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Voilà quelques temps maintenant... un an, peut-être, que je me pose une question étrange, une question que je n'aurais jamais cru être amené à me poser un jour. Depuis un petit moment maintenant, je me demande si j'aime encore Neil Young. Ce n'est pas rien pour moi, car Neil Young marqua considérablement mon existence. Il fut même longtemps mon idole absolue, à égalité parfaite avec Bowie et Nick Cave. De Neil Young je possède tout, connais l'œuvre jusque dans ses moindres recoins, pourrais reconnaître n'importe quelle démo à la première note. Neil Young fut, il faut le préciser, l'un des tous premiers "vieux" artistes à me toucher, et même à me percuter. C'était l'époque du grunge, il faisait un énième come-back au sommet, Sleeps with Angels était le meilleur album du monde et Weld le live rock définitif.
Des années après je n'écoute plus guère le Loner qu'au gré de rééditions ou de nouvelles sorties, le retrouvant avec le même plaisir que l'on revoit un vieux tonton un peu poivrot aux communions et aux mariages... on est content et même : on rigole. La soirée achevée, on n'éprouve cependant pas spécialement le besoin de l'appeler pour le remercier, ni de l'inviter à déjeuner le dimanche suivant. Je ne sais pas exactement à quel moment nos relations se sont distendues. Young ne doit pas être loin d'être le musicien sur lequel j'ai le plus écrit dans ma vie. J'ai dû chroniquer chacune de ses sorties depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Mais chaque année, j'en ai un peu moins envie que la précédente. Je crois que nous avons subi l'usure que rencontre tout couple au bout d'un moment : Neil et moi, on commence à trop bien se connaître. Quand j'écoute une de ses nouvelles chansons, je le vois venir à des kilomètres. Son petit pont, son petit refrain. J'arrive souvent à deviner telle ligne de chant avant qu'il ouvre la bouche. Certaines rimes me viennent en tête avant de les avoir entendues. Je ne cherche pas forcément toujours à être surpris - en couple comme en musique - mais j'aime bien quand même ne pas avoir l'impression que ma vie n'est qu'un interminable ronronnement.
Le Noise, qui sort lundi, c'est exactement cela. Déjà, quand tout le monde se félicite de ce que le Loner ait rebranché les amplis, je me contente de lui adresser un sourire tendre et entendu. Ce n'est que la soixante-douzième fois qu'il nous joue le couplet du retour aux sources taries du rock électrique, tout ça pour coller des ballades sur la moitié du disque (Rust Never Sleeps nous faisait déjà ce coup-là il y a plus de trente ans). La distos a beau être devenue plus rare sur ses albums depuis le début des années deux-mille, celui-ci ne sera jamais que son troisième album de rock en cinq ans, pas de quoi sabrer le champagne. On reste loin du seul véritable album noisy du gaillard, l'éprouvant (mais génial) Arc, en 1991... putain, cela ne nous rajeunit pas plus que lui.
Pourtant Le Noise est un bon album. Autrement plus marquant que - au hasard - Fork in the Road l'an passé. C'est un bon album avec, parfois, de sacrées chansons ("Walk with Me" en ouverture, "Love & War" aussi, malgré des accents de "My, My, Hey, Hey" indéniables). Son crime n'est pas d'être mauvais. Il ne commet d'ailleurs pas de crime (in the city, ah ah). Il semble juste incapable - et sans doute n'est-ce pas réellement sa faute - d'enrayer cette tendance voulant que la musique du Loner, son stye, sa voix, son écriture me touchent moins qu'à une époque. Je pourrais rire avec cynisme des paroles de "Angry World", qui n'est pas un mauvais morceau. Ce ne serait pas juste, il n'y peut rien le pauvre Neil, il n'y peut rien s'il ne me retourne plus comme une crêpe. Je pourrais lui reprocher de ne plus savoir écrire de Tonight's the Night ou d'On the Beach, mais ne serais-je pas aussi ingrat qu'un ado faisant semblant de croire que ses parents n'ont jamais été jeunes ? En écoutant Le Noise, l'ironie me pique le nez.
C'est le Loner qui va avoir soixante-cinq ans, et c'est moi qui ai le sentiment d'avoir vieilli.
Le Noise, de Neil Young (2010)
Voilà quelques temps maintenant... un an, peut-être, que je me pose une question étrange, une question que je n'aurais jamais cru être amené à me poser un jour. Depuis un petit moment maintenant, je me demande si j'aime encore Neil Young. Ce n'est pas rien pour moi, car Neil Young marqua considérablement mon existence. Il fut même longtemps mon idole absolue, à égalité parfaite avec Bowie et Nick Cave. De Neil Young je possède tout, connais l'œuvre jusque dans ses moindres recoins, pourrais reconnaître n'importe quelle démo à la première note. Neil Young fut, il faut le préciser, l'un des tous premiers "vieux" artistes à me toucher, et même à me percuter. C'était l'époque du grunge, il faisait un énième come-back au sommet, Sleeps with Angels était le meilleur album du monde et Weld le live rock définitif.
Des années après je n'écoute plus guère le Loner qu'au gré de rééditions ou de nouvelles sorties, le retrouvant avec le même plaisir que l'on revoit un vieux tonton un peu poivrot aux communions et aux mariages... on est content et même : on rigole. La soirée achevée, on n'éprouve cependant pas spécialement le besoin de l'appeler pour le remercier, ni de l'inviter à déjeuner le dimanche suivant. Je ne sais pas exactement à quel moment nos relations se sont distendues. Young ne doit pas être loin d'être le musicien sur lequel j'ai le plus écrit dans ma vie. J'ai dû chroniquer chacune de ses sorties depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Mais chaque année, j'en ai un peu moins envie que la précédente. Je crois que nous avons subi l'usure que rencontre tout couple au bout d'un moment : Neil et moi, on commence à trop bien se connaître. Quand j'écoute une de ses nouvelles chansons, je le vois venir à des kilomètres. Son petit pont, son petit refrain. J'arrive souvent à deviner telle ligne de chant avant qu'il ouvre la bouche. Certaines rimes me viennent en tête avant de les avoir entendues. Je ne cherche pas forcément toujours à être surpris - en couple comme en musique - mais j'aime bien quand même ne pas avoir l'impression que ma vie n'est qu'un interminable ronronnement.
Le Noise, qui sort lundi, c'est exactement cela. Déjà, quand tout le monde se félicite de ce que le Loner ait rebranché les amplis, je me contente de lui adresser un sourire tendre et entendu. Ce n'est que la soixante-douzième fois qu'il nous joue le couplet du retour aux sources taries du rock électrique, tout ça pour coller des ballades sur la moitié du disque (Rust Never Sleeps nous faisait déjà ce coup-là il y a plus de trente ans). La distos a beau être devenue plus rare sur ses albums depuis le début des années deux-mille, celui-ci ne sera jamais que son troisième album de rock en cinq ans, pas de quoi sabrer le champagne. On reste loin du seul véritable album noisy du gaillard, l'éprouvant (mais génial) Arc, en 1991... putain, cela ne nous rajeunit pas plus que lui.
Pourtant Le Noise est un bon album. Autrement plus marquant que - au hasard - Fork in the Road l'an passé. C'est un bon album avec, parfois, de sacrées chansons ("Walk with Me" en ouverture, "Love & War" aussi, malgré des accents de "My, My, Hey, Hey" indéniables). Son crime n'est pas d'être mauvais. Il ne commet d'ailleurs pas de crime (in the city, ah ah). Il semble juste incapable - et sans doute n'est-ce pas réellement sa faute - d'enrayer cette tendance voulant que la musique du Loner, son stye, sa voix, son écriture me touchent moins qu'à une époque. Je pourrais rire avec cynisme des paroles de "Angry World", qui n'est pas un mauvais morceau. Ce ne serait pas juste, il n'y peut rien le pauvre Neil, il n'y peut rien s'il ne me retourne plus comme une crêpe. Je pourrais lui reprocher de ne plus savoir écrire de Tonight's the Night ou d'On the Beach, mais ne serais-je pas aussi ingrat qu'un ado faisant semblant de croire que ses parents n'ont jamais été jeunes ? En écoutant Le Noise, l'ironie me pique le nez.
C'est le Loner qui va avoir soixante-cinq ans, et c'est moi qui ai le sentiment d'avoir vieilli.
Le Noise, de Neil Young (2010)
La thérapie de couple, Thomas, la thérapie de couple, parfois, ça marche!
RépondreSupprimer;-D
C'est tellement vrai ce que tu racontes si bien. Pas seulement avec Neil. On a chacun ainsi son "fétiche" musical...
il me fait un peu l'impression de faire son metal machine music ^^
RépondreSupprimerc'est certain que cet album restera quasiment réservé aux fans, mais c'est pas loin d'être son meilleur disque depuis la BO de Dead Man, non?
C'est marrant, j'avais surtout entendu parler de cet album en tant que collaboration avec Daniel Lanois à la prod (d'où le jeu de mot du titre, d'ailleurs…) et tu as totalement viré ce pauvre Daniel de ton article.
RépondreSupprimerEn même temps, était-ce intéressant, comme info, c'est une bonne question (n'étant fan du boulot ni de l'un, ni de l'autre, j'esquive le sujet).
Pour ma part, je sais bien que c'est à cause de sa voix que j'ai un peu lâché l'affaire avec le Neil. Depuis quelques années, c'est "seulement" la voix d'un papy, alors que ce qui était fascinant, c'était son étrange androgynie, très très bien définie dans l'article du "Dictionnaire du rock" (un texte brillant, signé par Yves Bigot et Michel Houellebecq, il me semble)...
RépondreSupprimerM'enfin, ça m'a fait un peu la même avec Lou Reed.
Et je ne parlerai pas de le reformation des Buzzcocks ^^
Putain il est passé où mon commentaire???
RépondreSupprimerJe disais donc que ce n'est pas un bon album mais un très bon album.
Rien que pour Hitchicker et Peaceful Valley Boulevard. Le lien entre Dead man, Don't be denied et Zuma.
Et on notera que comme avec Dylan pour Time out of mind, D.Lanois sait visiblement y faire avec les vieilles légendes.
Plutôt d'accord avec KMS. J'aurais tendance à être au niveau des 5 (bonnes) diodes, même s'il est certain que j'écouterai bien moins le Noise que les vestiges du 70s.
RépondreSupprimerNeil Young est MON déclencheur musical. Surtout ces fameuses 70s, ça va bien faire 15 ans que j'ai un peu décroché. J'aime au moment de la sortie mais n'y reviens quasiment jamais. Je les ai tous en vrai, pourtant. J'ai quand même un peu l'impression qu'avec ce Noise ce sera un peu différent. Je repasse dans un an ;-)
Mmarsu >>> Oui, bien sûr... ça marche avec beaucoup d'autres. Souvent des gens qu'on n'écoute plus forcément régulièrement d'ailleurs...
RépondreSupprimerArbobo, KMS & Thierry >>> vous le trouvez vraiment si bon que ça ? En essayant d'oublier mes relations complexes au Loner (ce n'est pas facile), je ne le trouve pas à ce point supérieur à - au pif - Chrome Dreams II. Mais vous avez peut-être raison...
Fabrice >>> tu vois, c'est très représentatif de ce que je raconte dans l'article. Ça fait bien longtemps que je ne me laisse plus "teaser" ni "buzzer" par une sortie de Neil Young. Je ne lis rien dessus, quand l'album est dispo je l'écoute, je ne connais ni les intentions ni les crédits... et mon écoute est souvent assez indifférente. Pour moi cet album a un bon son, qui imite par instants assez bien celui de RNS (plus que Zuma, comme le dit KMS ; enfin ce n'est que mon avis)... Lanois ou pas Lanois, malheureusement, ça ne change rien au fait que j'ai l'impression de deviner chaque plan à l'avance...
Oui, pour moi, meilleur que Chrome Dreams II qui avait son lot de bonnes (vieilles) compos mais était plombé par certains morceaux répétitifs à l'extrême et méga trop longs.
RépondreSupprimerAlors, Le Noise, c'est sûr, on peut en deviner "les plans" à l'avance (surtout dans sa 2ème moitié, la 1ère m'a un peu déstabilisé à la première écoute) mais j'ai l'impression d'y retrouver un peu mon bon vieux Neil qui va même jusqu'à piquer (et pas qu'un peu) un plan aux Doors (je ne sais plus sur quelle chanson) ^^
Mais bon, comme je le disais précédemment, l'écouterai-je encore dans un an ? Pas sûr ...
Ce qui est dommage ? Lanois aurait dû produire Neil Young il y a dix ans. Young a pris de trop mauvaises habitudes de composition, Lanois n'y peut plus rien. Ce nouvel album est très intelligemment produit, et enregistré, mais je trouve dommage de consacrer une telle intelligence à des bêtises, comme Angry World.
RépondreSupprimerBBB.
pas emballé par ton article (pas d'attaque personnelle hein, au contraire, le crime in the city - ah ah m'a bcp plu) ni le titre en écoute... mais les commentaires de Thierry et KMS me font maintenant douter...
RépondreSupprimerpour ma part, j'ai longtemps snobbé le Young à cause de sa voix avec laquelle j'avais du mal; puis le temps passant (la maturité venant ;-), j'ai un peu ouvert mes écoutilles. D'ailleurs il fut une époque ou le simple fait de savoir que papy Neil, l'"homme en colère" faisait payer les entrées de ses concerts à des tarifs prohibitifs, j'aurais meme pas essayer de lui trouver des circonstances atténuantes. Mais maintenant, avec l'âge, j'essaie avant tout d'écouter la musique en étant plus ouvert. Et j'avoue que le fait de savoir que Daniel Lanois a produit l'album me donne bien envie de tendre mes ptites oreilles vers ce disque...
RépondreSupprimerBon bon bon bon bon... Je viens de l'écouter, et je garde le son de guitare et la prod (par moments c'est si doucement perché qu'il y a de quoi songer à Vini Reilly) (mais j'ai des oreilles bizarres).
RépondreSupprimerPar contre, la voix, ça coince... et les textes (que je n'ai pas suivis avec une attention de chaque instant), euh...
Bref, je trouve Thierry et KMS assez généreux, là ^^
(oui, j'ai mis Thierry / KMS / généreux dans la même phrase ;D)
Cette phrase est tellement belle. ^^
RépondreSupprimerFace A enthousiasmante (enfin quand ça fait longtemps qu'on a pas écouté attentivement un nouvel album du loner)... et une face B oubliable (non mais Angry World... la purge)
RépondreSupprimer6/10
Voilà ^^
RépondreSupprimerJe n'ai pas écouté ses derniers disques et puis bizarrement celui-ci, après avoir lu comment il avait été enregistré (un article de Nick Kent dans les Inrocks), j'ai eu envie de l'entendre. Et c'est sûr qu'il est plus emballant que d'autres plus récents que j'avais écouté (Greendale, ce genre de choses). En fait, ce qui me plait beaucoup, c'est qu'il n'y ait là que Neil Young et ses guitares, rien d'autre. Pas de batterie, pas de basse, et du coup un son que je trouve plus original, l'impression de l'entendre jouer en live, avec des boucles de sons, de guitare et de voix se superposant, etc. Beau travail de production assurément. Bref, et ça je ne m'y attendais vraiment pas, en 2010 Neil Young m'a surpris...
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