Droit de réponse V.S. Droit d'inventaire

...
L'heure est grave. L'heurt est grave, même. N'ayons pas peur des mots ^TM. On a beau militer pour la liberté d'expression, combattre depuis toujours l'oppression sous toutes ses formes, lutter contre les mensonges d'état... toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire et en matière de liberté d'expression comme dans tous les domaines, les choses ont leur propre limite que la Justice et l'Etat de droit ont pour fonction de fixer. Que voulez-vous que je vous dise ? Oui : je suis d'accord avec Eric Besson et les autres - il faut interdire Wikifreaks par tous les moyens. Je n'ai pas toujours pensé ça. En fait au départ, j'aimais plutôt bien ce site. L'idée ne me semblait pas mauvaise - en nous ment tellement. Au moins là, on savait la vérité. Et c'est important, ça, la vérité. Par les temps qui courent.

J'aimais donc plutôt bien ce site, ce qui me faisait au moins un point commun avec Michael Moore (qui lui aussi dit toujours la vérité, car le montage, on le dit peu, est l'expression suprême de la vérité nue et sans fard). Et puis Julien Passage a franchi le point de non-retour. Non pas en violant (ou pas) des nanas - personne n'est parfait et des fois, on sait bien que les filles cherchent, faut pas s'mentir mon Roger. Mais en créant une section blogosphère dans son Wikifreaks - rebaptisé pour l'occasion Blogoleaks. Là, c'était trop pour moi.

Bon ok, j'avoue : là encore, dans un premier temps, ça m'a plutôt fait marrer de voir révélé ce que se racontaient les blogueurs off the clavier. Découvrir que le vaurien autoproclamé Klak était en fait un trader, ça m'a fait sourire. J'ai imaginé Tom Cruise pogotant sur du Rancid, admettons que c'était assez innocent. Et puis c'était un jeu de mot amusant, Bal des vauriens renvoyant ainsi explicitement à Wall Street. Pareil quand le site a révélé qu'Alf était imberbe ou que Diane Cairn, contrairement à ce que tout le monde pense, était réellement une femme. Jusque là, c'était plutôt mignon. Ca ne faisait pas de mal.

J'ai commencé à me poser des questions lorsque Blogoleaks s'est mis à prétendre que j'étais la cause du divorce de Scarlett Johansson. Laquelle, bien entendu, m'a appelé immédiatement en me demandant de démentir. Je profite de cet espace de liberté qui m'est offert aujourd'hui pour m'exécuter, et encore de bonne grâce : je ne suis pas la cause du divorce de Scarlett. Mais quelle idée ! Je ne suis pas un briseur de ménage, et croyez-moi il y avait d'autres problèmes bien plus graves entre Ryan et elle, ces dernières années. Cela remontait au moins à sa ridicule interprétation de Deadpool. Enfin passons : je ne vais pas tomber dans le même écueil que Monsieur Passage, et je n'ai pas pour habitude de dévoiler la vie privée de mes maîtresses.

C'est cependant en début de semaine que Blogoleaks, dont on ne savait déjà plus trop si l'on devait le rapprocher de Joseph Pulitzer ou de Perez Hilton, a franchi la dernière limite, s'adonnant à une incroyable et dramatique atteinte à la vie privée bloguienne. En révélant que le Civil Servant s'apprêtait à conclure un partenariat de trois ans avec un célèbre site de jeu en ligne, faisant fructifier le capital sympathie accumulé après des années à organiser de joviales activités ludiques sur son blog... Julien Passage a mis le feu aux pourdres, et délenché un tollé incroyable dans le landernau bloguien. Dommage collatéral inévitable : la Française des Jeux a démenti et a enterré le projet, laissant Civil Servant seul et sans le sou, lui qui déjà n'avait su grapiller que quelques points au blind-test des Last of the Famous international Playboys, perdant l'occasion de boire enfin une pinte gratuite.

Et ce n'était que le début, aussi bien de la descente aux enfers du Civil Titi que du grand déballage de Blogoleaks. Qui a purement et simplement décidé de révéler en exclusivité mondiale toutes les innovations bloguiennes de 2011, ainsi que leurs coulisses pas toujours très glorieuses. Une fois encore je ne parle pas pour mon cas personnel. Comme toujours, je souhaite mettre ma notoriété au service de la défense de mes concitoyens du Web, des petits, des sans grades, et même de Guic' (lequel Guic' ne méritait assurément pas de voir révéler de voir dévoilé son projet - à peine esquissé - de site de référence en matière de hard 80's). Peu m'importe que le monde sache que la semaine spéciale Lost : 1 ans après sur Interlignage a été négociée sur l'oreiller. Après tout, j'aurais pu être plus discret (même si c'étaient surtout Evangeline et Yujin qui faisaient du bruit). Je suis beaucoup plus choqué en revanche que Blogoleaks se soit permis d'éventer les négociations de fusion entre le CDB et le Top des blogueurs, ainsi que le salaire exhorbitant du golden parachute de GT. Cela ne regarde que lui, et tout à fait honnêtement au regard du salaire de Benjamin pour la même activité, les 400 000 € réclamés par Grand Targentier sont pour le moins dérisoires. Et puis il a besoin d'argent, ce n'est un secret pour personne. Personne ne peut vivre en ne touchant que 7 centimes à chaque qu'on écrit le mot Lynch. Même quand on l'écrit souvent.

Je suis certes tout prêt à reconnaître que Julian Passage et Blogoleaks ont levé un tabou, celui de l'argent sur les blogs. Néanmoins, comme toutes les corporations, la Blogosphère a le droit de laver son linge sale en famille si cela lui sied. Il est vrai que les salaires des pigistes bloguiens sont proprement délirants, notamment ceux de Christophe lorsqu'il se pique d'écrire pour Arbobo (ce qui lui arrive très rarement, les finances de ce cher Bobo étant au plus mal, malgré son statut de co-organisateur du Top des blogueurs). Je n'ai personnellement jamais caché que chacun de mes articles sur Le Monde des séries était facturé 2000 € pièce (ce qui n'est rien par rapport à ceux de Melou, précisons-le en passant, du fait des frais de pigeon voyageur), mais je comprends parfaitement que tout le monde n'ait pas envie de faire ainsi étalage de ses revenus. D'autant que nous payons tous des taxes très importantes (abonnements Internet, amendes Hadopi...), et ne nous en sortons finalement pas si bien que ça. Il ne faut pas se leurrer, ce n'est pas par amour de l'art qu'un homme aussi respectable qu'Arbobo multiplie les collaborations, ou que Lyle a créé Dans le mur du son (la subvention de la SACEM a quand même bien aidé à prendre la décision d'ouvrir un énième site musical). Si l'an passé, le plus gros de l'ancienne équipe de feu Culturofil s'est réfugiée chez Interlignage, ce n'est évidemment pas que pour une histoire d'amitié. L'argent est le nerf de la guerre pour toutes choses en ce monde, et les blogs sont des choses appartenant à notre monde (même si leurs auteurs aiment à l'oublier). Pour autant, faut-il le dire ? Quel intérêt de prétendre que Dahu, pourtant pas le plus fauché d'entre nous (on lui prête le patronyme de Paul-Enguerrand du Buisson, citoyen de Neuilly amateur de Björk), demande des sommes délirantes chaque fois qu'on lui propore de piger quelque part ? Quel intérêt puisque précisément, il ne pige nulle-part en raison de ses tarifs prohibitifs. De même, il n'était certainement pas nécessaire de rendre public cet e-mail de Boebis après qu'un pigiste d'Interlignage lui ai demandé l'envoi promo d'un quelconque DVD.

"Monsieur,

Après étude approfondie de votre demande par un stagiaire non payé, il apparait qu'il est possible de demander cette œuvre sur ce support électronique sans préjuger de l'issue de la démarche auprès de Sony. Selon le tarif habituel de 300 euros de l'heure que je facture à mes clients fidèles, après inclusion de diverses taxes, et du temps qu'il a fallu pour écrire cet email, et du taxi pour me rendre à l'office postal, il vous en coutera donc la modique somme de 2 500 euros.

Je vous prie Monsieur d'agréer l'expression de mes salutations distinguées"

Ces méthodes sont à la limite de la diffamation. Après tout, qui a dit qu'écrire sur les musiques du monde nécessitait forcément d'être une ONG un BNG ? Oui, les responsables de rubriques, chez Interlignage, sont rémunérés. Et oui, nous employons des stagiaires sous-payés (et le plus souvent humiliés), comme tout organe de presse qui se respecte. Et alors ? Tout travail mérite salaire, et tout stage mérite mépris et indifférence.

C'est la marche du monde, et quelque part il n'y a ici aucun scandale : Blogoleaks ne fait que révéler ce que tout le monde sait déjà, à savoir que les blogueurs sont des gens ordinaires, et les blogs des entreprises commes les autres. Avec leurs patrons coulants (Lyle) ou plus rigides (votre serviteur), leur intermittents (Cissie, Thierry, Laiezza...) et leurs intérimaires (Alf), leurs multinationales (Music Lodge) comme leurs PME (Blinking Lights). Bien entendu, le célèbre "Je le note !" de yueyin est un slogan publicitaire. Bien évidemment, lorsque j'écris un article chaque fois qu'Ernesto Violin pète, ce n'est pas gratuit. Assurément, quand on choisi un titre aussi bassement provoc' que J'écoute de la musique de merde, il y a un plan marketing derrière. Le seul fait stupéfiant, c'est que certains aient jamais pu croire le contraire.

Bon : après autant de conneries en si peu de lignes, je pense que vous avez tous compris que cette (mal)aimable farce était le dernier édito de l'année 2010. Prochain épisode début janvier, avec promis juré quelques morceaux de sérieux à l'intérieur. Au milieu des voeux.