dimanche 19 septembre 2010

Modern Family - Le Pot est vieux, la soupe exquise.

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Si la famille est un terreau inépuisable de frustration, d'incompréhension, un invraisemblable concentré de société en quelques personnes... donc une inspiration universelle et éternelle, elle est aussi, il ne faut pas se leurrer, en passe de devenir un écueil. C'est d'autant plus vrai en matière de séries télévisées, genre largement dominé par les États-Unis qui - je ne vous apprends rien - ont fait de la famille le socle de leur culture et l'une de leurs préoccupations principales. Certains chaînes (sinon toutes) pullulent par conséquent de programmes sur le sujet, dans tous les genres, dans tous les styles, du plus comique ou plus mélodramatique, au point qu'en la matière ont ait souvent le sentiment d'avoir déjà vu tout ce qu'il y avait à voir - et depuis longtemps. Le principe aurait même tendance à s'essouffler d'autant plus vite que, si la famille est toujours un sujet efficace, ce n'est pas une intrigue en soi.

Auréolée d'un succès inattendu et de critiques franchement dithyrambiques, Modern Family, qui débute demain soir sur Paris Première, aurait pu n'être qu'une série de plus sur le sujet, produit par un network - ABC - qui en fabrique quasiment à la chaîne. Cette seule donnée suffisant à y aller à reculons, c'est avec une certaine surprise que l'on découvre que non seulement Modern Family n'est pas poussive mais qu'en plus, il s'agit d'une franche réussite, sitcom drôle et intelligent sur l'un des sujets les plus prises de tête du monde.

Les rapprochements évidents ne manquent évidemment : dans sa forme mockumentary, Modern Family porte la marque de The Office (probablement l'une des séries les plus influentes des dernières années), comme quelques autres avant elle ; dans son sujet (et sa forme aussi, partiellement), on peut la voir comme une version américaine de la franchouillarde Fais pas ci, fais pas ça, au point que certains aient été jusqu'à affirmer que la fiction de Christopher Lloyd et Steven Levitan en était un remake (ce qui n'est pas le cas, il y a même fort à parier qu'ils n'aient jamais entendu parler de cette sympathique petite série dont beaucoup de Français eux-mêmes n'ont jamais entendu parler). Mais là où cette dernière, deux saisons plus tard, peine toujours à vraiment trouver ses marques, là où The Office US, dès le départ, semblait destinée à lasser... Modern Family, qui comme son nom l'indique s'intéresse à une famille partiellement éclatée et recomposée, semble pourvue d'un potentiel bien plus vaste, comme en témoigne sa montée en puissance au fil des épisodes.

C'est que le ton doux-amer qu'elle adopte rapidement lui permet de faire passer toutes ces choses trop souvent absentes des sitcoms US : l'émotion, la tendresse, l'empathie. Particulièrement bien campée, portée par une galerie de comédiens (dix !) excellents enfants compris, la série parvient à jouer de nuances et à trouver le juste équilibre en comédie et réalité, scènes de la vie quotidienne et absurde, identification et distance (les passages d'interviews face caméra, pour limités qu'il puissent s'avérer sur le long terme, sont un excellent atout pour ce faire). On s'esclaffe peu, ce n'est pas le but. Mais l'on sourit souvent, avec un petit pincement au cœur, un élan de compassion, y compris devant certains gags finalement assez convenus, mais dont on ne peut s'empêcher de se dire qu'ils le sont parce que tout le monde a vécu cela un jour.

Le traitement de la famille elle-même obéit à ce principe équilibriste : quiconque a déjà regardé quelques séries ABC autres que Lost peut facilement se rendre compte que Modern Family est un cas quasiment exceptionnel de série "sur la famille" où à aucun moment on a le sentiment de se faire embarquer dans un truc aux relents réactionnaires et/ou conservateurs, avec la sacro-sainte famille brandit en étendard comme une valeur essentielle. A contrario de cette idée dominante, quoique sans la renier tout à fait (c'est toute l'intelligence de la série), Modern Family illustre parfaitement son titre en soulignant avec finesse comme la famille, dans le fond, n'est jamais qu'un conglomérat d'individualités souvent en contradiction les unes avec les autres. Une bonne illustration de cela est l'épisode où Claire, la mère de famille américaine modèle (donc au foyer), essaie de frimer devant une ancienne collègue de travail (working girl snob et caricaturale) en l'amenant chez elle pour lui montrer tout ce qu'elle "loupe". Or quand dans n'importe quelle autre série la morale serait puante... ici la visite est une catastrophe, la belle famille américaine se comporte n'importe comment, la maison est changée en Enfer et la working girl repart bien contente d'avoir échappé à cette vie - elle qui regrettait quelques scènes plus tôt de ne pas avoir d'enfants.

Comme Community cette année, quoique dans un registre très différent, Modern Family mise essentiellement sur les personnages et le regard humaniste qui est jeté dessus, les traitant sans hiérarchie et leur laissant le temps et l'espace pour se révéler. On a assez répété dans ces pages à quel point c'était essentiel à une bonne comédie pour ne pas bouder celle-ci.


Modern Family (saison 1), créé par Christopher Lloyd et Steven Levitan (ABC, 2009-10)

7 commentaires:

  1. Paris Première ne s'y est pas trompé, c'est sûrement la meilleure "nouvelle série" de la saison dernière. J'ai hâte que la saison 2 commence.

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  2. Meilleure nouvelle série me semble carrément excessif. Par contre c'est vrai que MF a un côté super "fédérateur" sans jamais faire dans le consensuel et ça, c'est fort, il n'y a que les américains qui savent le faire.

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  3. Très bonne série en ce qui me concerne ! Les personnages sont très attachants et très bien joués, les épisodes rythmés et souvent mémorables. Ce n'est pas aussi original que Community mais c'est super bien foutu et vraiment à hurler de rire parfois.

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  4. Je suis pas mal mitigee sur cette serie parce que je l apprecie malgre moi :-). En effet, elle ne suscite aucune emotion particuliere, mais elle est effectivement bonne... je ne sais pas trop expliquer... mais quand meme pour moi heureusement qu il y a phil et le couple d'homosexuels pour y ajouter un peu de loufoque...

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  5. Bon, on va regarder ça.

    C'est Christopher "Nom de Zeus !" Lloyd ou un homo nyme ?

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  6. Bon ben j'en ai regardé 5 ou 6 là... C'est bien efficace quand même!
    Ca fait un peu penser à arrested development (je sais plus comment ça s'écrit...) dans l'absurde.

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  7. Alors non, Christophe, il s'agit d'un malheureux homonyme (qui cela dit n'est pas totalement un inconnu non plus puisqu'il fut longtemps l'un des piliers de l'excellente Frasier)

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