Simple se compose à près de 90 % de matériel connu et éprouvé par les ans. Certes parfois méconnaissable, mais tout de même. Toute en finesse, la production n’y est sans doute par pour rien : l’artiste a (enfin) trouvé le dispositif idéal pour mettre en valeur ses talents de songwriting, qu’on n’avait peut-être un brin sous-estimés, soit, mais qu’elle n’avait jusqu’ici rien fait non plus pour réellement défendre. C’est peu dire que les morceaux de The Blue God ont autrement plus d’ampleur dans ce système semi-acoustique permettant de laisser exploser la soul dont est gorgé un "Baby Blue", ou de conférer une toute nouvelle élégance à un "Snowman".

Certains musiciens sont mal à l’aise dans le minimalisme ; Martina, elle, s’y découvre et s’y révèle, comme pour la première fois. La berceuse Lying donne envie de filer directement au lit avec la personne qu’on aime, "Too Tough to Die" renoue avec ses racines blues… ici on jette un coup d’œil en direction de l’Afrique ("Illyah"), là on ajoute une pincée de jazz ("Valentine")… tout passe et rien n’est à jeter (il est vrai que posséder l’une des plus belles voix du monde aide pas mal). Projet parallèle sur le papier, Some Place Simple s’avère dans les faits un album cohérent et intelligent – probablement le meilleur de son auteure.

Partie pour se faire plaisir en ré-enregistrant des chansons pour certaines très anciennes avec l’aide de l’excellent percussionniste Fergus Gerrand, voici qu’elle signe sans conteste l’album le plus beau et le plus enthousiasmant de ce morne été. Et affirme une fois pour toutes – qui n’en doutait pas ? – qu’elle est une songwriteuse de premier plan. Joli coup double.



Some Place Simple, de Martina Topley Bird (2010)

23 commentaires:

  1. Pareil. On l'écoute en attendant rien et on revient avec beaucoup de plaisir. Un peu comme MGMT en fait :)

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  2. Ah non thomas! Pas d'orthographe militant!

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  3. Mika >>> tout à fait. Pour les deux.

    Anonyme >>> ?

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  4. L' "auteure" m' a piqué les yeux...

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  5. Un très bel album, oui, qui dure de manière surprenante.

    BBB.

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  6. Anonyme >>> par contre le barbarisme total qu'est "songwriteuse" ne te choque pas ? C'est un peu curieux tout de même :-)

    Enfin. Il n'y a nul militantisme dans l'usage du mot "auteure". La langue n'est pas quelque chose de figé, elle évolue tout le temps et je trouve que jouer avec un régal. D'autant qu'en l'occurrence, il s'agit d'une féminisation largement acceptée de nos jours, nullement d'une invention de ma part.

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  7. En fait je peux pas m' empêcher de voir Isabelle alonzo derrière ce mot, ce qui à mis brusquement fin à ma rêverie sur martina :-)

    Merci pour ta réponse et ta belle plume, l' album est en effet très bon.

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  8. Écoute, je ne connais pas l'avis d'Isabelle sur ce point ^^

    P.S. : mais pourquoi tu ne tapes pas ton nom plutôt que de rester Anonyme ?...

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  9. Je suis plutôt du genre "lecteur passif" et je voulais pas que l' on me reconnaisse comme le lourdingue de service! Pour une fois que je sors de l' ombre...

    Pour revenir au sujet, j' avais bien aimé "The blue god", je le trouvais frais et "passe partout", le genre d' album qui s' écoute bien durant un été, et que l' on oublie aussitôt après...

    Du coup, ce "some place simple" ,aussi réussi soit-il, est un peu "bâtard", je le connais déjà mais j' apprécie la ré-orchestration.

    En gros j' ai peur d' être vite lassé...

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  10. Je dois dire que même si je les connais, j'ai peu écouté les deux autres albums de Martina (et je ne l'ai pas fait depuis des années pour le premier). Du coup le travail de réinvention marche sans doute plus facilement sur moi.

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  11. Bon bah, encore merci au Golb de me remettre à la page de la musique.
    Comme j'avais aimé sa voix sur les albums Maxinquaye (euh, l'orthographe là...)
    Donc, j'ai écouté, j'ai aimé, et j'ai acheté.

    Thanx!

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  12. "Donc, j'ai écouté, j'ai aimé, et j'ai acheté."

    Si seulement tout fonctionnait ainsi ! :-)

    (et c'est bien Maxinquaye, bien joué ^^)

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  13. Pour la soul, c'est un peu juste. Je trouve que la voix manque de cassures. Sinon, les chansons sont jolies.

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  14. En même temps ce n'est pas vraiment de la soul...

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  15. oui c'est ce que je voulais dire.
    Snowman me donne la chair de poule là.
    Mais je vois ce que tu veux dire à propos des cassures qui faisaient le charme de Ponderosa.

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  16. Je ne connaissais même pas le nom ni les albums solo de cette artiste.

    Voilà c'est réparé, merci le Golb pour cette agréable découverte, l'album idéal pour conduire relax dans les embouteillages de fin de semaine

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  17. Bon ben je suis énervée, et c'est pour ça que j'ose un commentaire alors que ça fait un moment que je visite régulièrement ce blog tout à fait silencieusement.

    J'ai toujours bien aimé Martina Topley Bird, et ce post me donne une furieuse envie d'écouter son nouvel album. Sauf qu'il n'est pas sur Spotify et que je suis fauchée comme les blés, maintenant je vais passer ma journée à ruminer. Triste vie.

    (Bon, en fait je voulais juste dire que j'adore lire le golb, donc bonne continuation.)

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  18. Bon, je ne vais pas m'enthousiasmer à en prétendre que Dieu existe, donc juste merci ! =)

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  19. Hum hum, au final j'ai un peu honte parce que je viens de me rendre compte que l'album est bien sur spotify. A défaut d'avoir toute ma tête, au moins j'ai mes oreilles ! =)

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  20. Je propose de faire comme si on n'avait rien vu :-)

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