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[Article précédemment paru sur Interlignage] Il vaut mieux bien s'armer avant de se lancer à l'abordage du troisième album solo de Jim Yamouridis. Les chausse-trappes y sont nombreuses, le terrain y est des plus marécageux. S'y aventurer sans être averti, et sans au minimum une lanterne pour fendre la brume et voir où l'on met les pieds... voilà qui pourrait bien être fatal à l'auditeur distrait. Et même ainsi, prudence : il est des forces contre lesquelles la lanterne la mieux entretenue ne pourra rien. Comme les fantômes qui hantent cet Into the Day dont le titre, c'est entendu, est une boutade : l'album s'appelle bien évidemment Into the Night.
À bien y regarder il est vrai que cette pochette, en apparence anecdotique, disait déjà tout : le Jim Yamouridis posant avec cet air impassible n'a-t-il pas du tout d'une apparition, tenue intemporelle, visage gris-bleuté et cheveu quasi invisible ? Ne fût-ce la chaleur se dégageant de sa belle voix grave, on s'autoriserait à supposer que l'individu n'est pas tout à fait humain. Rien de bien mortel, d'ailleurs, dans cette folk feutrée, hazlewoodienne en diable, qui semble ne convoquer les ténèbres que pour le plaisir de les déchiqueter ("In the Winter").
Malgré cette forme d'apaisement qui parvient à tirer son épingle du jeu par éclats (citons encore "Blood on My Hands", peut-être le morceau le plus délicat de l'ensemble, en dépit d'un titre ne tendant pas vraiment vers la douceur), Into the Day demeure cependant un album nocturne, souvent réduit au strict minimum (voix habitée et cordes discrètes), que l'on appréciera jamais autant qu'à la lueur d'une bougie. On a bien essayé de l'écouter le matin, mais c'était une torture, comme si Yamouridis, bien qu'attiré par la lumière ("Pretty Soon" évoque le Richard Hawley le plus léger), la refusait finalement toujours avec obstination. Les chansons les plus marquantes sont assurément les plus sombres et/ou mélancoliques, à commencer par "Ragged or Whole", complainte inaugurale filant plus volontiers la chair de poule que le sourire. Les fantômes, encore. Celui de Cohen, autre songwriter échappant au temps et à l'espace, qui vient danser au son de 'Say Goodbye'. Ou celui de Hugo Race, dont le récent et très beau Fatalists fait figure de cousin germain aux obsessions communes (ces Australiens ont décidément une manière bien à eux de s'approprier la folk-music américaine).
Il faut reconnaître que sur la longueur, Into the Day peut s'avérer parfois un peu monotone. On arguera que cela dépend énormément, une fois de plus, du moment choisi pour le pénétrer. Dans les conditions idoines, c'est-à-dire au crépuscule et de préférence en janvier ou février, il est difficile de ne pas se laisser happer par son son ample et la voix sensuelle de son interprète. Peut-être finira-t-il par fondre comme neige au soleil ; peut-être pas. C'est ce qu'on appelle un album de saison.
Into the Day, de Jim Yamouridis (2011)
[Article précédemment paru sur Interlignage] Il vaut mieux bien s'armer avant de se lancer à l'abordage du troisième album solo de Jim Yamouridis. Les chausse-trappes y sont nombreuses, le terrain y est des plus marécageux. S'y aventurer sans être averti, et sans au minimum une lanterne pour fendre la brume et voir où l'on met les pieds... voilà qui pourrait bien être fatal à l'auditeur distrait. Et même ainsi, prudence : il est des forces contre lesquelles la lanterne la mieux entretenue ne pourra rien. Comme les fantômes qui hantent cet Into the Day dont le titre, c'est entendu, est une boutade : l'album s'appelle bien évidemment Into the Night.
À bien y regarder il est vrai que cette pochette, en apparence anecdotique, disait déjà tout : le Jim Yamouridis posant avec cet air impassible n'a-t-il pas du tout d'une apparition, tenue intemporelle, visage gris-bleuté et cheveu quasi invisible ? Ne fût-ce la chaleur se dégageant de sa belle voix grave, on s'autoriserait à supposer que l'individu n'est pas tout à fait humain. Rien de bien mortel, d'ailleurs, dans cette folk feutrée, hazlewoodienne en diable, qui semble ne convoquer les ténèbres que pour le plaisir de les déchiqueter ("In the Winter").
Malgré cette forme d'apaisement qui parvient à tirer son épingle du jeu par éclats (citons encore "Blood on My Hands", peut-être le morceau le plus délicat de l'ensemble, en dépit d'un titre ne tendant pas vraiment vers la douceur), Into the Day demeure cependant un album nocturne, souvent réduit au strict minimum (voix habitée et cordes discrètes), que l'on appréciera jamais autant qu'à la lueur d'une bougie. On a bien essayé de l'écouter le matin, mais c'était une torture, comme si Yamouridis, bien qu'attiré par la lumière ("Pretty Soon" évoque le Richard Hawley le plus léger), la refusait finalement toujours avec obstination. Les chansons les plus marquantes sont assurément les plus sombres et/ou mélancoliques, à commencer par "Ragged or Whole", complainte inaugurale filant plus volontiers la chair de poule que le sourire. Les fantômes, encore. Celui de Cohen, autre songwriter échappant au temps et à l'espace, qui vient danser au son de 'Say Goodbye'. Ou celui de Hugo Race, dont le récent et très beau Fatalists fait figure de cousin germain aux obsessions communes (ces Australiens ont décidément une manière bien à eux de s'approprier la folk-music américaine).
Il faut reconnaître que sur la longueur, Into the Day peut s'avérer parfois un peu monotone. On arguera que cela dépend énormément, une fois de plus, du moment choisi pour le pénétrer. Dans les conditions idoines, c'est-à-dire au crépuscule et de préférence en janvier ou février, il est difficile de ne pas se laisser happer par son son ample et la voix sensuelle de son interprète. Peut-être finira-t-il par fondre comme neige au soleil ; peut-être pas. C'est ce qu'on appelle un album de saison.
Into the Day, de Jim Yamouridis (2011)
Putain qu'est-ce que c'est chiant!
RépondreSupprimerC'est pas chiant du tout, c'est même très beau par moments. Merci Thom !
RépondreSupprimerÉvidemment que c'est très beau par moment. Ce Mika est vraiment un gougnafier !
RépondreSupprimer3ème album ? déjà... je vais rattraper cela !
RépondreSupprimer(la pochette aussi est très cohenienne, enfin, je trouve...)
Si je compte bien, oui. Il y a Name of the Place et surtout le très beau Travelling Blind. Il doit y avoir aussi quelques albums avec The Stream auparavant, mais je connais assez mal.
RépondreSupprimerTrès bel album. Je ne sais pas du tout qui est ce Yamouridis, mais son côté "cohen+cave" ne peut me laisser indifférent. Merci pour la découverte.
RépondreSupprimerBBB.
je ne sais pas où tu as vu du hazlewood dans ce que fait yamouridis, il y a quand même quelques dimensions d'écart, look:
RépondreSupprimerhttp://www.deezer.com/listen-6473141
http://www.deezer.com/listen-4356548
http://www.deezer.com/listen-4356542
Oui enfin Hazlewood, ce n'est pas que son travail avec Nancy, son œuvre est bien plus riche que cela ; quand je dis Hazlewood, je pense évidemment plus à ses albums solos les plus psychédéliques et sombres, plutôt qu'à ce qu'il faisait pour ou avec Nancy.
RépondreSupprimerC'est au contraire très "Hazlewoodien" dans la construction des morceaux, il me semble. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si Yamouridis sonne beaucoup, un peu trop, comme Lanegan ou Staples. Ils se sont tous faits des overdose de Requiem For The Almost Lady ou Poet, Fool or Bum, et tous ces albums qu'on disait de "country psychédélique". C'est ce qui m'ennuie un peu, c'est très beau, d'un autre côté c'est très balisé. Mais allons.
RépondreSupprimerBon dimanche,
BBB.
dans ce que j'ai écouté de yamouridis - une 20aine de morceaux -, rien ne me décolle les rétines, dsl.
RépondreSupprimerd'un autre côté, si lee hazlewood n'avait pas rencontré nancy, je ne sais pas si le rock s'en souviendrait, mais bon, pourquoi pas après tout. mais là, je suis de totale mauvaise foi^^
BBB. >>> je vois ce que vous voulez dire. Cela dit je ne trouve pas qu'Yamouridis sonne à ce point Lanegan (c'est marrant, mon épouse m'a dit pareil, mais ça ne me frappe vraiment pas). En revanche pour Staples, oui, bien sûr, il se revendique d'ailleurs de Hazlewood (je parle de ses albums solo, l'influence est nettement moins marquée sur ceux de Tindersticks). Je crois que c'est le mélange d'influences Hazlewood/Cohen qui débouche souvent sur ce genre de son, qui donne l'impression d'une "famille musicale" qui dans les faits n'est peut-être pas si évidente.
RépondreSupprimerGMC >>> c'est effectivement d'une totale mauvaise foi... en même temps ce n'est peut-être pas complètement faux. D'ailleurs je n'ai découvert tous ces "autres" albums de Hazlewood qu'après sa mort, je le connaissais surtout via Nancy avant... et je suis loin de tout aimer dans sa période psychédélique.
Bon, je suis un méchant gougnafier aussi. Je n'ai pas pu dépasser le 4ème morceau...
RépondreSupprimerC'est vraiment du Cohen sans le moindre début de flamme :-(
Ca m'étonne pas, c'est trop "dark-folk austère" pour toi ;-)
RépondreSupprimerC'est de toute beauté, infiniment...
RépondreSupprimer:-)
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