C'est du Joyce d'avant la gloire. Et encore plus, on l'imagine, d'avant la découverte française - tardive puisque remontant tout au plus au milieu des années deux-mille (*). S'il n'est déjà plus un débutant (The Tooth Fairy est son cinquième roman), on sent que l'auteur de The Facts of Life tâtonne encore, cherche le juste ton, le juste style. Essaie d'affirmer son univers et de s'affranchir d'influences assez pesantes, notamment celle - ici évidente - d'un Stephen King auquel on l'a beaucoup comparé (souvent à tort, du reste).
Je me souviens assez mal de Requiem, le précédent roman de Joyce, qui me le fit découvrir et que j'avais d'ailleurs diversement apprécié. Mais de ce qu'il m'en reste, il s'agissait d'un livre franchement original, différent de tout ce que j'avais lu auparavant. C'est nettement moins le cas ici. Dans sa manière de brosser le portrait de quatre gamins s'épanouissant (façon de parler) dans les sixties, Joyce ne cherche pas réellement l'innovation. La Féé des dents ? Un être assez étrange, qui vient hanter le petit Sam dès sa plus tendre enfance, semble lié à tous ses malheurs... mais dans le fond, si l'idée d'aller chercher cet être surnaturel-ci peut sembler maline, tout cela n'est qu'une histoire de croque-mitaine parmi d'autres.
Ce qui frappe vraiment dans The Tooth Fairy, frappe et marque durablement, c'est son atmosphère. Anxiogène. Poisseuse. Glauque, pour tout dire. Peu importe où l'on souhaitera le ranger, Joyce échappe aux catégorisations abusives. Il peut éventuellement s'apparenter au fantastique, mais ce sont surtout les pulsions humaines qui l'intéressent. Il n'écrit pas non plus vraiment de thriller ; The Tooth Fairy, comme la plupart de ses livres, ne fait peur. Il provoque quelque chose de beaucoup plus rare : il met mal à l'aise. Il dérange. Joyce est de toute évidence fasciné par tout ce qui est malsain, tout ce qui peut apparaître comme déviant au regard d'une morale judéo-chrétienne qu'il sembler exécrer de toutes ses forces. La manière dont il présente les enfants comme des êtres sexués torturés par leurs pulsions va à contre-courant de tout ce qui se produit de nos jours, notamment dans le monde anglo-saxon. La Fée des dents ? Elle n'est sans le moindre doute qu'une allégorie du désir croissant et réprimé, de la frustration sexuelle la plus sordide. Tout le comme l'était la mystérieuse personne qui traquait Jesse dans The Stormwatcher, ne l'entretenant que de sexe, de mort et de nihilisme.
Comme souvent, on referme le livre en se sentant assez bizarre, partagé entre l'admiration sincère pour un auteur de grand talent et la satisfaction d'en être bien heureusement sorti. Graham Joyce n'est pas le genre d'écrivain dont on a envie de dévorer toute l'œuvre d'un seul coup. Plutôt un écrivain que l'on retrouve ponctuellement, sans se presser, avec un mélange indescriptible de crainte et de plaisir un brin masochiste. Exactement comme le petit Sam lorsqu'après une longue absence, la Fée des dents revient lui rendre visite...
(*) Bien que certains de ses livres - dont celui-ci - aient été édités dans la poubelle Pocket Terreur au milieu des années quatre-vingt-dix, Joyce n'avait eu jusqu'au (ré)éditions chez Bragelonne qu'un retentissement discret.
Je me souviens assez mal de Requiem, le précédent roman de Joyce, qui me le fit découvrir et que j'avais d'ailleurs diversement apprécié. Mais de ce qu'il m'en reste, il s'agissait d'un livre franchement original, différent de tout ce que j'avais lu auparavant. C'est nettement moins le cas ici. Dans sa manière de brosser le portrait de quatre gamins s'épanouissant (façon de parler) dans les sixties, Joyce ne cherche pas réellement l'innovation. La Féé des dents ? Un être assez étrange, qui vient hanter le petit Sam dès sa plus tendre enfance, semble lié à tous ses malheurs... mais dans le fond, si l'idée d'aller chercher cet être surnaturel-ci peut sembler maline, tout cela n'est qu'une histoire de croque-mitaine parmi d'autres.
Ce qui frappe vraiment dans The Tooth Fairy, frappe et marque durablement, c'est son atmosphère. Anxiogène. Poisseuse. Glauque, pour tout dire. Peu importe où l'on souhaitera le ranger, Joyce échappe aux catégorisations abusives. Il peut éventuellement s'apparenter au fantastique, mais ce sont surtout les pulsions humaines qui l'intéressent. Il n'écrit pas non plus vraiment de thriller ; The Tooth Fairy, comme la plupart de ses livres, ne fait peur. Il provoque quelque chose de beaucoup plus rare : il met mal à l'aise. Il dérange. Joyce est de toute évidence fasciné par tout ce qui est malsain, tout ce qui peut apparaître comme déviant au regard d'une morale judéo-chrétienne qu'il sembler exécrer de toutes ses forces. La manière dont il présente les enfants comme des êtres sexués torturés par leurs pulsions va à contre-courant de tout ce qui se produit de nos jours, notamment dans le monde anglo-saxon. La Fée des dents ? Elle n'est sans le moindre doute qu'une allégorie du désir croissant et réprimé, de la frustration sexuelle la plus sordide. Tout le comme l'était la mystérieuse personne qui traquait Jesse dans The Stormwatcher, ne l'entretenant que de sexe, de mort et de nihilisme.
Comme souvent, on referme le livre en se sentant assez bizarre, partagé entre l'admiration sincère pour un auteur de grand talent et la satisfaction d'en être bien heureusement sorti. Graham Joyce n'est pas le genre d'écrivain dont on a envie de dévorer toute l'œuvre d'un seul coup. Plutôt un écrivain que l'on retrouve ponctuellement, sans se presser, avec un mélange indescriptible de crainte et de plaisir un brin masochiste. Exactement comme le petit Sam lorsqu'après une longue absence, la Fée des dents revient lui rendre visite...
👍 The Tooth Fairy [L'Intercepteur de cauchemars]
Graham Joyce | Pocket Books, 1996
(*) Bien que certains de ses livres - dont celui-ci - aient été édités dans la poubelle Pocket Terreur au milieu des années quatre-vingt-dix, Joyce n'avait eu jusqu'au (ré)éditions chez Bragelonne qu'un retentissement discret.
Ah, cette histoire de fée des dents, ça me fait penser à... "The tooth fairy and the princess" d'Hüsker Dü (ça doit pas être bien éloigné, comme atmosphère^^).
RépondreSupprimerJ'avais bien aimé "En attendant l'orage", qui est certes bien plus récent.
RépondreSupprimerLu chez Pocket (collection pas terrible mais lorsque eux et J'ai Lu ont arrêté de publier de l'horreur ce fut une catastrophe...) et peu apprécié à l'époque (pas mon "genre" d'horreur). Bizarrement, à sa sortie en salle, le film Jeepers Creepers m'a énormément fait penser à ce livre.
RépondreSupprimerUn rapport avec le film Darkness Falls ?
RépondreSupprimerJe n'ai pas vu ce film mais à lire le synopsis je ne vois pas trop quel rapport il pourrait y avoir...
RépondreSupprimerMoi je l'ai vu et le rapport est la fée des dents... Sinon le film, avec Emma-comme-tout-le-cast-de-Buffy-ma-carrière-est-une-catastrophe-Caulfield, est nul.
RépondreSupprimerNon mais ma question s'adressait à Diane sur Darkness truc, pas à toi sur Jeepers (que j'avais beaucoup aimé d'ailleurs)
RépondreSupprimerEt je répondais à ta question sur Darkness Falls justement...
RépondreSupprimerJ'ai compris entre temps. Cependant je confirme que ça n'a rien à voir avec Joyce, malgré tout.
RépondreSupprimerFélicitations pour ton blog, et en particulier pour tes critiques sur Graham Joyce, très pertinentes.
RépondreSupprimerJ'avais, en son temps, dévoré ses livres publiés chez pocket terreur, Requiem, l'enfer des reves, la fée des dents, et quelques autres. Ce fut une grande et belle découverte.
Une autre magnifique découverte fut T.M.Wright et son "Manhattan ghost story", au lien avec le fantastique beaucoup plus assumé, mais à une écriture également unique.
Bonne route pour ton Blog
Sergio
Merci Sergio !
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