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Imaginez que Jerry Seinfeld ait été slave plutôt que juif, qu'il n'ait jamais réussi à percer, vu son physique se confondre progressivement avec celui de son ami George Costanza, se soit marié, ait eu deux filles, ait divorcé, et ait perdu progressivement le goût de la vie et la maniaquerie qui le caractérisent. On pourrait presque résumer ainsi la morne existence de Louis C.K., héros de la nouvelle comédie éponyme de FX, qui confirme après Community et Modern Family qu'au terme de presque une décennie d'hibernation le sticom US est en train de retrouver progressivement le goût du risque et de l'ambition.
La comparaison avec Seinfeld s'impose presque d'entrée à cause des extraits de stand-up (dans un environnement beaucoup moins cosy) qui jalonnent les épisodes, mais c'est en réalité plutôt à Curb Your Enthusiasm que Louie fait réellement penser. Comme la série de Larry David, les chroniques de Louis C.K. prennent la forme d'une autofiction sans complaisance. Et l'on se surprend à éprouver le même malaise face à certaines scènes, l'ensemble semblant hurler de douleur sous l'apparence de gags maniant l'auto-cruauté à outrance.
Car Louis est un authentique loser, ni magnifique ni plein d'espoir. Juste un raté, sûr de lui sur scène mais absolument incapable d'adresser la parole à une femme sans se ridiculiser, aimant ses filles plus que tout en ce monde et sincèrement convaincu que sa vie s'arrêtera le jour où elles quitteront la maison. Pas franchement beau, pas franchement brillant, même pas franchement sympathique, il traîne sa mélancolie comme un chien ses puces (pour reprendre l'expression de Philippe Djian) dans un New York imbibé et nocturne, dont les habitants semblent presque tous aussi solitaires et désespérés que lui. Que le rire puisse surgir de cet océan de grisaille a quelque chose de presque fascinant, d'autant que dans ses séances de stand-up C.K. ne s'avère même pas un comique particulièrement fin ni inspiré. Plutôt un type amer enrobant sa dépression nerveuse de vannes tombant souvent à plat, aussi peu convaincu de son talent que de ce que la vie puisse lui réserver encore un tant soit peu de bonheur.
L'ensemble pourrait être totalement anxiogène (et soyons franc : on n'en est parfois pas loin), si Louie C.K. ne parvenait à trouver un équilibre assez incroyable entre la mélancolie et la bouffonnerie, jamais aussi percutant que lorsqu'il se couvre joyeusement de ridicule. Qu'il facebooke son premier flirt ou tombe sur une maniaque obsédée par les vieux (cinq minutes d'ores et déjà d'anthologie), qu'il drague piteusement ou consulte un médecin timbré (incarné avec une folie communicative par le génial Ricky Gervais)... Louie, dont la précédente tentative de série (Lucky Louie, sur HBO) avait été un four retentissant, réussit toujours à toucher à l'universalité, à l'essentiel, réussissant cette prouesse réservée aux plus grands que de vous donner parfois envie de rire et de pleurer à la même seconde. A terme, on peut par conséquent espérer le meilleur pour la suite, voire une véritable consécration : devenir une icône de la lose, une incarnation du loser éternel, forçant l'empathie de tous les paumés de cette planète, bien content d'être vengés de toutes séries ne s'intéressant qu'aux beautiful - or rich - people.
On n'en est pas encore là, mais je vous propose tout de même d'allumer un cierge.
"Mettre les enfants au lit est une torture ; c'est la pire chose au monde, parce qu'ils ne veulent jamais dormir alors qu'ils en ont plus besoin que quiconque, sinon ils sont tous pourris le lendemain. Et moi JE veux dormir. [...] J'adore mes enfants mais à la fin de la journée je n'ai plus de jus, et eux sont montés sur piles et ne voient pas du tout l'intérêt de se coucher. Comme j'aimerais éteindre leur inlassable joie de vivre ! [...] Je veux le plaisir et le bonheur de voir la paternité s'arrêter juste un peu... pour que je puisse aller chercher de la glace dans le congélo, cette glace dont les filles n'ont pas idée qu'elle est là. Ça leur briserait le cœur si elles savaient toute la glace que je conserve dans cette maison. C'est presque un restaurant... et ce n'est pas pour elles, je ne leur en donne jamais. C'est à MOI. J'attends qu'elles s'endorment et je la mange dans leurs chambres, au-dessus de leurs lits, dans le noir."
Louie (saison 1), créée par Louis C.K. (FX, 2010)
Imaginez que Jerry Seinfeld ait été slave plutôt que juif, qu'il n'ait jamais réussi à percer, vu son physique se confondre progressivement avec celui de son ami George Costanza, se soit marié, ait eu deux filles, ait divorcé, et ait perdu progressivement le goût de la vie et la maniaquerie qui le caractérisent. On pourrait presque résumer ainsi la morne existence de Louis C.K., héros de la nouvelle comédie éponyme de FX, qui confirme après Community et Modern Family qu'au terme de presque une décennie d'hibernation le sticom US est en train de retrouver progressivement le goût du risque et de l'ambition.
La comparaison avec Seinfeld s'impose presque d'entrée à cause des extraits de stand-up (dans un environnement beaucoup moins cosy) qui jalonnent les épisodes, mais c'est en réalité plutôt à Curb Your Enthusiasm que Louie fait réellement penser. Comme la série de Larry David, les chroniques de Louis C.K. prennent la forme d'une autofiction sans complaisance. Et l'on se surprend à éprouver le même malaise face à certaines scènes, l'ensemble semblant hurler de douleur sous l'apparence de gags maniant l'auto-cruauté à outrance.
Car Louis est un authentique loser, ni magnifique ni plein d'espoir. Juste un raté, sûr de lui sur scène mais absolument incapable d'adresser la parole à une femme sans se ridiculiser, aimant ses filles plus que tout en ce monde et sincèrement convaincu que sa vie s'arrêtera le jour où elles quitteront la maison. Pas franchement beau, pas franchement brillant, même pas franchement sympathique, il traîne sa mélancolie comme un chien ses puces (pour reprendre l'expression de Philippe Djian) dans un New York imbibé et nocturne, dont les habitants semblent presque tous aussi solitaires et désespérés que lui. Que le rire puisse surgir de cet océan de grisaille a quelque chose de presque fascinant, d'autant que dans ses séances de stand-up C.K. ne s'avère même pas un comique particulièrement fin ni inspiré. Plutôt un type amer enrobant sa dépression nerveuse de vannes tombant souvent à plat, aussi peu convaincu de son talent que de ce que la vie puisse lui réserver encore un tant soit peu de bonheur.
L'ensemble pourrait être totalement anxiogène (et soyons franc : on n'en est parfois pas loin), si Louie C.K. ne parvenait à trouver un équilibre assez incroyable entre la mélancolie et la bouffonnerie, jamais aussi percutant que lorsqu'il se couvre joyeusement de ridicule. Qu'il facebooke son premier flirt ou tombe sur une maniaque obsédée par les vieux (cinq minutes d'ores et déjà d'anthologie), qu'il drague piteusement ou consulte un médecin timbré (incarné avec une folie communicative par le génial Ricky Gervais)... Louie, dont la précédente tentative de série (Lucky Louie, sur HBO) avait été un four retentissant, réussit toujours à toucher à l'universalité, à l'essentiel, réussissant cette prouesse réservée aux plus grands que de vous donner parfois envie de rire et de pleurer à la même seconde. A terme, on peut par conséquent espérer le meilleur pour la suite, voire une véritable consécration : devenir une icône de la lose, une incarnation du loser éternel, forçant l'empathie de tous les paumés de cette planète, bien content d'être vengés de toutes séries ne s'intéressant qu'aux beautiful - or rich - people.
On n'en est pas encore là, mais je vous propose tout de même d'allumer un cierge.
"Mettre les enfants au lit est une torture ; c'est la pire chose au monde, parce qu'ils ne veulent jamais dormir alors qu'ils en ont plus besoin que quiconque, sinon ils sont tous pourris le lendemain. Et moi JE veux dormir. [...] J'adore mes enfants mais à la fin de la journée je n'ai plus de jus, et eux sont montés sur piles et ne voient pas du tout l'intérêt de se coucher. Comme j'aimerais éteindre leur inlassable joie de vivre ! [...] Je veux le plaisir et le bonheur de voir la paternité s'arrêter juste un peu... pour que je puisse aller chercher de la glace dans le congélo, cette glace dont les filles n'ont pas idée qu'elle est là. Ça leur briserait le cœur si elles savaient toute la glace que je conserve dans cette maison. C'est presque un restaurant... et ce n'est pas pour elles, je ne leur en donne jamais. C'est à MOI. J'attends qu'elles s'endorment et je la mange dans leurs chambres, au-dessus de leurs lits, dans le noir."
Louie (saison 1), créée par Louis C.K. (FX, 2010)
Série vraiment excellente même si des fois...enfin elle fait mal, quoi. Ca peut renvoyer assez violemment à notre propre image si on est un homme occidental et urbain quand même...
RépondreSupprimerOui... on peut facilement se projeter et se sentir mal à l'aise, c'est certain...
RépondreSupprimerLouie, ça a été la grosse suprise de cet été... C'est un peu trop pessimiste pour moi, mais c'est une petite série qui tombe à point et qui fait pas mal réfléchir (réellement, car comme dit Serious Moon, ça nous renvoie à nous-même) et rigoler aussi, beaucoup, paske du coup ça permet de relativiser, dédramatiser, aussi non?
RépondreSupprimerEt ce qui est notamment très drôle c'est le "jeu" de Louis et la manière dont il délivre le tout, c'est franchement, franchement bien...
Bref, je recommande sans hésiter et particulièrement le stand-up de début de l'épisode 6 qui est super dérangeant et mais TELLEMENT, TELLEMENT drôle (au début, j'ai hésité à sourire, c'est méchant, c'est dérangeant, c'est pas du tout politiquement correct, mais à la fin j'en pouvais plus de rigoler :-) et je crois que ça a fait un buzz aussi... non sincèrement le "Letting you live was medical malpractice", il est super bon :-)))) )
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerAh oui tiens. C'est vrai que cette scène a quelque chose d'assez hard (notamment parce qu'elle est filmée de manière presque documentaire). Cela dit le passage sur les pédophiles est bien dérangeant aussi...
RépondreSupprimerOui, y'a celui là, celui sur la religion aussi, les relations interaciales, la visite chez le dentiste et la banane, et les séances de boulimie que rappelle d'ailleurs ton extrait, hmmm pretty much tous les épisodes? :-) (Ahhh dis comme ça, ça donne pas envie de regarder, d'où l'importance de la dimension "comique", paske sinon, ce serait réellement trop dérangeant...)
RépondreSupprimerDu coup j'pense que je vais regarder Lucky Louie... Et j'ai bien envie de commencer Curb Your Enthusiasm, mais le nbre de saisons me démotivent...
Il y a aussi un "film" qui s'appelle Hilarious de Louis C.K. qui vient de sortir... Apparemment, le titre ne ment pas, je veux bien le croire...
En fait Curb est vraiment une excellente série mais ça se regarde très lentement, ça peut vite soûler. D'ailleurs le nombre de saisons est un peu trompeur, il y en a sept, mais réparties sur dix ans et avec finalement peu d'épisodes. Je crois que HBO elle-même s'est rendue compte du risque de gavage.
RépondreSupprimerAttends y'a une 8e saison prévue pour avril 2011!!! Non, mais ils déconnent là! En plus, je suis désolée mais, je viens juste de me rendre compte que Boardwalk Empire, c'est ce dimanche? I'm SO watching this!!! Ça sent déjà le chef d'œuvre...
RépondreSupprimer(Sinon Curb, j'essaierai de regarder au moins le premier épisode et Lucky Louie, j'ai du mal à trouver le... DVD ;-) )
heureusement qu'on a le Golb parceque si on devait se fier aux inrocks...
RépondreSupprimerhttp://blogs.lesinrocks.com/series/2010/09/13/la-rentree-des-series-us-1ere-partie-hellcats-nikita-terriers/
en même temps avec tout ce que tu balances j'ai plus le temps moi.
Elodie >>> ils déconnent mais en même temps Curb n'est qu'une fois tous les deux ans...
RépondreSupprimerDiane >>> oui, la rentrée n'est pas grandiose, il faut le dire à leur décharge. Et puis Louie en fait était une série de l'été, donc...
Cette série est vraiment géniale. Je ne te remercierais jamais assez pour cette découverte !
RépondreSupprimerMais de rien.
RépondreSupprimerUn vrai bonheur, drôle et émouvant. Merci pour la découverte.
RépondreSupprimerDe rien (bis)
RépondreSupprimerTout simplement ENORME !
RépondreSupprimerAhhhhh ! Le 110 avec le sketch sur les pédophiles + la caissière black.
Ahhhhhh ! Les apparitions de Ricky Gervais ;-)
Ahhhh ! Le 109 avec le rencard dans le doughnut's place et l'ado "kick your ass" !
Corrosif et jouissif !
Tu m'étonnes ! Je pensais que tu l'avais vu depuis longtemps !
RépondreSupprimerIl y a des choses que je repousse très longtemps, sans raison valable. Ah ! Cette scène chez le dentiste ;-)
RépondreSupprimerMoi qui n'y vais jamais, c'est sûr que ça ne m'encourage pas des masses !
RépondreSupprimerLe 208 est tout bonnement jouissif ! ;-)
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