Akron/Family - Valeur refuge

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En ces temps de déceptions, de mythes écornés et de pointures sur le déclin, il est bon de pouvoir se raccrocher à quelques valeurs sûres, à quelques noms tenant immanquablement leur rang et dont l'énonciation demeure synonyme de qualité. Il y en a de moins en moins (il suffit d'écouter le dernier Iron & Wine pour s'en convaincre) et Akron/Family, second du CDG 2009, est bien entendu de ceux-là. Titre sans queue ni tête de l'aveu même du groupe (Akron/Family II : The Cosmic Birth & Journey of Shinju TNT), pochette belle et ridicule à la fois, série de fakes ultra-bruitistes (et finalement... ultra-crédibles) pour brouiller les pistes... aucun doute, on est sur le terrain d'un groupe pas tout à fait comme les autres, à la palette large et aux ambitions souvent imprévisibles.

Disons le tout de go, The Cosmic Birth & Journey of Shinju TNT ne reproduit pas exactement les miracles de Love Is Simple (2007) et de Set 'em Wild, Set 'em Free. Au-delà des quatre ou cinq morceaux d'ouverture, en tous points exceptionnels, il révèle quelques faiblesses laissant à penser qu'il est moins grandiose que ses deux prédécesseurs, quoique ceux qui déploraient le manque de liant de Set 'em Wild ne partegront peut-être pas tout à fait cet avis (The Cosmic Birth est un album bien plus compact, ce qui n'était pas difficile tant le chef-d'oeuvre du groupe était explosif et explosé). Qu'importe : quel plaisir, après une année 2010 en dents de scie, surtout excitante sur la fin, d'entamer 2011 (ou quasiment) avec un album aussi riche et nourrisant, renvoyant dos à dos - et sans se forcer encore - toutes les jeunes pousses du revival psyché.

Psyché... ou prog, il faut voir, tant le groupe s'envole, sur ce quatrième album "solo", vers des contrées complexes et spatiales. Dès les premières mesures de "Silly Bears", entame mégalomane et sévèrement secouée, la Family se replace dans l'héritage des Angels Of Light, un peu délaissé sur ses quelques albums.

Une manière habile de se réconcilier avec la figure du père (on pourrait effectivement considérer Gira comme le père de la famille tant il a compté dans les premières années du groupe), car soniquement parlant The Cosmic Birth n'a rien d'un retour vers le passé. Au contraire : Akron/Family creuse encore un peu plus son sillon world psychedelia (pour reprendre les termes de Dana Janssen lorsque de notre rencontre), en moins tribal, en plus mystique, en parfois complètement soul ("A AAA O A WAY"). En se refusant, surtout, de moins en moins de choses : "So It Goes" a beau chouraver le gimmick de "Sound and Vision", c'est surtout un formidable morceau que les Black Keys auraient oublié d'écrire ; "Another Sky" hésite entre barbouillage art-rock à la Beefheart et percus abrasives. Quant à "Say What You Want", c'est un de ces tours de montagnes russes baroques dont seule la Family a le secret.

Si l'on était pointilleux, on se permettrait d'émettre comme unique (petite) réserve qu'il manque une vraie grosse pièce-montée, comme l'étaient "Ed Is Portal" ou "Everyone Is Guilty". Quelques titres sont d'ailleurs un poil en-deçà du niveau habituel du groupe (rien de fâcheux, mais on ne peut pas dire que "Canopy" postule au titre d'incontournable de 2011). Akron/Family est de ces groupes dont le nom reste indubitablement synonyme de qualité, disais-je... cela ne durera peut-être pas, maintenir le niveau Love Is Simple durant des années semblant impossible à n'importe quel groupe, et le nivellement ayant probablement déjà (légèrement)  commencé. Raison de plus pour en profiter tant que le groupe demeure maître de son art, ou pas loin.



Akron Family II : The Cosmic Birth & Journey of Shinju TNT, d'Akron/Family (07/02/2011)