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[Article paru en mai dernier sur Interlignage] C'est un objet bizarre, austère mais assez beau, qui débarque un matin dans la boite à lettres sans crier gare. La pochette est à la fois attrayante et pas très engageante, à peine frappée du nom du groupe : As The Stars Fall, même pas écrit en entier. On se dit que tout cela risque de ne pas être d’une folle gaieté. Si même les étoiles fichent le camp…
On ne s’attend pas, pourtant, à être à ce point enthousiasmé par un opus au titre lui aussi fort jovial : Tempus Fugit (non mais arrêtez, là, arrêtez, mes zygomatiques vont lâcher). On imagine déjà un disque de post-punk industriel, monolithique et poisseux, sans doute un peu poseur sur les bords (ce n’est pas un reproche). On y croit juste le temps d’un martèlement inaugural, puis la délicate introduction du très beau "From Another Time" vient nous détromper. On n’est pas dans le post-punk, encore moins dans le monolithe. Au contraire : au fil de la première écoute, Tempus Fugit révèle une nature polymorphe, certes mélancolique, certes torturée par instants… mais bien loin de l’austérité suggérée par l’artwork.
On pourrait parler au sujet d’As The Stars Fall de post-rock électronique, sinon de post-electro, terme qui n’existe pas réellement mais qu’il faudra bien se résoudre à inventer, puisqu’il est acquis que désormais tout est post, comme si même en allant de l’avant la musique se devait désormais de toujours garder un œil sur le rétroviseur. Et puis en l’occurrence, post-electro n’est pas si inconvenant, à tout le moins si l’on accepte l’idée que, de même que la post-folk d’un Delano Orchestra n’est rien d’autre que du post-rock acoustique, cette post-electro serait avant tout du post-rock puisant largement dans l’electro.
Quoi ? Vous ne situez pas bien le post-rock ? Bof. Aucune importance. Vous n’en aurez guère besoin pour vous laisser embarquer par Tempus Fugit, voyage lancinant et la plupart du temps pluvieux à travers la grisaille d’un monde globalement moche, déprimant, solitaire et brumeux. Désolé si vous préfèreriez rire. Ici ce n’est pas le propos, et c’est tant mieux : As The Stars Fall excelle dans les tableaux automnaux. "A Dead Leaf Dance" évoque un Yann Tiersen que Clint Mansell (1) aurait placé sous Prozac ; "Frozen River" aurait effectivement pu illustrer le film du même nom. Au cas où ce ne serait pas déjà évident, oui : il y a un côté très cinématique dans Tempus Fugit, bande originale d’un film restant à écrire mais qui à coup sûr ne serait pas une comédie sentimentale. Quoique de sentiment, ce bel album… enfin, cet EP paraît-il (depuis quand les EP sont-ils des oeuvres cohérentes durant quarante-cinq minutes ?), bref : ce disque n’en manque pas. Sa teneur en émotions est même son principal atout, de ceux qui compensent certaines carrences – notamment un ou deux titres plus douteux et moins subtils dans leur approche. On sent bien que la matière musicale d’As The Stars Fall est encore en cours de façonnement. Mais on veut bien prendre le pari que lorsqu’elle sera toute fraîche sortie de la manufacture des rêves torturés, elle sera quasiment imparable. Nul besoin d’être grand clerc pour le prédire : par bien des côtés, "… No… Good… Deed… Goes... Unpunished" par exemple, elle est déjà loin au-dessus de la mêlée. C’est une certitude : on tient là un futur grand groupe.
Tempus Fugit, d’As The Stars Fall (2010)
1. Au cas vous ne connaîtriez pas ce formidable artiste, précisons que Mansell fut le leader du plus grand groupe inconnu des années 80/90, Pop Will Eat Itself, avant de connaître la gloire au cours de la décennie suivante, une fois devenu le compositeur fétiche de Daron Aronofski… donc en fait vous connaissez Clint Mansell, évidemment, puisqu’on lui doit avec Requiem for a Dream l’un des plus fameux scores des années 2000.
[Article paru en mai dernier sur Interlignage] C'est un objet bizarre, austère mais assez beau, qui débarque un matin dans la boite à lettres sans crier gare. La pochette est à la fois attrayante et pas très engageante, à peine frappée du nom du groupe : As The Stars Fall, même pas écrit en entier. On se dit que tout cela risque de ne pas être d’une folle gaieté. Si même les étoiles fichent le camp…
On ne s’attend pas, pourtant, à être à ce point enthousiasmé par un opus au titre lui aussi fort jovial : Tempus Fugit (non mais arrêtez, là, arrêtez, mes zygomatiques vont lâcher). On imagine déjà un disque de post-punk industriel, monolithique et poisseux, sans doute un peu poseur sur les bords (ce n’est pas un reproche). On y croit juste le temps d’un martèlement inaugural, puis la délicate introduction du très beau "From Another Time" vient nous détromper. On n’est pas dans le post-punk, encore moins dans le monolithe. Au contraire : au fil de la première écoute, Tempus Fugit révèle une nature polymorphe, certes mélancolique, certes torturée par instants… mais bien loin de l’austérité suggérée par l’artwork.
On pourrait parler au sujet d’As The Stars Fall de post-rock électronique, sinon de post-electro, terme qui n’existe pas réellement mais qu’il faudra bien se résoudre à inventer, puisqu’il est acquis que désormais tout est post, comme si même en allant de l’avant la musique se devait désormais de toujours garder un œil sur le rétroviseur. Et puis en l’occurrence, post-electro n’est pas si inconvenant, à tout le moins si l’on accepte l’idée que, de même que la post-folk d’un Delano Orchestra n’est rien d’autre que du post-rock acoustique, cette post-electro serait avant tout du post-rock puisant largement dans l’electro.
Quoi ? Vous ne situez pas bien le post-rock ? Bof. Aucune importance. Vous n’en aurez guère besoin pour vous laisser embarquer par Tempus Fugit, voyage lancinant et la plupart du temps pluvieux à travers la grisaille d’un monde globalement moche, déprimant, solitaire et brumeux. Désolé si vous préfèreriez rire. Ici ce n’est pas le propos, et c’est tant mieux : As The Stars Fall excelle dans les tableaux automnaux. "A Dead Leaf Dance" évoque un Yann Tiersen que Clint Mansell (1) aurait placé sous Prozac ; "Frozen River" aurait effectivement pu illustrer le film du même nom. Au cas où ce ne serait pas déjà évident, oui : il y a un côté très cinématique dans Tempus Fugit, bande originale d’un film restant à écrire mais qui à coup sûr ne serait pas une comédie sentimentale. Quoique de sentiment, ce bel album… enfin, cet EP paraît-il (depuis quand les EP sont-ils des oeuvres cohérentes durant quarante-cinq minutes ?), bref : ce disque n’en manque pas. Sa teneur en émotions est même son principal atout, de ceux qui compensent certaines carrences – notamment un ou deux titres plus douteux et moins subtils dans leur approche. On sent bien que la matière musicale d’As The Stars Fall est encore en cours de façonnement. Mais on veut bien prendre le pari que lorsqu’elle sera toute fraîche sortie de la manufacture des rêves torturés, elle sera quasiment imparable. Nul besoin d’être grand clerc pour le prédire : par bien des côtés, "… No… Good… Deed… Goes... Unpunished" par exemple, elle est déjà loin au-dessus de la mêlée. C’est une certitude : on tient là un futur grand groupe.
Tempus Fugit, d’As The Stars Fall (2010)
1. Au cas vous ne connaîtriez pas ce formidable artiste, précisons que Mansell fut le leader du plus grand groupe inconnu des années 80/90, Pop Will Eat Itself, avant de connaître la gloire au cours de la décennie suivante, une fois devenu le compositeur fétiche de Daron Aronofski… donc en fait vous connaissez Clint Mansell, évidemment, puisqu’on lui doit avec Requiem for a Dream l’un des plus fameux scores des années 2000.
tant qu'a faire ...
RépondreSupprimerhttp://www.asthestarsfall.com/
il y un petit de G.Y.,B.E. aussi dans le morceau que tu as mis en illustration
un petit peu de Godspeed You...
RépondreSupprimerUn peu, c'est vrai, mais ce n'est pas ce qui me frappe le plus...
RépondreSupprimerMoi j'aurais dit un peu de HṚṢṬA, ce qui revient un peu à Godspeed You! Black Emperor, en fait.
RépondreSupprimerEn tout cas, encore une fois merci, c'est agréable d'écouter c'que le golb propose ces temps-ci =)
A vot' service :-)
RépondreSupprimerun instant j'ai cru que tu écrivais sur "when the rains begin to fall".
RépondreSupprimerun incident est si vite arrivé ^^_
En même temps il m'est arrivé de parler de tellement pire...
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