samedi 5 mars 2011

A Psychedelic Night - C'est Pan European qui régale.

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"Je m’appelle Judah Warsky et c’est mon premier concert", déclare le barbu pince-sans-rire, avant d’aller se planquer derrière ses synthés et le lightshow toujours aussi minimaliste du Point Ephémère. La dream-pop du claviériste des très bons Turzi (puisque c’est de lui qu’il s’agit) est un peu psyché et très cotonneuse, un peu belle et un peu chiante à la fois – c’est la loi du genre lorsqu’il se représente sur scène. Typiquement l’artiste qu’il vaudrait mieux entendre sur disque, d’autant que si l’on excepte une relative fébrilité et un remarquable non-charisme (il n’y a pas d’option « présence scénique » dans les écoles de synthé), les compos tiennent debout et ne manquent pas d’une certaine élégance. Allons, encouragements pour le petit Judah, qui aura servi l’appéritif avec une louable abnégation.

On a failli louper l’entrée, par contre. C’est qu’on n'est pas habitué, dans une ville connue pour faire lanterner trois plombes entre chaque plats, à être servi aussi vite. Et il eût été franchement dommage de manquer la moindre petite miette du show de Sir Alice, dont on ne connaissait qu’un seul morceau (l’excellent "Prophecy", sur la non moins excellente compile donnant son thème à la soirée) mais que l’on suivra à l’avenir avec la plus grande attention.

Formation minimale à l’incontestable efficacité (guitare électrique/violoncelle/voix, parfois clavier), belle présence et voix légèrement rocailleuse, la jeune femme et ses complices n’ont pas grand-chose à faire pour convaincre une assistance bluffée. On pense parfois à Tom Waits, un peu à Kristin Hersh (surtout dans les passages se limitant à la voix lévitant au-dessus de la guitare), et si le son est trop brouillon pour qu’on entende vraiment bien le violoncelle, l’ensemble est suffisamment intense et habité pour que l’on en ressorte assez impatient d’entendre la suite (en avril, me souffle-t-on dans l’oreillette). Pour preuve, le fait que l’on se souvienne de cette prestation, quand beaucoup d’autres auraient été éclipsées par l’apocalypse post-nucléaire servie par Aqua Nebula Oscillator en guise de plat de résistance.

On les attendait de pied ferme, ces petits gars (qui sont plutôt affreux sales et méchants), bien échaudé par leurs deux albums (dont l’exceptionnel Under the Moon of) et avec d’autant plus d’impatience que l’on se doutait bien que pour des raisons d’horaire/transport on ne pourrait pas assister au set des très bons Service (ça n’a pas loupé). Autant dire que les amateurs de décibels n’ont pas été déçus : « sauvage », « sismique », « chaotique », « bruyant »… c’est toute la liste des adjectifs rock’n'roll préfabriqués que l’on pourrait dérouler sans fin pour qualifier un concert en tout point remarquable. La soirée, que l’on imaginait plus psyché que cela, manquait jusqu’alors un peu d’acid-trips ? Aqua Nebula se fait fort de compenser ce malencontreux oubli, entre space-rock brutal et stoner pied au plancher. Précautions d’emploi : en être à sa troisième pinte (ça assouplit la nuque), fermer les yeux (de toute façon les mecs ne sont que des silhouettes dans les ténèbres) et remuer la tête, en rythme de préférence – mais ce n’est même pas obligé. On en sort épuisé, œil hagard et oreilles en sang. Tandis que Service s’apprête à… servir le dessert, on reprend la direction de la maison sans regret, bien conscient que le menu offert Pan nous a déjà calés.