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Augusten Burroughs en finira-t-il un jour avec son enfance ? Achèvera-t-il de régler ses comptes avec ses parents, de revenir inlassablement vers ce sujet... acceptera-t-il tout simplement, au bout d'un temps, que son pendant littéraire cesse d'être un enfant au regard crédule et précocement désabusé ?
Il y a quelque chose de fascinant dans cette manière qu'a l'auteur de Dry de toujours, irrémédiablement, revenir à cette enfance chaotique, à ce foyer familial oppressant et déstructuré, et à ces putains d'années soixante-dix qui ouvrirent la porte à toutes les extravagances - mais aussi à toutes les dérives. On l'a connu candide et burlesque, désespéré et suicidaire, agaçant et réactionnaire sans même s'en apercevoir ; on le retrouve dans A Wolf at the Table rageur, vengeur même, prêt à enfin en découdre avec le Père, cet être absent, qui jusqu'alors n'apparaissait jamais dans l'œuvre que sous forme de pointillés. Et pour cause, puisque John passa sa vie à être là puis à disparaître, à revenir comme si de rien n'était puis à se volatiliser à nouveau, du jour au lendemain, au gré de ses relations explosives avec une épouse que les fidèles de Burroughs savent déjà instable - raisonnablement déjantée dans ses meilleurs moments.
Adepte du radotage (le lot de tous les auteurs d'autofiction), l'écrivain ne raconte rien ici que l'on n'ait pu supputer à la lecture de ses précédents romans. Mais il le fait mieux. Techniquement parlant, A Wolf at the Table est sans le moindre doute l'ouvrage le plus abouti d'Augusten Burroughs. Parce qu'il fait montre d'une cohérence qui ne se retrouve pas nécessairement (ou en tout cas pas systématiquement) dans les autres ; surtout parce que l'auteur y réussi ce tour de force d'articuler un roman entier, bien rythmé et bien écrit, autour d'un personnage absent plus de la moitié du temps, généralement réduit à une présence silencieuse et menaçante. Le talent d'Augusten, qu'il est très difficile d'appeler autrement que par son prénom tant il crée une tendre connivence avec le lecteur, c'est de n'avoir pas écrit un texte sur sa relation au Père... mais sur le manque de cette relation, sur sa non-existence et la solitude suffocante, désespérée qui peut en découler. Ce qui en fait un texte (d)étonnant par rapport à ce que l'on peut généralement lire à ce sujet. Plus dur aussi, paradoxalement, que certains témoignages misérabilistes rédigés sur le mode du mon père, ce salaud. On le referme un peu secoué, touché une fois de plus par cet étonnant auteur, qui semble être parvenu à faire de ses blessures une source intarissable d'humour noir et un moteur littéraire incapable de jamais s'enrayer.
A noter que, hasard des lectures, le roman vient de paraître chez 10/18 sous le titre Un loup à ma table.
A Wolf at the Table, d'Augusten Burroughs (2008)
Augusten Burroughs en finira-t-il un jour avec son enfance ? Achèvera-t-il de régler ses comptes avec ses parents, de revenir inlassablement vers ce sujet... acceptera-t-il tout simplement, au bout d'un temps, que son pendant littéraire cesse d'être un enfant au regard crédule et précocement désabusé ?
Il y a quelque chose de fascinant dans cette manière qu'a l'auteur de Dry de toujours, irrémédiablement, revenir à cette enfance chaotique, à ce foyer familial oppressant et déstructuré, et à ces putains d'années soixante-dix qui ouvrirent la porte à toutes les extravagances - mais aussi à toutes les dérives. On l'a connu candide et burlesque, désespéré et suicidaire, agaçant et réactionnaire sans même s'en apercevoir ; on le retrouve dans A Wolf at the Table rageur, vengeur même, prêt à enfin en découdre avec le Père, cet être absent, qui jusqu'alors n'apparaissait jamais dans l'œuvre que sous forme de pointillés. Et pour cause, puisque John passa sa vie à être là puis à disparaître, à revenir comme si de rien n'était puis à se volatiliser à nouveau, du jour au lendemain, au gré de ses relations explosives avec une épouse que les fidèles de Burroughs savent déjà instable - raisonnablement déjantée dans ses meilleurs moments.
Adepte du radotage (le lot de tous les auteurs d'autofiction), l'écrivain ne raconte rien ici que l'on n'ait pu supputer à la lecture de ses précédents romans. Mais il le fait mieux. Techniquement parlant, A Wolf at the Table est sans le moindre doute l'ouvrage le plus abouti d'Augusten Burroughs. Parce qu'il fait montre d'une cohérence qui ne se retrouve pas nécessairement (ou en tout cas pas systématiquement) dans les autres ; surtout parce que l'auteur y réussi ce tour de force d'articuler un roman entier, bien rythmé et bien écrit, autour d'un personnage absent plus de la moitié du temps, généralement réduit à une présence silencieuse et menaçante. Le talent d'Augusten, qu'il est très difficile d'appeler autrement que par son prénom tant il crée une tendre connivence avec le lecteur, c'est de n'avoir pas écrit un texte sur sa relation au Père... mais sur le manque de cette relation, sur sa non-existence et la solitude suffocante, désespérée qui peut en découler. Ce qui en fait un texte (d)étonnant par rapport à ce que l'on peut généralement lire à ce sujet. Plus dur aussi, paradoxalement, que certains témoignages misérabilistes rédigés sur le mode du mon père, ce salaud. On le referme un peu secoué, touché une fois de plus par cet étonnant auteur, qui semble être parvenu à faire de ses blessures une source intarissable d'humour noir et un moteur littéraire incapable de jamais s'enrayer.
A noter que, hasard des lectures, le roman vient de paraître chez 10/18 sous le titre Un loup à ma table.
A Wolf at the Table, d'Augusten Burroughs (2008)
J'ai déjà noté "Déboires"...
RépondreSupprimersoyons fous, je rajoute celui-mà à ma liste, d'autant plus s'il est sorti en poche !
Bah écoute oui, j'ai vu ça un peu par hasard. Du coup j'ai publié tout de suite, il m'a semblé que ça tombait bien.
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