...
Pour ce qui sera probablement la dernière chronique réédition de l'année, c'est donc Calexico qui régale. Deux grosses re-sorties au programme, bizarrement pas les deux premiers et très cultes albums, mais Hot Rail et Feast of Wire, qui marquèrent un tournant dans la popularité du groupe (en France, surtout, il est d'autant plus bizarre que ces albums ne ressortent pas chez nous). Laissons de côté le second, auréolé d'étoiles à sa sortie alors que le duo y sombrait à plusieurs reprises dans l'autoparodie flagrante. S'il n'est pas un mauvais album (il est probable que Joey Burns et John Convertino soient incapable de complètement foirer un disque), il faut reconnaître qu'il est assez loin d'être leur meilleur.
Hot Rail est autrement plus intéressant, mais je dois reconnaître ici que je n'ai jamais été un inconditionnel de ce groupe. J'ignore pourquoi, je lui ai toujours largement préféré Giant Sands (dont Burns et Convertino constituaient au départ la section rythmique), y trouvant une émotion et une authenticité que les albums de Calexico, pourtant toujours très bien faits, ne m'ont jamais vraiment apporté. Pourtant, j'ai toujours bien aimé les western spaghettis. C'est peut-être d'ailleurs tout le problème.
Malgré tous mes efforts et malgré l'intérêt qu'a suscité chez moi chacun de ses albums au moment de sa parution, je n'ai jamais complètement pu m'empêcher de trouver chez Calexico quelque chose d'un peu artificiel, de légèrement factice me le rendant de facto difficile à adorer. Certes, s'il fallait ne garder qu'un seul reproche, je me conterai de noter que depuis The Black Light (1999), c'est toujours la même chose, et que rien de ce que les deux flibustiers ont pu signer dans les années deux mille n'a apporté quoi que ce fût au schmilblick. Peut-être ne leur en demandait-on pas tant ; peut-être retrouve-t-on toujours Calexico avec plaisir parce qu'ils sont quasiment les seuls dans leur partie. Je ne sais pas. Pour ma part, cela fait longtemps que je ne garde plus de leurs albums que des souvenirs d'ambiances, les mélodies se diluant chaque fois, au fil des écoutes, dans le trip mariachi. Je pourrais aussi bien relever que la voix de Joey Burns ne m'a jamais totalement convaincu, et que je le trouve bien plus pertinent en accompagnement de Murat que lorsqu'il prend le micro.
Mais la vérité c'est qu'en dépit de ces remarques d'ordre objectif, tout comme en dépit de la qualité de certains morceaux (ici 'Ballad of Cable Hogue', assez imparable dans le genre duo sexy, ou 'Service & Repair', catégorie folk-pop feutrée), le sentiment qui a toujours prédominé chez moi, à propos de Calexico, est celui d'une certaine superficialité. Impression qu'on essaie de me faire boire de la Despé en me faisant croire que c'est de la tequila. Que mon entrecôte tex-mex vient en fait du Buffalo Grill. Il m'a fallu des années pour formaliser cela, pour comprendre pourquoi je n'arrivais jamais à complètement aimer ce groupe, même lorsqu'il était objectivement évident que les morceaux étaient bons. Je ne trouve pas ça assez roots, et d'un autre côté lorsque Calexico s'aventure dans le post-rock, ça ne me branche pas plus que cela.
Alors Hot Rail est un bon album, j'en suis convaincu. Avec une atmosphère agréable et assez envoûtante (à écouter toutefois dans de bonnes conditions, là, en décembre et après une semaine de neige, ça le fait bizarrement moins). Mais un bon album dont je m'aperçois un peu plus à chaque écoute qu'il ne me parle pas, à moi qui pourtant ne suis pas le dernier à fantasmer sur le road-trip, les grandes étendues sauvages, Flaco Jiménez et l'americana. Ici se situe peut-être, d'ailleurs, le fin mot de l'histoire : tout ceci n'est que fantasme, qui jamais ne prend chair, qui jamais ne retrouve exactement la grâce d'un bon vieux Latin Playboys ou d'un norteño millésimé.
Hot Rail, de Calexico (2000)
Hot Rail, de Calexico (2000)