...
Une fois n’est pas coutume, commençons par la fin. C’est-à-dire par les reproches et le mauvais esprit : il n’y a probablement, en matière de rock en 2010, rien de plus anecdotique que la parution d’un live de Pearl Jam. Et c’est principalement sinon uniquement de la faute du groupe : autrefois rare sur scène, et plus encore sur album live, le groupe a largement contribué à détruire cette aura scénique exceptionnelle depuis le jour où, lancé dans une lutte contre les bootleggers, il s’est piqué d’enregistrer et de publier quasiment TOUS ses concerts. Que Pearl Jam annonce la publication de son Live on Ten Legs comme un des évènements de l’hiver a quelque chose de profondément risible – des lives officiels de Pearl Jam, il en existe plus d’une centaine.
Si l’on ajoute cela le fait que le dernier album en date des légendes de Seattle (Backspacer, il y a deux ans) était probablement le plus faible de leur carrière, concluant sur une note mineure ce qui avait probablement (et paradoxalement) été leur plus brillante décennie, il n’y avait pas forcément de raison de se réjouir de la sortie de Live on Ten Legs, appel à peine masqué à raviver un glorieux passé (il s’agit de célébrer les vingt ans de carrière du groupe tout en répondant à Live on Two Legs, premier live du groupe en 1998… peut-être leur meilleur disque). Et pourtant.
Et pourtant malgré ces réserves légitimes, aussi dues au fait qu’on est fatalement plus exigeant avec un groupe dont l’intégrité a fini par devenir la marque de fabrique… malgré ces réserves, donc, Live on Ten Legs le fait. Dans le fond, ce n’est pas une surprise : s’il y a bien une chose que sa quantité astronomique d’official bootlegs a prouvé, c’est que Pearl Jam était quasi incapable de foirer un concert, témoignant sur scène de la même constance dans la qualité qu’on lui connaît sur disque. Alors un best of live, puisque c’est de cela qu’il s’agit, ça ne pouvait qu’être de qualité. D’autant que le groupe, avec sa pertinence habituelle, s’est appliqué à éviter tout doublon possible avec Live on Two Legs. Ce n’était certes pas très difficile (le groupe a tout de même sorti quatre albums depuis, et qui plus est Live on Two Legs avait la particularité d’éviter les tubes trop évidents… que l’on retrouve donc ici, notamment "Jeremy" et "Alive"). Mais cela demeure une intention louable, qui compense la seule véritable faiblesse de cette compilation… à savoir que justement, c’est une compilation, dûment remixée par l’indispensable Brett Eliason.
Un défaut, avouons-le, plus éthique que véritablement musical, car dans l’ensemble cela ne s’entend pas ; Live on Ten Legs échappe, on ne sait comment, à la production ultra-compassée de ce genre de disque. Le travail, méticuleux, visait de tout à évidence à donner à l’ensemble une unité sonore, non à cacher la misère ; même les faussetés (de plus en plus nombreuses avec les années) dans la voix d’Eddie Vedder ont été conservées, ce qui non seulement ne gâte rien mais confère à certains passages un côté franchement émouvant ("I Am Mine" ou la reprise de Strummer qui inaugure le disque). Quant au répertoire en lui-même, il est exécuté de main de maître par un groupe en pleine possession de ses moyens, notamment un grand Matt Cameron. Souvent oublié parce que pièce rapportée (l’ancien batteur de Soundgarden n’a intégré Pearl Jam qu’en 1998, après des années d’instabilité à ce poste), le discret Cameron a fini par devenir un véritable pilier du groupe et n’est sans doute pas pour rien dans son regain de créativité et d’agressivité de la dernière décennie. C’est que Pearl Jam, on ne le dira jamais assez, a suivi le parcours normal des rockstars en sens inverse : quand tous les autres se ramollissent en vieillissant, eux on publié leur album le plus dur ("Binaural") après… dix ans de carrière. Et publient depuis de moins en moins de ballades. En ne cessent de faire montre d’une rare vélocité en live (voir, sur ce disque, "World Wide Suicide" ou "Spin the Black Circle").
Bien entendu, après vingt ans d’activité, aucune set-list ne peut être parfaitement convaincante. Tant qu’à faire de publier un énième live, on n’aurait aimé qu’il soit double (comme l’étaient d’ailleurs certains des bootlegs officiels), car voir sacrifié un excellent album comme No Code (1996), il est vrai mal aimé des fans, fait un peu de peine. La reprise de Public Image aurait avantageusement pu être remplacée par celle (sublime) du "Gimme Some Truth" de Lennon, que le groupe interprétait souvent à la même époque. Idem concernant certains des plus beaux titres du groupe ("Low Lights", "Gone", "Love Boat Captain"…), auxquels ont été préférés des extraits du récent Backspacer, au demeurant tout à fait efficaces désormais libérés de leur étrange production FM ("Unknown Thought" rivalise même avec certains classiques). Il est impossible de satisfaire tout le monde, et le choix de privilégier l’époque récente, qui constitue à elle seule la moitié du disque, tout à fait honorable. S’il n’atteint jamais la grâce de son glorieux prédécesseur (à part peut-être sur l’irrésistible "Yellow Ledbetter" ?), Live on Ten Legs accompli sa mission en cela qu’il le complète à merveille. On pourra conseiller à tous ceux qui souhaitent découvrir ce groupe unique en son genre, tout à la fois populaire, iconique et indépendant, d’investir prioritairement dans ces deux albums. Les autres s’en passeront, mais il est vrai que Pearl Jam, monument national aux USA, n’a jamais fait l’unanimité chez nous, où les fans se réjouiront tandis que les autres s’indifféreront. C’est cependant déjà le cas pour les albums studio.
Live on Ten Legs, de Pearl Jam (2011)
Une fois n’est pas coutume, commençons par la fin. C’est-à-dire par les reproches et le mauvais esprit : il n’y a probablement, en matière de rock en 2010, rien de plus anecdotique que la parution d’un live de Pearl Jam. Et c’est principalement sinon uniquement de la faute du groupe : autrefois rare sur scène, et plus encore sur album live, le groupe a largement contribué à détruire cette aura scénique exceptionnelle depuis le jour où, lancé dans une lutte contre les bootleggers, il s’est piqué d’enregistrer et de publier quasiment TOUS ses concerts. Que Pearl Jam annonce la publication de son Live on Ten Legs comme un des évènements de l’hiver a quelque chose de profondément risible – des lives officiels de Pearl Jam, il en existe plus d’une centaine.
Si l’on ajoute cela le fait que le dernier album en date des légendes de Seattle (Backspacer, il y a deux ans) était probablement le plus faible de leur carrière, concluant sur une note mineure ce qui avait probablement (et paradoxalement) été leur plus brillante décennie, il n’y avait pas forcément de raison de se réjouir de la sortie de Live on Ten Legs, appel à peine masqué à raviver un glorieux passé (il s’agit de célébrer les vingt ans de carrière du groupe tout en répondant à Live on Two Legs, premier live du groupe en 1998… peut-être leur meilleur disque). Et pourtant.
Et pourtant malgré ces réserves légitimes, aussi dues au fait qu’on est fatalement plus exigeant avec un groupe dont l’intégrité a fini par devenir la marque de fabrique… malgré ces réserves, donc, Live on Ten Legs le fait. Dans le fond, ce n’est pas une surprise : s’il y a bien une chose que sa quantité astronomique d’official bootlegs a prouvé, c’est que Pearl Jam était quasi incapable de foirer un concert, témoignant sur scène de la même constance dans la qualité qu’on lui connaît sur disque. Alors un best of live, puisque c’est de cela qu’il s’agit, ça ne pouvait qu’être de qualité. D’autant que le groupe, avec sa pertinence habituelle, s’est appliqué à éviter tout doublon possible avec Live on Two Legs. Ce n’était certes pas très difficile (le groupe a tout de même sorti quatre albums depuis, et qui plus est Live on Two Legs avait la particularité d’éviter les tubes trop évidents… que l’on retrouve donc ici, notamment "Jeremy" et "Alive"). Mais cela demeure une intention louable, qui compense la seule véritable faiblesse de cette compilation… à savoir que justement, c’est une compilation, dûment remixée par l’indispensable Brett Eliason.
Un défaut, avouons-le, plus éthique que véritablement musical, car dans l’ensemble cela ne s’entend pas ; Live on Ten Legs échappe, on ne sait comment, à la production ultra-compassée de ce genre de disque. Le travail, méticuleux, visait de tout à évidence à donner à l’ensemble une unité sonore, non à cacher la misère ; même les faussetés (de plus en plus nombreuses avec les années) dans la voix d’Eddie Vedder ont été conservées, ce qui non seulement ne gâte rien mais confère à certains passages un côté franchement émouvant ("I Am Mine" ou la reprise de Strummer qui inaugure le disque). Quant au répertoire en lui-même, il est exécuté de main de maître par un groupe en pleine possession de ses moyens, notamment un grand Matt Cameron. Souvent oublié parce que pièce rapportée (l’ancien batteur de Soundgarden n’a intégré Pearl Jam qu’en 1998, après des années d’instabilité à ce poste), le discret Cameron a fini par devenir un véritable pilier du groupe et n’est sans doute pas pour rien dans son regain de créativité et d’agressivité de la dernière décennie. C’est que Pearl Jam, on ne le dira jamais assez, a suivi le parcours normal des rockstars en sens inverse : quand tous les autres se ramollissent en vieillissant, eux on publié leur album le plus dur ("Binaural") après… dix ans de carrière. Et publient depuis de moins en moins de ballades. En ne cessent de faire montre d’une rare vélocité en live (voir, sur ce disque, "World Wide Suicide" ou "Spin the Black Circle").
Bien entendu, après vingt ans d’activité, aucune set-list ne peut être parfaitement convaincante. Tant qu’à faire de publier un énième live, on n’aurait aimé qu’il soit double (comme l’étaient d’ailleurs certains des bootlegs officiels), car voir sacrifié un excellent album comme No Code (1996), il est vrai mal aimé des fans, fait un peu de peine. La reprise de Public Image aurait avantageusement pu être remplacée par celle (sublime) du "Gimme Some Truth" de Lennon, que le groupe interprétait souvent à la même époque. Idem concernant certains des plus beaux titres du groupe ("Low Lights", "Gone", "Love Boat Captain"…), auxquels ont été préférés des extraits du récent Backspacer, au demeurant tout à fait efficaces désormais libérés de leur étrange production FM ("Unknown Thought" rivalise même avec certains classiques). Il est impossible de satisfaire tout le monde, et le choix de privilégier l’époque récente, qui constitue à elle seule la moitié du disque, tout à fait honorable. S’il n’atteint jamais la grâce de son glorieux prédécesseur (à part peut-être sur l’irrésistible "Yellow Ledbetter" ?), Live on Ten Legs accompli sa mission en cela qu’il le complète à merveille. On pourra conseiller à tous ceux qui souhaitent découvrir ce groupe unique en son genre, tout à la fois populaire, iconique et indépendant, d’investir prioritairement dans ces deux albums. Les autres s’en passeront, mais il est vrai que Pearl Jam, monument national aux USA, n’a jamais fait l’unanimité chez nous, où les fans se réjouiront tandis que les autres s’indifféreront. C’est cependant déjà le cas pour les albums studio.
Live on Ten Legs, de Pearl Jam (2011)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Si vous n'avez pas de compte blogger, choisir l'option NOM/URL et remplir les champs adéquats (ce n'est pas très clair, il faut le reconnaître).