vendredi 10 décembre 2010

Cher Ryan Adams...

...
Salut vieux,

Tout d'abord, toutes mes excuses pour ce dérangement, car j'imagine que tu es très occupé à enregistrer ton troisième album de l'année. Je suis navré de prendre sur ton temps, mais il fallait que je te parle. Entre vieux amis. Ca fait combien de temps, qu'on se connaît ? Quinze ans ? Allez, disons quatorze. Une paie, tout de même. Je pense pouvoir dire que nous avons vieilli ensemble, même si moi plus que toi, alors que c'est toi le plus âgé.

Je n'aurais jamais cru t'écrire ça un jour (je n'aurais jamais cru t'écrire un jour - tout court), mais j'avoue que je commence à avoir du mal à te suivre. Je fais des efforts, j'avais longuement évoqué ton précédent album de l'année. Pourtant je sens bien que malgré cela, je perds inexorablement le fil de notre relation. Ça ne date pas d'hier. Cela fait fait deux ou trois ans maintenant que nos retrouvailles ne me semblent plus aussi passionnées. Depuis Easy Tiger, je pense. Ce qui est marrant, c'est que dans l'absolu j'aime bien cet album. Simplement je commence à fatiguer. A te trouver vraiment trop difficile à suivre.

Si je comprends bien, le nouveau Ryan Adams du mois, III/IV, s'appelle ainsi rapport à la discographie de ton backing band, les Cardinals. Je dois dire que je n'avais jamais remarqué que le groupe était à ce point important qu'il faille numéroter ses albums comme pour un side-project, et j'étais relativement conforté dans cette opinion par deux faits indéniables : 1°) tu écris toutes les chansons, et 2°) les Cardinals n'étaient même pas crédités sur Easy Tiger. Lesquels publient donc aujourd'hui leurs albums numéro trois et quatre, réunis en un seul, mais tout de même appelé(s) III/IV. Faut-il y voir deux albums, ou un seul ? Qu'en penses-tu, Ryan ? Vu que tu ne viens jamais en France et ne feras pas d'interview avec moi de sitôt, je te le demande simplement, comme ça, par lettre. En ami : qu'en penses-tu ?


Le truc aussi, et là tu te fous sévèrement de nos gueules (soyons sérieux), c'est que III/IV n'est même pas le troisième/quatrième album des Cardinals - ce serait trop facile. C'est le quatrième/cinquième (après Cold Roses, Jacksonville City Nights et Cardinology), le sixième en comptant Easy Tiger (je suis d'accord, on ne va pas commencer à compter les albums qui ne sont pas crédités officiellement, sinon on ne va jamais s'en sortir). D'après ce que j'ai compris - et il est tout à fait possible que je n'ai rien compris - ces albums ont été enregistrés en 2007, entre Jacksonville et Easy Tiger, et n'étaient jamais sortis jusqu'à ce que tu prennes ta (brève) retraite musicale (façon de parler, d'un autre côté ce sont tes mots, comment pouvions nous savoir que tu te "retirais"... sur ton propre label ?). Ce n'est donc nullement du nouveau matériel, même si les accents de Cardinology sont si évidents qu'on en croirait le brouillon.

Je suis salaud, je sais. D'abord parce que Cardinology était plutôt un bon album, ce que III/IV ne parvient (dois-je écrire ne parviennent ?) jamais complètement à être. Ensuite parce qu'alors que j'avais tendance à dire, depuis quelques années, que tu n'étais plus du tout surprenant, tu viens de publier à quelques mois d'intervalles deux albums totalement exempts de ballades et même de folk. Il faut le souligner, tu fais des efforts. Les Cardinals aussi, groupe plutôt folk-rock qui sonne donc, en 2010, comme les Pinkhearts. Ton (éphémère) backing-band power-pop. Personne ne comprend plus rien, mais au moins il y a des choses à écrire dans l'article.

Le problème, cher Ryan, et crois-moi je ne te le dis pas avec plaisir, c'est que ton album (enfin : tes), il(s) n'est (sont) pas bien(s) du tout. J'exagère peut-être un poil, tu as toujours ce sens de la mélodie catchy qu'on te connaît bien. Mais à part ça, c'est tout de même très calibré, plutôt XL. En plus, à l'heure où le moindre groupe la joue garage, tu nous fais de la prod' tellement propre que plus rien ne dépasse, ce n'est même plus clean : c'est carrément compassé. J'ai bien peur que tu sois passé de l'autre côté du miroir, et cela me blesse d'autant plus qu'il y a quelques mois, Orion m'avait vraiment agréablement surpris. Là, difficile de ne pas de me dire que tu essaies de faire un album de Jesse Malin sans Jesse Malin, et en pas bien. Lui peut se permettre de loucher par flashes sur le FM, parce qu'il dégage une sincérité, une authenticité de vrai grand héros américain fracassé. Lui, il peut faire son Springsteen. Toi, franchement, tu fais surtout gars complètement cyclothimique. Autrefois encore, tes escapes power-pop rameutaient de joyeux souvenirs bancals des Replacements. Désormais, la seule comparaison qui me vienne est avec Tom Petty, ce qui dans ma bouche n'est pas bien loin d'être une insulte. Plus de groove, plus de légèreté, plus d'ironie comme au bon vieux temps de l'album Rock'n'Roll. Tout cela est désespérant de premier degré, parfois très bas de plafond... honnêtement je ne comprends pas.

Il y a sans doute quelques titres que je pourrais supporter au hasard de disques un peu plus relevés, par exemple l'excellente "P.S." (qui intervient hélas après dix-huit titres vraiment dispensables). Comprends bien que je ne souhaite nullement réfréner tes ardeurs power-pop. Je me sens juste obligé, en tant que vieil ami, de te dire lorsque tu passes les bornes. Après tout, les potes ne sont pas là pour laisser faire des conneries sans rien dire. C'est en tout cas ma conception de l'amitié. Quand tu mets quelques titres dans ce genre au milieu de Demolition, là, je dis d'accord. Quand tu fais ça de manière non officielle avec les Pinkhearts, et que ça sonne bien crado, ok. Deux disques entiers et proprets comme ça, en revanche... il ne faut tout de même pas exagérer, vieux ! Tout est question de proportions. Là, proportionnellement, ta discographie officielle devient franchement moins intéressante que l'officieuse. D'ailleurs je vais aller me réécouter les sublimes Swedish Sessions...


III/IV, de Ryan Adams & The Cardinals (14/12/2010)

12 commentaires:

  1. C'est vrai que c'est assez moche, alors qu'Orion était vraiment chouette...

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  2. Même constat après deux écoutes.
    Mais euh ... j'aime Tom Petty, enfin pas le dernier (qui est une bouse inommable) et qqes autres ^^
    Je viens de récupérer Internet. Youpi !

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  3. Oulah, quand j'ai lu le titre, je me suis dit: ca sent bon le TOTF... et puis non!
    perso j'ai laché l'affaire après Easy Tiger. Il y assez à faire avec les premiers albums...

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  4. J'étais bien parti pour, c'est sûr... mais bon, heureusement il y a quelques bons morceaux vers la fin...

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  5. wow...
    thom, ton sens du devoir t'honore ^^

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  6. Que veux-tu ! Je suis comme ça, moi. J'ai un devoir vis-à-vis de mes lecteurs. Je suis sûr que tu n'as pas fait autrement avec la dernière purge de Stereolab ;-)

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  7. J'avais trouvé , à l'époque où je bloggais pas mal , une formule pour qualifier Ryan Adams ( et Ed Harcourt dans le même temps ) : " habile faiseur / pas d'épaisseur " .
    Je crois pouvoir dire , après des écoutes répétées des lives que l'on peut télécharger sur internet archives ,que le problème de Ryan adams est là : il lui manque ce petit soupçon d'âme , ce petit truc qui fait que James Blunt est un gros naze et pas Elliott Smith , par exemple.

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  8. Je ne suis pas tout à fait d'accord sur le manque d'épaisseur d'Adams. Quand on écoute Whiskeytown ou ses débuts en solo, il y a tout de même une personnalité assez marquée, une voix. Et je n'en sais rien concernant les archives lives, mais pour l'avoir vu quelques fois sur scène il a aussi un incontestable charisme. Ryan Adams dans la même phrase que James Blunt, ça me paraît assez injuste. Il y en a quand même un des deux dont les albums ont été appréciés de Dylan et qui a produit Emmylou Harris et Willie Nelson, et bizarrement ce n'est pas James Blunt. Ils ne vivent pas dans le même monde. Adams a une vraie crédibilité sur la scène country/folk US, et une vraie légitimité underground... Blunt, lui euh... c'est un produit MTV, et encore même pas, dans le fond je crois qu'il n'y a qu'en France qu'il est aussi connu...

    Pour moi le vrai problème de Ryan, c'est surtout la paresse. Sa productivité n'est pas celle d'un bourreau de travail, mais celle d'un mec qui n'a aucune envie de passer des mois sur le même album, qui écrit des chansons en quelques minutes et ne les retravaille quasi pas après (c'est marrant, j'ai écouté les démos de cet album... et c'est à peine si on voit la différence). Sans doute parce qu'il a du mal à se prendre vraiment au sérieux, comme je l'expliquais dans la chute non pas de cet article, mais de celui d'avant.

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  9. Il est bien évident qu'il n'y a aucune commune mesure entre Blunt et Ryan Adams mais je crois que ce que je reproche à ce dernier c'est de ne pas avoir été à la hauteur de ce titre auquel j'avais consacré un billet ( http://next.musicblog.fr/863068/Ce-que-Ryan-Adams-prouva-au-monde-le-23-06-07/ ). Est-il paresseux ? C'est possible après tout ...

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  10. Ah, oui... intéressant ce billet. Dommage que les liens soient morts...

    Je ne sais pas réellement s'il est paresseux, bien sûr, mais je lui ai trouvé ce côté nonchalant, branleur, un peu touriste sur les bords. Je crois que le succès aux USA n'a pas dû l'aider non plus à garder tout à fait les pieds sur terre. J'ai l'impression qu'il alterne albums vachement FM pour faire bouillir la marmite et d'autres pour se faire plaisir... c'est la seule explication que je trouve vraiment à la série d'albums antinomiques qu'il a publiés depuis... au moins 2003, je pense.

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  11. Le concert dont je parle ainsi que de nombreux autres enregistrements live ( parfois de très bonen qualité ) sont disponibles sur internet archives normalement .

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  12. Je te remercie, je vais aller voir.

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