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Ce qui est assez étonnant avec le tribute à David Bowie qui paraît la semaine prochaine, ce n’est pas tellement que ce soit un tribute-album à Bowie, ce n’est même pas son casting… c’est juste que de tributes to Bowie, il y ait eu finalement si peu, avec au générique si peu d’artistes de valeur, alors que le Thin White Duke a quasiment tout inventé et qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’on reçoive un disque frappé du sceau de son incommensurable influence.
De fait, il n’est en rien surprenant qu’une poignée de musiciens souhaite rendre hommage au plus grand artiste pop de l’après-Beatles. Ce genre d’exercice a beau être souvent fastidieux pour l’auditeur et n’intéresser, somme toute, que ceux qui s’y adonnent (sérieusement : qui achète les tribute-albums ?), on peut considérer qu’il obéit à une dynamique relativement saine – à défaut d’être très rock’n'roll.
Reste qu’il ne faut pas s’y tromper, We’re so Turned on, malgré quelques grands noms, n’offre qu’un intérêt très limité. En vingt-quatre morceaux dont au moins douze qu’on oublie sitôt l’écoute passée, le double-album respecte à la lettre les codes du genre : quelques grands noyés sous ce que les anglo-saxons appellent des no-namers (c’est-à-dire des gens sortis de nulle part contactés pour faire du remplissage et justifier le prix de vente), des gens assez inattendus (Carla Bruni, A Place To Bury Strangers) et des évidences (Daho), du groupe hype (Warpaint) et du has-been (Duran Duran)… tout y est, suivant une ligne directrice que l’on qualifiera pudiquement d’indie-pop chiante (si vous avez une autre expression pour qualifier des gens comme We Have A Band ou Viv Albertine, n’hésitez pas à nous la communiquer).
Ici l’on se doit a priori de préciser que les bénéfices du disque seront reversés à une association caritative, War Child. Pure conscience professionnelle, notion qui a tendance à se perdre et qui, on le dit peu, est à double-tranchant. Car c’est cette même pure conscience professionnelle qui nous impose aussi de préciser que bonnes œuvres ou non, on ne vous encourage pas trop à acheter cette compilation globalement médiocre. On a failli, car un heureux hasard éditorial a placé la plupart des bons moments dans la première moitié du premier CD. Pas de bol : notre pure conscience professionnelle nous a obligé à aller jusqu’au bout. Triple-tranchant, donc.
Reconnaissons toutefois que tout le monde ne peut décemment pas être logé à la même enseigne. Deux artistes au moins sortent de ce naufrage la tête haute, comme par hasard les deux meilleurs du lot : Keren Ann offre une version lumineuse de la plus belle chanson de Bowie ("Life on Mars?", what else?) et A Place To Bury Strangers, s’il ne surprend pas particulièrement en revisitant à sa sauce "Suffragette City", bastonne assez pour qu’on salue l’effort, d’autant plus salvateur que le reste de la compile est d’une rare mollesse. À part ça Warpaint fait le taf sur "Ashes to Ashes", Ariana Delwari n’est pas la plus mauvaise au regard des autres, Papercranes emballe "Blue Jeans" dans un bolduc chouravé chez Emmylou Harris. Arno se contente de ressortir sa vieille reprise d’"All the Young Dudes" (toujours aussi ratée), les Vivian Girls ne se foulent pas, Devendra Banhart se cache derrière Megapuss pour oublier que son "Sound and Vision" est à l’original ce que les cigarettes à l’eucalyptus sont au crack. Rare à se montrer un peu ambitieux, tant dans le choix du morceau que dans le parti pris, Daho rate son "Heathen" mais prouve une fois de plus qu’il mérite notre respect.
À noter histoire de conclure que si tout le monde s’est empressé de cracher sur la Première Dame de France (et il est vrai que dans l’absolu les griefs contre elle ne manquent pas), son "Absolute Beginners" est loin d’être le plus mauvais titre de l’album (palme qui revient sans hésitation aux lénifiants Lewis & Clarke, derrière lesquels ne se cachent pourtant pas des blaireaux). En ayant rien contre le lyrisme, on pourra même le trouver relativement plaisant. Ce que vous fait écrire la pure conscience professionnelle, tout de même.
We’re so Turned on : Tribute to Bowie (2011)
Ce qui est assez étonnant avec le tribute à David Bowie qui paraît la semaine prochaine, ce n’est pas tellement que ce soit un tribute-album à Bowie, ce n’est même pas son casting… c’est juste que de tributes to Bowie, il y ait eu finalement si peu, avec au générique si peu d’artistes de valeur, alors que le Thin White Duke a quasiment tout inventé et qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’on reçoive un disque frappé du sceau de son incommensurable influence.
De fait, il n’est en rien surprenant qu’une poignée de musiciens souhaite rendre hommage au plus grand artiste pop de l’après-Beatles. Ce genre d’exercice a beau être souvent fastidieux pour l’auditeur et n’intéresser, somme toute, que ceux qui s’y adonnent (sérieusement : qui achète les tribute-albums ?), on peut considérer qu’il obéit à une dynamique relativement saine – à défaut d’être très rock’n'roll.
Reste qu’il ne faut pas s’y tromper, We’re so Turned on, malgré quelques grands noms, n’offre qu’un intérêt très limité. En vingt-quatre morceaux dont au moins douze qu’on oublie sitôt l’écoute passée, le double-album respecte à la lettre les codes du genre : quelques grands noyés sous ce que les anglo-saxons appellent des no-namers (c’est-à-dire des gens sortis de nulle part contactés pour faire du remplissage et justifier le prix de vente), des gens assez inattendus (Carla Bruni, A Place To Bury Strangers) et des évidences (Daho), du groupe hype (Warpaint) et du has-been (Duran Duran)… tout y est, suivant une ligne directrice que l’on qualifiera pudiquement d’indie-pop chiante (si vous avez une autre expression pour qualifier des gens comme We Have A Band ou Viv Albertine, n’hésitez pas à nous la communiquer).
Ici l’on se doit a priori de préciser que les bénéfices du disque seront reversés à une association caritative, War Child. Pure conscience professionnelle, notion qui a tendance à se perdre et qui, on le dit peu, est à double-tranchant. Car c’est cette même pure conscience professionnelle qui nous impose aussi de préciser que bonnes œuvres ou non, on ne vous encourage pas trop à acheter cette compilation globalement médiocre. On a failli, car un heureux hasard éditorial a placé la plupart des bons moments dans la première moitié du premier CD. Pas de bol : notre pure conscience professionnelle nous a obligé à aller jusqu’au bout. Triple-tranchant, donc.
Reconnaissons toutefois que tout le monde ne peut décemment pas être logé à la même enseigne. Deux artistes au moins sortent de ce naufrage la tête haute, comme par hasard les deux meilleurs du lot : Keren Ann offre une version lumineuse de la plus belle chanson de Bowie ("Life on Mars?", what else?) et A Place To Bury Strangers, s’il ne surprend pas particulièrement en revisitant à sa sauce "Suffragette City", bastonne assez pour qu’on salue l’effort, d’autant plus salvateur que le reste de la compile est d’une rare mollesse. À part ça Warpaint fait le taf sur "Ashes to Ashes", Ariana Delwari n’est pas la plus mauvaise au regard des autres, Papercranes emballe "Blue Jeans" dans un bolduc chouravé chez Emmylou Harris. Arno se contente de ressortir sa vieille reprise d’"All the Young Dudes" (toujours aussi ratée), les Vivian Girls ne se foulent pas, Devendra Banhart se cache derrière Megapuss pour oublier que son "Sound and Vision" est à l’original ce que les cigarettes à l’eucalyptus sont au crack. Rare à se montrer un peu ambitieux, tant dans le choix du morceau que dans le parti pris, Daho rate son "Heathen" mais prouve une fois de plus qu’il mérite notre respect.
À noter histoire de conclure que si tout le monde s’est empressé de cracher sur la Première Dame de France (et il est vrai que dans l’absolu les griefs contre elle ne manquent pas), son "Absolute Beginners" est loin d’être le plus mauvais titre de l’album (palme qui revient sans hésitation aux lénifiants Lewis & Clarke, derrière lesquels ne se cachent pourtant pas des blaireaux). En ayant rien contre le lyrisme, on pourra même le trouver relativement plaisant. Ce que vous fait écrire la pure conscience professionnelle, tout de même.
We’re so Turned on : Tribute to Bowie (2011)