lundi 31 janvier 2011

Murielle Levraud - Un équilibre parfait

...
Nous vivons dans un pays qui adore les livres courts. Du moins ses éditeurs. Chez nous, quatre cents pages, c'est un pavé. On ne sait trop pourquoi et l'on imagine la tête de certaines légendes de la littérature françaises (la plupart, en fait...) si elles débarquaient à notre époque.

Pourtant, il y a livre court et livre court. Cent-quarante-huit pages ne sont pas tout à fait égales à cent-quarante-huit pages, selon l'auteur et le contenu, l'univers et le style. On les différencie assez facilement malgré l'extrême similarité de leurs épaisseurs (et de leurs prix). Il y a ceux que l'on avale avec appétit, généralement leur épilogue est laissé à la discrétion du lecteur, qui s'exclame avec une lueur avide dans le regard "c'est trop court !" Il y a ceux qu'on lit vite mais sans passion, parce que cent-quarante-huit pages c'est déjà beaucoup, on sent que l'auteur en a chié pour écrire plus qu'une nouvelle (c'est fou ce qu'ils sont nombreux, les livres trop courts trop longs). Et puis il y a ceux que l'on savoure. Ils sont courts mais on ne veut pas les finir, on veut les dépiauter avec délectation, savourer chacun de ces mots dont aucun n'est de trop - dont aucun non plus ne manque.


De ceux-là Murielle Levraud, dont le premier roman avait déjà été salué en ces lieux, s'est fait une spécialité. Et après tout pourquoi pas ? Il y a plus con, comme spécialité. La poterie, par exemple. C'est vraiment très con comme discipline, la poterie. Ou - pour rester dans la littérature - le roman pour adolescentes avec des chevaux dedans (si si, ça existe, des Le Ranch de Léa et des Pour l'amour de Tornade (oui parce que dans le genre spécialité à la con, trouveur de noms de chevaux c'est pas mal non plus)).

Je reviens à Murielle. Son second roman, Le Soir autour des maisons, est donc de ces livres qui se picorent, se suçotent, ces livres que l'on garde en bouche un moment avant cet instant terrible (une petite mort, ni plus ni moins) où il faut bien se décider à avaler. On pourrait, bien sûr, le lire en vingt-quatre heures. Il y a des gougnafiers partout. Mais ceux-là, mieux vaut éviter de les emmener dans le restaurant sophistiqué de Levraud, qui ne paie pas de mine pourtant (le restau), mais dont les mets sont d'une rare finesse.

[métaphore culinaire à la con. Done]

Ce qui est un peu ennuyeux avec ce genre d'auteur (en admettant bien sûr qu'il y ait un "genre" et que l'on puisse croiser des Murielle Levraud sous chaque lopin de terre, ce qui convenons-en prête à débat), c'est qu'on a du mal à en parler à peu près sérieusement. Impossible. On ne peut garder son sérieux pour évoquer des histoires dans lesquelles les femmes se nomment Brune-Olive ou se baladent en cheveux. C'est idiot, car écrire des livres légers comme des plumes, élégants et dont la poésie n'est jamais ronflante ni appuyée... c'est un sacré boulot. Cela demande patience et passion, et Le Soir autour des maisons exsude le plaisir d'écrire, l'amour et la fascination pour ces mots s'empilent, s'imbriquent les uns dans les autres, se transforment au contact de leurs semblables (qui ne le restent donc pas longtemps). Cela a tout du plat léger et sans prétention qui vous explose dans la bouche en un feu d'artifice de saveurs, du genre qui pourrait pousser à verser dans la métaphore gastronomique le pire des gougnafiers. Et même un invétéré bouffeur d'entrecôte/frites dans mon genre.


Le Soir autour des maisons, de Murielle Levraud (2009)

8 commentaires:

  1. pas cool, cette poussée antipoteritisme, d'autant plus que comme le dit un de mes potes, "toutes choses sont libres du langage"...ce qui fait que poterie et littérature sont à epsilon près la même chose.

    RépondreSupprimer
  2. J'avais complètement oublié cette auteur, c'est vrai que son premier livre était vraiment très drôle et sprituel. Je ne savais ps qu'il y en avait un autre.

    RépondreSupprimer
  3. C'est vrai que son premier roman était une belle réussite. Je vais essayer de trouver celui-ci.

    RépondreSupprimer
  4. gmc >>> allons, ce n'est pas de l'antipotéritisme, mais une manifestation troublante de potéritophobie. Je me soigne, mais c'est dur !

    Ambalx & Lil' >>> il vient de sortir en poche (c'est d'ailleurs pourquoi, comme un con, je l'ai acheté un grand format...), donc ça doit se trouver assez facilement.

    RépondreSupprimer
  5. j'avais bien aimer son premier livre et je vois pas tout à fait le rapport avec la poterie, mais je prends des notes :-))))

    RépondreSupprimer
  6. Je note que tout le monde a bloqué sur la poterie, mais personne sur les romans pour adolescentes avec des chevaux. Encore un phénomène de société snobé par les médias.

    RépondreSupprimer
  7. thom je me suis ruinée en roman pour ado avec des chevaux, je n'en parle plus jamais de peur que ça les reprenne...

    RépondreSupprimer

Si vous n'avez pas de compte blogger, choisir l'option NOM/URL et remplir les champs adéquats (ce n'est pas très clair, il faut le reconnaître).