dimanche 29 août 2010

Un zest de Rock en Seine

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Au moment d'écrire une note sur cette journée de Rock en Seine, il y a comme un doute qui s'insinue en votre doux serviteur. Ai-je vraiment envie de parler du festival lui-même, qui m'a semblé encore plus mou et consensuel que dans mon souvenir (pour vous dire, je n'ai même pas croisé un seul mec bourré), de sa programmation très très discutable (des gens comme Plan B et Two Door Cinema Club devraient être interdits de séjour sur notre territoire - mais que fait Brice Hortefeux ?) et de sa seule et unique idée géniale (mettre des poubelles dans le Parc de Saint-Cloud, où incroyable mais vrai il n'y en a pas le reste de l'année) ? Notez que la journée de la veille ayant été semble-t-il illuminée par les prestations de Blink 182 et de Skunk Anansie (non, nous ne parlons pas de l'édition 1997 du Rock dans tous ses états), le pire était derrière nous.

Et c'est vrai que les Stereophonics ne constituent pas le pire du rock contemporain (enfin, de 1997, entendons-nous bien). Ils en sont en quelque sorte le baromètre discret, groupe en tout point moyen permettant aux autres de se situer. On imagine les discussions backstage après les concerts : "Alors ? C'était bien ?" "Ecoute, je te mets +3 sur l'échelle des Stereophonics". Show moyen, donc (quelle surprise), principalement composé de mid-tempo (oui car même leurs rythmes sont moyens). En fait chez ce groupe, le seul truc qui est bien c'est la voix du chanteur, qu'il n'utilise malheureusement que pour brailler des niaiseries (car l'intelligence des Stereophonics est - je vous le donne en mille - moyenne). Bref. Pas désagréable, mais pas spécialement bien. Si on osait, on dirait que c'était le typique concert de festival à 17 heures.
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On sera évidemment nettement plus emballé par le set de Martina Topley Bird, et l'on ne remerciera jamais assez Où est le Swimming Pool d'avoir fait place nette pour lui laisser un petit créneau. Oui, j'ose. Pour vous dire, quand Martina a dit qu'on pensait très fort à lui, tout le monde a applaudi et je ne suis pas sûr du tout qu'il n'y avait pas une petite part d'ironie de la part du public. En tout cas chez moi, oui. Mais comment penser autrement ? Voix enchanteresse, percussions, mélodies cristallines... on aura même droit à une superbe version d''Overcome' (il fallait bien ça pour compenser la bouillie délivrée par Tricky lors de son dernier passage parisien). A la limite, ce qui est presque choquant, c'est qu'une artiste d'aussi grande classe n'ait pas été dès le départ prévue à l'affiche. Mais bon : comme tout le monde, j'ai depuis longtemps renoncé à essayer de pénétrer la logique des progs de festivals.

Pause dîner et premier gros morceaux de la soirée avec les Queens Of The Stone Age, qui se paient même le luxe de démarrer légèrement en avance. Comment dire ? Ces gens sont tout de même d'une classe extraordinaire. Même dans un concert de festival à la set-list best of, même en enquillant les banalités entre les morceaux, même dans un show ultra-carré... il se dégage de Josh Homme une coolitude, une décontraction rarissimes. Le mec joue devant des milliers de personnes comme il jouerait dans un petit club poisseux, même énergie, même générosité et mêmes poses (il faut voir comment il foudroie du regard le public qui se met à applaudir après le premier break de 'Song for the Dead'). Allez, un petit reproche toutefois : la prédominance des titres de Rated "R" et Songs for the Deaf n'aura probablement pas semblé très rassurante à tous ceux qui s'inquiètent de voir l'art de Josh Homme légèrement décliner depuis quelques années. Comme on l'avait déjà noté il y a quelques semaines concernant Tricky, il est toujours un peu étrange de voir un artiste se reposer sur des morceaux vieux de plus de dix ans pour enthousiasmer la foule. Certains diraient que c'est le début de la fin, en général. Mais l'honnêteté oblige à reconnaître que du strict point de vue musical, ça ne s'entendait pas vraiment hier soir.

Nouvelle pause à présent, histoire de commettre le péché ultime (mais pas chez nous) : monter un commando de vrais de vrais, de purs et durs, susceptibles de laisser femmes et enfants s'écrabouiller devant les de plus en plus bobos Massive Attack, tandis que sur la petite scène, s'ébroue sa Majesté Jello Biafra en personne. Nous vivons quand même dans un drôle de monde : Biafra est une des dernières légendes vivantes du rock, a inventé un genre musical qui a influencé trois générations et une manière de chanter qui a profondément marqué les plus grands. A Massive on doit le trip-hop, vague mode disparue depuis plus d'une décennie, ainsi que quelques albums à succès, dont beaucoup de branlette depuis le (ou à partir du) surestimé Mezzanine. On ne demanderait pas quand même que Jello soit tête d'affiche... mais pousser le vice jusqu'à le faire jouer EN MÊME TEMPS que Massive, soit donc devant quasiment personne hormis trois centaines de vrais rockers, c'est assez sévère. Nul doute qu'il aurait brassé beaucoup plus de monde s'il avait eu droit à son set perso - précisons que ces deux concerts étaient les seuls à se chevaucher de toute la journée. La remarque méritait d'être faite, car dans l'absolu voir Massive ne m'aurait personnellement pas dérangé. Comment peut-on être stupide au point de faire jouer des artistes aussi importants simultanément ? Pourquoi pas mettre les Stereophonics là, plutôt ? C'est vrai : les Stereophonics ont vendu des disques aux auditeurs de RTL2, fut un temps. Que peut bien représenter Jello Biafra à côté de ça ?

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Peu importe. Finalement, on ne regrettera pas une seule seconde d'être allé applaudir le trublion pamphlétaire, égal à lui-même, c'est-à-dire gesticulant, harraguant la (petite) foule, grimaçant, dansant, braillant à s'en décrocher la machoire. A cinquante-deux ans, Jello est toujours dans une forme olympique, invite poliment à [biiiiiiiip] Nicolas Sarkozy ("qui s'invente de faux ennemis pour sauver son cul" ; bah alors Jello, on a lu le journal, ce matin ?), d'un charisme et d'une générosité à faire passer les Queens Of The Stone Age pour de gentils amuseurs. D'ailleurs, sur le côté de la scène, Josh Homme est venu prendre sa leçon, qui s'esclaffe des pitreries du Maître comme un l'ado fana de hardcore qu'il était encore aux débuts de Kyuss.

Certes, le groupe actuel de Jello n'est pas les Dead Kennedys, ni même Ministry ou les Melvins (qui servirent tous deux à différentes époques de backing band au légendaire chanteur de Frisco). Mais comme sur leur (très bon) dernier album (The Audacity of Hype), ils font le taf avec énergie et altruisme, conscients de toute façon que personne n'a rien à foutre d'eux et que tous les regards sont braqués sur Jello et ses mimiques, Jello et ses discours, Jello et sa blouse de médecin couverte de faux sang, sa cagoule et sa gestuelle évocatrice. La crème du dernier album y passe (dont les monstrueux 'Panic Land' et 'Electronic Plantation'), agrémentée bien évidemment de quelques classiques des Dead Kens ('California', 'Let's Lynch the Landlords'), quoiqu'en nombre raisonnable (le syndrome Iggy Pop est encore loin). Et dire qu'à trois kilomètres de là ce sont les dieux de la musique de pub qui osent se faire appeler Massive Attack. Il y en a qui ne manquent pas d'humour.